Aug 5, 2023

Le politique, une affaire de famille ?

 


Imaginaires et pratiques de la famille et du politique en Afrique : sortir du tout néopatrimonial par un dialogue « indiscipliné »

Marie Brossier


Par-delà l’idée d’un « chemin électoral » vers la démocratie (Lindberg 2006) et des mutations institutionnelles mises en place depuis les processus de transition politique des années 1990 (Gazibo 2005 ; Van de Walle 2009), on constate que les logiques familiales dans l’accès aux positions et ressources du pouvoir perdurent et restent logées au cœur des trajectoires socio-historiques de l’État et des modes de transfert du pouvoir dans les sociétés africaines (Bayart 1989 ; Bayart
 et al. 1997 ; Daloz 1999 ; Carothers 2002 ; Foucher 2009). Elles continuent d’alimenter les relations de loyautés et d’allégeances politiques, ainsi que le renouvellement du personnel politique ; la permanence des réseaux, des clans, des factionnalismes s’organisant autour de pratiques et d’imaginaires politiques construits autour de la famille. Si, depuis les Indépendances, les relations entre espace de la famille et du politique ont été marquées par des logiques d’accumulation et de redistribution, celles-ci ont été mises à mal par la raréfaction de l’accès aux ressources consécutive à la mise en place des programmes d’ajustement structurels et des réformes néo-libérales qui les ont accompagnés depuis les années 1980.

2Ce numéro spécial, en rouvrant le dossier des rapports entre famille et politique, propose un dialogue « indiscipliné » entre ces objets rarement étudiés ensemble, du fait de la déconnexion entre les disciplines. En effet, alors que dans les années 1960-1970, l’anthropologie dynamique et les approches de la segmentarité (Salhins 1958 ; Balandier 2004) démontraient la nécessité de penser ensemble famille et politique, on constate que depuis, ces deux domaines de la vie en société ont largement été travaillés séparément. On trouve, d’un côté, des travaux qui s’intéressent à la parenté et à la famille sous l’angle de l’anthropologie, l’histoire, la sociologie, la démographie ; et, de l’autre, des études qui portent sur la nature des régimes politiques et sur les processus de démocratisation et d’institutionnalisation du pouvoir.

3Cette polarisation des objets se retrouve également dans la division « fort gênante » (Goody 1986 : 7) de l’étude des thèmes de la famille et de la parenté entre sociologie, d’un côté, et anthropologie ou ethnologie, de l’autre. Cette disjonction disciplinaire qui se développe au cours du xixe siècle conduit à brouiller la compréhension des phénomènes étudiés. J. Goody (2014) montre que ce « great divide » disciplinaire recoupe celui entre sociétés « traditionnelles » (pensées comme primitives) et « modernes » (pensées comme occidentales et capitalistes). Pourtant depuis quelques années, les anthropologues s’accordent pour constater que les approches classiques de la parenté (fonctionnalistes ou structuralistes) se sont essoufflées (Barry 2000 ; Collard 2000). Cet essoufflement s’explique notamment par le recours à une approche postmoderniste et « dé-constructiviste » au sein des new kinship studies (à la suite de Schneider 1984 ; Strathern 1992, 2014 ; Franklin & McKinnon 2001 ; Carsten 2004 ; Sahlins 2011a,b). Ce champ a réinvesti la parenté sur des terrains occidentaux et sous l’angle du genre, de la sexualité, des corps, des adoptions internationales, des parentés homosexuelles, des familles recomposées ou encore de la procréation médicalement assistée (Porqueres i Gené 2009, 2014), bouleversant la compréhension des façons de faire la famille.

  • 1 Pour une présentation critique de ces travaux, voir les comptes rendus de certains de ces ouvrages (...)

4Ce renouveau bienvenu permet de réconcilier les études sur la famille et la parenté mais également de « dés-exotiser » les sociétés non occidentales en cassant cette barrière épistémique. Dans ce sens, on constate que l’étude des rapports entre famille et politique dans les sociétés africaines a connu un regain d’intérêt, notamment dans la littérature francophone, à partir de multiples focales disciplinaires. S’ils ne constituent pas à proprement parler un nouveau champ de recherche, ces travaux questionnent de manière diffuse les mutations de l’institution et de la structure familiale (la plupart du temps sous l’angle du genre). Ils traitent de la reproduction (Thomas 2003 ; Bonnet & Duchesne 2016 ; Cooper 2019), de normes d’organisation et de répartition des tâches (Pilon & Vignikin 2006 ; Dial 2008 ; Marcoux & Antoine 2014 ; Pauli & van Dijk 2016-2017), des logiques d’émancipation et d’autonomisation des femmes (Adjamagbo & Calvès 2012 ; Gomez-Perez & Brossier 2016 ; Gomez-Perez 2018), de l’émergence de nouveaux modèles familiaux dans la migration (Razy & Baby-Collin 2011 ; Cole & Groes 2016 ; Séraphin 2016) et de la globalisation (Gonzales et al. 2011). Ces reconfigurations sont portées par des logiques d’individuation ancrées dans l’urbain (Fouquet 2014) ou impulsées par des engagements militants qui influent sur les trajectoires biographiques (Brossier 2010 ; Bouilly & Rillon 2016 ; Bouilly et al. 2016) et sur les normes de genre et les ethos familiaux disponibles (Broqua & Eboko 2009 ; Epprecht 2013 ; Ekine & Abbas 2013 ; Droz 2015 ; Currier 2019). Certaines recherches récentes, en anthropologie et en histoire notamment, s’intéressent à nouveau à la formation d’un ordre politique articulé autour de la parenté (Dahou 2005 ; Thelen & Alber 2017), interrogent la participation politique (Singerman 2006), ou abordent de manière originale la production de la famille dans le contexte colonial (Jean-Baptiste 2014 ; Burril 2015 ; Tisseau 2018), par le droit (Brossier 2004 ; Coquery-Vidrovitch 2007 ; Ndiaye 2016 ; Andreetta 2018), les politiques familiales de l’État (Vergès 2017), ou encore le religieux et les mobilisations collectives (Brossier 2010 ; Buggenhagen 2012 ; Walker-Said 2018)1.

5Ce numéro entend ainsi dépasser la très forte « disciplinarisation » des objets canoniques que sont d’une part, la famille et la parenté en histoire, en anthropologie et en sociologie et, d’autre part, l’exercice du pouvoir, l’État et la bureaucratie en science politique. Il permet ainsi de naviguer aux confins des « périphéries » disciplinaires, d’en assouplir, voire d’en transgresser les frontières. Ce numéro rejoint aussi l’exercice de réhabilitation d’objets longtemps délaissés sur le continent africain en raison de la longévité des régimes autocratiques et de l’hybridité des processus de transition qui ont largement capté l’intérêt des politisites (Cheeseman 2018a). Ce numéro montre qu’aucun objet n’est par définition propre à un champ de recherche ou à une aire culturelle et qu’il est bénéfique de travailler le couple famille et politique dans la fluidité et la porosité disciplinaire en croisant les apports de la sociologie des institutions, de la famille, des élites ; l’étude de la socialisation politique ; l’anthropologie de la parenté, du droit ; mais aussi l’histoire, la géographie et la démographie. Il s’agit enfin de participer à la réconciliation des approches par le « haut » (des institutions politiques et des élites) et par le « bas » (étude des imaginaires et des modes populaires de l’action politique) qui structurent la science politique africaniste française depuis le début des années 1980, notamment autour des théories de la politique du ventre (Bayart 1989) et du néopatrimonialisme (Médard 1992). Celles-ci semblent avoir condensé la complexité des rapports entre famille et politique dans l’idée d’une privatisation du pouvoir, d’un accaparement personnel des biens publics et d’un système social pyramidal de redistribution et d’allocation de ces ressources.

6Dans ce sens, ce numéro n’entend pas analyser le couple famille et politique à partir de la question des catégories de régime, mais préfère interroger comment la famille et le politique se co-produisent mutuellement dans des configurations politiques héritées de la période coloniale, marquées par l’expérience autocratique, puis celle des transitions depuis les années 1990. Par conséquent, ce numéro se structure autour de deux questions principales : tout d’abord, un ordre politique formé sur celui de la famille (légitimité, droits, devoirs) représente-t-il un gage de stabilité qui permet de formuler et de réduire l’incertitude démocratique dans des sociétés marquées par des processus de transitions politiques ? Cet ordre particulier conduit-il, par ailleurs, à remettre en question l’autonomie du champ politique acquise au cœur des luttes et contestations des démocratisations ayant doté ce champ de normes et de règles de fonctionnement qui lui sont propres ?

7Pour y répondre, ce numéro reprend l’idée d’une homologie de structure existant entre la sphère familiale et la sphère politique (Bourdieu 1980) car l’imbrication de ces deux sphères n’a rien de naturelle mais fait constamment l’objet d’un travail de construction et de légitimation, voire de légalisation. Cette homologie de structure s’opère par la mise en cohérence des structures sociales et des structures cognitives des agents par l’intermédiaire des structures symboliques entre les différents secteurs de la société (Bourdieu 1994). Elle s’observe dans les représentations des comportements politiques comme des comportements privés (Borgetto 1983), l’étymologie du terme « citoyen » renvoyant autant à ceux qui « copartagent des droits politiques » qu’à ceux qui participent au « cercle de la famille » (Benveniste 1969 : 335-337). Cette représentation de la famille et du politique a engendré une assimilation des rapports politiques et sociaux à des rapports de parenté et à leurs caractéristiques : amour, solidarité, générosité, proximité, mais aussi jalousie, défiance, haine, trahison. Dans ces conditions, la famille s’est imposée comme une ressource fondamentale pour le politique en nourrissant les imaginaires de la légitimité politique autour d’une métaphore qui apparente les droits et responsabilités entre gouvernants et gouvernés à des rapports entre père et enfants (Schatzberg 2001).

Des objets trop disciplinés ?

  • 2 M. Godelier (2004 : 599) définit la famille et la parenté ainsi : « La famille représente un ensem (...)
  • 3 Voir G. Balandier (2004, 2006) : Les relations d’alliance forment le lien crucial entre lignages q (...)
  • 4 Une société segmentaire est formée d’une multiplicité de groupes qui s’emboitent les uns dans les (...)
  • 5 En particulier sur le monde arabe, voir Gellner (1967) et Picard (2006).

8Sans rentrer dans les débats propres à chacune de ces disciplines, ce numéro inscrit sa réflexion sur la famille et le politique au sein des champs particuliers de l’anthropologie et de la sociologie. Tout d’abord, nous proposons d’aller au-delà du paradigme de la modernité qui a durablement structuré les études en anthropologie de la parenté. Celui-ci, en posant la question de la disparition contemporaine des sociétés traditionnelles (Godelier et al. 1998 ; Godelier 2004)2 maintient la parenté dans une conception néo-classique (Déchaux 2008). Le lien entre anthropologie de la parenté et anthropologie politique autour de l’« anthropologie dynamique » (Balandier 1955, 1988 ; Ficquet & Hazard 2017) inspirée par les chercheurs du Rhodes-Livingstone Institute comme Max Gluckman (1940) (Copans 2001 ; Donegani 2006) permet de penser le changement et le dynamisme des différentes institutions sociales. Ces approches veulent revenir sur la distinction que fait l’anthropologie sociale entre ordre de la parenté et ordre du politique3 autour du clivage entre sociétés « à État » et sociétés « sans État ». Celui-ci opposait ainsi les sociétés segmentaires4 acéphales avec pour fondement le lignage à faible différenciation entre parenté et politique (Sahlins 1958, 1961), aux sociétés plus ou moins complexes dotées d’institutions politiques centrales (Mair 1962 ; Evans-Pritchard & Fortes 1970). L’impact de la conception d’un système social segmentaire a été considérable dans les sciences sociales et a permis de nourrir d’autres champs disciplinaires et d’autres aires géographiques5 en offrant des éléments de réponse aux recherches qui interrogent l’interpénétration des systèmes de parenté et des systèmes politiques.

  • 6 « La famille est […] le premier modèle des sociétés politiques, la plus ancienne et la plus nature (...)

9De plus, les travaux pionniers de la sociologie ont directement associé la question de la famille à celle de l’intégration sociale (Durkheim 1888, 1921), et les mutations du politique à celles du familial et du social (de Tocqueville 2006). La famille était présentée comme l’expression des lois fondamentales de l’univers dont la société politique devait s’inspirer, constituant la genèse de l’autorité politique (Rousseau 1852 : 640)6. A. Verjus (2009) montre cependant que la philosophie libérale républicaine, tant aux États-Unis qu’en France, va s’opposer au patriarchalisme hérité des régimes monarchiques jusqu’aux révolutions de 1776 et 1789 en dénonçant la confusion entre l’autorité paternelle naturelle et l’autorité politique. Elle retrace comment les républiques naissantes qui en résultent vont néanmoins continuer de se référer à ce modèle familial de l’autorité politique. L’analogie entre la famille et le politique a ainsi constitué le meilleur garant de légitimation et de perpétuation de la souveraineté, autorisant l’affirmation d’une certaine représentation du politique. La famille constitue ainsi une production biologique et sociale instituant du politique et du sociétal qui apparaît comme un fait naturel et par extension universel (Lenoir 1991, 2003).

10Si ces travaux en anthropologie et en sociologie ont évidemment informé la compréhension du fait politique en Afrique, on constate que les travaux de science politique se sont principalement concentrés sur la longévité des régimes autoritaires marqués par la privatisation du pouvoir qui émergent à la suite des Indépendances (Jackson & Rosberg 1982 ; Hughes & May 1988 ; Bienen & Van De Walle 1989) et l’existence d’une règle personnelle (Jackson & Rosberg 1982). Par la suite, les expériences africaines de transitions politiques (Bratton & Van de Walle 1997 ; Eboussi Boulaga 2009) ont fait l’objet d’une littérature abondante mettant en lumière l’ambivalence du passage d’autocraties présidentielles à des démocraties constitutionnelles marquées par le maintien du personnel politique à la tête de l’État (Bayart et al. 1992 ; Bratton & Van de Walle 1994 ; Baker 1998 ; Chabal & Daloz 1998 ; Daloz 1999 ; Diamond 2002 ; Van de Walle 2007) témoignant de formes d’« imperial presidency » (Prempeh 2008). Les chercheurs se sont essayés à de multiples tentatives de typologie et de catégorisation (Collier & Levitsky 1997 ; Bratton & Van de Walle 1997 ; Daloz & Quantin 1997 ; Chazan 1999 ; Diamond 2002 ; Van de Walle 2002 ; Dabène et al. 2008 ; Levitsky & Way 2010). Puis, avec la remise en question de la capacité du paradigme de transition à expliquer le changement politique (Carothers 2002), l’intérêt s’est accru pour les formes d’institutionnalisation du pouvoir : limites constitutionnelles aux mandats politiques, rôle des pouvoirs judiciaires et parlementaires, partis politiques, élections et rôle de l’opposition (Kuenzi & Lambright 2007 ; Posner & Young 2007 ; Lindberg 2009 ; Pommerolle & Vairel 2009 ; Quantin 2009 ; VonDoepp 2009 ; Pitcher 2013 ; Cheeseman 2018a). Ces travaux soulignent pour autant combien les mécanismes illibéraux et non formels (Bratton 2007) de la stabilité politique (manipulations électorales, achat de votes, violence) continuent de rendre problématique le transfert de pouvoir et l’alternance à la tête de l’État (Foucher 2009 ; Bleck & Van de Walle 2018). La permanence des pratiques de clientélisme, des logiques factionnelles, des modes d’accès au pouvoir par canaux personnels et par manipulations électorales (Bayart et al. 1997 ; Van de Walle 2007 ; Arriola 2009 ; Hyde 2011 ; Riedl 2014) reste encore déterminante.

11La littérature en sociologie politique a largement mis l’accent sur des pratiques de privatisation du pouvoir et de cooptation autour de concepts comme patronage, clientélisme, « cronyism », « prebendalism », corruption, prédation, factionnalisme. Ceux-ci s’articulent (sans forcément en être bien distingués) avec l’usage routinisé des modes de gouvernance néopatrimoniale du pouvoir des États africains post-coloniaux (Weber 1971 ; Eisenstadt 1973 ; Clapham 1982 ; Lacam 1988 ; Bratton & Van de Walle 1994 ; Darbon 2010 ; Bach & Gazibo 2011). S’inspirant des travaux sur la domination patrimoniale wébérienne, le néopatrimonialisme est défini comme un type mixte construit sur de la confusion entre sphère privée et sphère publique qui s’opère dans un cadre d’institutions étatiques légales-rationnelles (Médard 1992). Pourtant, au vu du bilan mitigé des processus de démocratisation (Gazibo 2005) et contrairement aux attentes normées des acteurs internationaux, les auteurs constatent que les expériences de démocratisation qui se mettent en place à partir des années 1990 n’ont pas entrainé la disparition de la logique néopatrimoniale et l’ont parfois renforcée (Lindberg 2003).

  • 7 Voir par exemple le dossier « Fils de président, dans l’ombre du père », Jeune Afrique, 31.12.2013
  • 8 Aux États-Unis (Kelley 2004 ; Dal Bó et al. 2009 ; Feinstein 2010 ; Hess 2015), au Canada (Leduc (...)
  • 9 Notamment en Asie (Shiraishi 2000 ; Jaffrelot 2006 ; Chhibber 2013 ; Asako et al. 2015 ; Chandra 2 (...)

12Cette dimension familiale de la captation du pouvoir politique se donne à voir de manière particulièrement frappante avec la mise en place de familles à la tête de différents États (Bernault & Tonda 2009 ; Midepani 2009 ; Njoya 2009) que les médias décrivent abusivement comme la « mode des fils » en Afrique7. Ce phénomène de « dynasties politiques » et de succession héréditaire du pouvoir n’est pourtant ni spécifique à l’Afrique ni nouveau : il s’observe aussi bien en Amérique du Nord et du Sud8, qu’en Europe, en Asie et dans le monde arabe9. Ceci témoigne ainsi du fait que ces dynasties politiques qui opèrent une transmission héréditaire du pouvoir ne se retrouvent pas seulement dans les régimes autoritaires et qu’elles ne sont pas propres à des sociétés perçues comme « archaïques » ou « exotiques ». Si ces formes particulières de succession politique ont fait l’objet d’une littérature ancienne en anthropologie sur le continent (Goody 1979), très peu d’intérêt a pourtant été porté, depuis, à la formation des dynasties politiques en Afrique alors qu’elle constitue un champ florissant dans l’étude d’autres aires d’études depuis quelques années. En effet, les travaux fondateurs sur la reproduction familiale du personnel élu aux États-Unis (Clubok et al. 1969 ; Kurtz 1989) ont été réinvestis relativement récemment pour questionner la constitution de lignées de familles d’élus en politique (Patriat & Parodi 1992 ; Hansen & Garey 1998) et la permanence de dynasties politiques au sein des parlements en contexte démocratique, mais ont aussi ouvert la voie aux travaux sur les successions héréditaires à la tête de l’État en contexte autocratique (Brownlee 2007, 2008 ; Brownlee et al. 2013).

  • 10 Concernant l’exploitation des institutions démocratiques pour accéder à des positions de pouvoir, (...)

13Dans le cas des démocraties établies comme dans celles en transition, les travaux s’intéressent à l’effet de perpétuation dynastique du pouvoir (dans le sens des travaux sur le self-perpetuation of political power)10, à la reproduction des élites (Acemoglu & Robinson 2008), à l’avantage électoral donné par un nom connu (Gallagher 1988  ; Laband & Lentz 1985 ; Abélès 1992 ; Feinstein 2010 ; Smith 2018 ; Van Liefferingge et al. 2012 ; Van Coppenolle 2014), ou à l’impact de ces dynasties politiques sur la compétition électorale et les politiques publiques menées (Asako et al. 2015 ; Mendoza et al. 2012). Ces études se sont principalement attachées à retracer les lignages familiaux évoluant dans la sphère du politique et de l’État, établissant de longue date les logiques familiales de reproduction du pouvoir tant au niveau local que central (Garraud 1989). Pourtant, ces travaux questionnent peu les mécanismes concrets de l’hérédité politique (Patriat & Parodi 1992 ; Brossier & Dorronsoro 2016b), notamment les stratégies de légitimation de l’héritier et de transmission de mandats et de fonctions — et parfois de leur échec — comme les tactiques de densification de réseaux d’appui informel et de positionnements politiques.

Matrice familiale d’organisation du pouvoir

14En s’inscrivant dans ces trajectoires disciplinaires, ce numéro bénéficie ainsi des apports récents des études qui réconcilient famille et parenté, tradition et modernité, biologique et social (new kinship studies, Allard 2006 ; Mathieu & Gourarier 2016 ; Porqueres i Gené 2009, 2016) et qui diversifient les terrains d’études géographiques de ces objets (en Europe par exemple, voir Sabean 2007). Dans ce numéro, famille et parenté sont travaillées par-delà les définitions classiques de l’anthropologie et de la sociologie en s’appuyant sur la conception bourdieusienne de la famille comme « une catégorie, un principe collectif de construction de la réalité collective » (Bourdieu 1993 : 33) tout autant qu’une « fiction sociale réalisée » (Bourdieu 1993 : 34). Il s’agit de voir comment la « famille se fabrique et est une fabrique » (Mathieu & Gourarier 2016 : 17) afin d’ouvrir sa compréhension aux représentations et aux pratiques qui informent la structuration du champ politique et l’exercice du pouvoir et vice-versa.

15Ce numéro invite ainsi à penser les rapports entre famille et politique dans un même continuum à partir de l’idée d’une matrice familiale d’organisation du pouvoir reposant sur les logiques d’homologie entre champ de la famille et champ du politique afin de sortir de la boite à outils du patrimonial et du néopatrimonial (Médard 1992) ainsi que de celle sur les fondements de la gouvernance légitime (Schatzberg 2001). En quoi la sortie de ces appareils conceptuels est-elle intéressante et constitue un apport certain dans la compréhension de la co-production de la famille et du politique ?

16Tout d’abord, parce que la littérature sur le néopatrimonialisme reste marquée par une logique culturaliste et rationaliste des logiques clientélistes qui enferme la compréhension des transformations du fait politique en Afrique. Elle met l’accent sur les pratiques de personnalisation et de privatisation du pouvoir des dirigeants dans le cadre du dispositif institutionnel étatique. Cette littérature renvoie ainsi ces pratiques et leurs effets sur les modes de gouvernance à la question de la reproduction des élites et des trajectoires de formation de l’État sur le continent. Considéré par beaucoup comme élusif et attrape-tout (Erdmann & Engel 2007), le concept de néopatrimonialisme est notamment critiqué pour le lien causal qu’il implique entre un type d’autorité et un type de régime (Pitcher et al. 2009). Ces critiques soulignent également la nécessité de repenser les logiques de formation/domination de classes, et de confronter les effets pervers de l’école de pensée néopatrimoniale qui s’autoalimente et influence les bailleurs internationaux en développant et systématisant une grille normée de lecture en termes de gouvernance (Mkandawire 2015). Par ailleurs, l’existence d’une matrice de la gouvernance légitime proposée par M. Schatzberg (2001) a, certes, eu le mérite de réintroduire, en mobilisant un dialogue interdisciplinaire fécond entre l’anthropologie, la sociologie et l’anthropologie, la question de la formation et la circulation des schèmes familiaux du pouvoir entre élites et citoyens ; et ce, dans un moment où la littérature en science politique (anglophone) était saturée d’études cherchant à évaluer les processus de transition démocratique et à catégoriser les types de régimes qui en ont émergé. Cependant, cette approche, qui résonne avec la « fiction légitimante de l’autorité » identifiée par A. Verjus (2009) sur le patriarchalisme, reste marquée par une vision normative et culturelle des schèmes et modèles familiaux (patriarcaux et hétéronormés) du pouvoir produit par les élites. Ils servent à légitimer les formes concrètes de dévolution du pouvoir et de modalités de sélection du personnel politique et façonnent les imaginaires politiques en constituant le socle moral et culturel de la légitimité politique dans les sociétés d’Afrique centrale étudiées par l’auteur. De plus, cette approche ne prend pas en compte comment les citoyens adaptent, négocient, transgressent leurs représentations du politique et ce, pas uniquement en fonction de schèmes familiaux du pouvoir venus du « haut ». Les schèmes moraux de la légitimité politique incorporent également d’autres représentations, par exemple venues des croyances religieuses ou de la globalisation.

  • 11 Voir notamment Gazibo (2001), Gazibo & Thiriot (2009), Darbon (2010) ainsi que la Revue Sociétés p (...)

17De plus, l’ambition de ce numéro est également de réfléchir à l’importation sur le terrain africain d’outils conceptuels forgés dans d’autres espaces géographiques. Il s’agit de participer à l’effort de décloisonnement comparatif qui s’amorce dans la littérature francophone11 (pourtant très institutionnalisé par le sous-champ anglo-saxon des comparative politics studies) et du dépassement des grandes divisions épistémologiques ayant structuré la trajectoire des sciences sociales :

La distinction entre, d’une part, des sociétés fondées sur l’enchevêtrement des instances sociales et marquées par l’importance de la parenté et ses langages dans la construction de l’ordre social et, d’autre part, des sociétés modernes, caractérisées par la séparation progressive des institutions — économiques, politiques, religieuses — où la parenté rétrécit en prenant les contours de la famille nucléaire désormais cantonnée à la sphère du privé, rend en grande partie compte de clivages décisifs au sein des sciences sociales (Porqueres i Gené 2016 : 29).

18Au-delà des singularités propres à chaque espace et cas étudiés, on observe que les études du politique en Afrique, en France, se sont constituées en un sous-champ particulariste (« africaniste ») évoluant à la périphérie du centre disciplinaire de la science politique construit sur les études du fait politique occidental. Le dialogue résolument interdisciplinaire entrepris par les politistes « africanistes » avec l’anthropologie et l’histoire a, par conséquent, constitué une nécessité pour ancrer leurs travaux dans les apports des disciplines qui leur ont préexisté tout en cherchant à les dépasser et à apporter un regard neuf sur des objets politiques en mouvement (Bayart 1981) ou « non identifiés » (Constant Martin 1989). De manière différente dans le monde anglo-saxon, c’est moins dans le dialogue interdisciplinaire que ces études se sont ancrées que dans la nécessité d’imposer l’universalité des études sur le politique en Afrique au sein du sous-champ de la politique comparée notamment américaine (Sklar 1993 ; Hyden 2001). Ces travaux cherchent ainsi depuis une quinzaine d’années à requalifier les objets institutionnels aux côtés de l’étude sur les types de régime (Cheeseman 2018b).

19Cet effort de décloisonnement s’est traduit par la volonté de faire circuler des outils conceptuels forgés à partir des sociétés occidentales afin de tester leur potentiel heuristique sur les sociétés africaines : on pense notamment aux travaux sur le processus d’individualisation (Marie 1997) et d’autonomisation (Gomez-Perez 2018), les ethos (Lonsdale 1996 ; Banégas 2003 ; Droz 2015), les logiques foucaldiennes de subjectivation (Bayart & Warnier 2004 ; Audrain 2013 ; Warnier 2013), les mobilisations collectives (Brossier 2010 ; Bouilly 2019) et les politiques publiques (Darbon & Provini 2018). Quant aux travaux sur la question de l’espace public, si certains jugent « l’espace public introuvable » (Olivier de Sardan 1999), d’autres préfèrent interroger les interactions et dilution du privé dans le public et vice-versa (Morelle 2006), sa superposition avec l’espace religieux (Holder 2009) ou rappeler l’intérêt d’user du concept habermassien en terrain africain (Banégas et al. 2012).

  • 12 L’approche relationnelle de la parenté ne fait pourtant pas consensus au sein de la discipline, vo (...)

20Il ne s’agit donc pas ici de définir un espace domestique et privé qui serait celui de la famille, de la parenté ou encore le domaine de la famille nucléaire (Elias 1983 ; Ariès & Duby 1985 ; Habermas 1990 ; Berrebi-Hoffmann & Saint-Martin 2016) et qui s’opposerait à un espace public. Nous jugeons plus habile de penser la labilité des contours de la famille afin de sortir d’une approche trop rigide et normée des espaces de la famille et du politique, de penser les logiques d’homologie qui les rapprochent et les mettent en cohérence. Nous considérons que la famille constitue un espace tant relationnel (Sahlins 201112 ; Read et al. 2014 ; Strathern 2014 ; Porqueres i Gené 2016) qu’institutionnel. Il se compose en fonction des formes (nucléaires, élargies) que peut prendre le groupe familial selon les contextes socio-politiques et les pratiques de famille et de parenté qui s’y déploient (Weber 2005 ; Déchaux 2008), ainsi que des règles et normes morales et juridiques (édictées notamment par l’État, Lenoir 2003) qui en définissent le fonctionnement en tant qu’« institution en pratiques » (Lagroye 2002). Cet espace familial constitue enfin une réalité sociale souple et polymorphe qui évolue par le jeu des acteurs qui la composent, des politiques familiales étatiques qui la définissent, et des luttes générationnelles (entre cadets et ainés sociaux : Bayart & Copans 1981 ; Gomez-Perez & Leblanc 2012) et logiques de classes (Sklar 1979 ; Callaghy 1983, 1984 ; Joseph 1987 ; Harsch 1993 ; Darbon 2012) qui s’y jouent et qui l’inscrivent dans le temps long.

  • 13 Se nourrissant des travaux fondateurs qui ont renouvelé l’approche politique de l’ethnicité dans (...)

21Les articles de ce numéro, en interrogeant les rapports entre famille et politique, dessinent ainsi les contours d’une matrice familiale d’organisation du pouvoir qui permet de penser dans un même continuum comment la famille produit du politique et, inversement, comment le politique produit de la famille. Comme on le présente précisément ci-dessous, cette matrice qui tient ensemble représentations et pratiques (Bourdieu 1972), se structure autour de deux axes principaux qui croisent, d’une part, l’enjeu de la famille comme un espace relationnel de pouvoir et de domination et, d’autre part, celui de la famille, la parenté et l’hérédité comme ressources dans le jeu politique. Cette matrice pourra être interrogée de manière féconde à partir des travaux en histoire, en anthropologie et sociologie sur la maison et la maisonnée (Weber 2002 ; Bourdieu 2012 ; Haddad 2014) ou encore ceux sur le tribalisme politique de J. Lonsdale (1996)13 qui ont permis de montrer comment l’action politique constitue l’ethnie et, par conséquent, comment celle-ci s’est imposée comme un cadre privilégié d’action politique.

La famille, un espace relationnel de pouvoir et de domination

22Les auteurs de ce numéro, en choisissant de s’affranchir des silos disciplinaires qui ont entravé une compréhension mutuelle de la famille et du politique, interrogent tout d’abord comment la famille constitue un espace de production du politique et du social et inversement. Ils dialoguent, tout d’abord avec les travaux sur la place de la famille dans les mécanismes de reproduction sociale (Bourdieu 1989, 1993) et la famille comme espace de socialisation politique et de transmission des valeurs politiques et du capital partisan et militant (Jennings et al. 2009 ; Bantigny & Baubérot 2011 ; Van Liefferinge et al. 2012). Les articles résonnent, par ailleurs, avec les travaux sur les élites dans les sphères étatiques, économiques ou culturelles qui ont identifié les logiques d’accumulation de ressources et de transmission familiale du capital (Patriat & Parodi 1992 ; Bourdieu 1994 ; Pinçon & Pinçon-Charlot 1998 ; Bessière 2010 ; Gollac 2013 ; Droz 2017). Les articles dans leur ensemble avancent ainsi l’idée de la famille comme un espace relationnel dans lequel se déploient des rapports de pouvoir et de domination. L’État en est un acteur central, puisque par la production de normes, notamment morales et juridiques (Lenoir 2003), il organise la cellule familiale et les rapports domestiques et intimes que les individus y nouent. Le texte d’Erdmute Alber est à cet égard particulièrement intéressant, puisqu’il revient sur les politiques de rationalisation étatiques (dans le sens de Scott 1999) que vont imposer les autorités coloniales au Dahomey au début du xxe siècle pour rendre les pratiques familiales (confiage d’enfants, mobilité des individus sur le territoire, pluralité des noms de famille) lisibles (legibles) en vue de les contrôler. Ces politiques, mises en place par les autorités, s’expliquent, d’une part, par un souci de contrôler (identifier et recenser) la population à des fins fiscales et de travail forcé notamment, d’autre part, parce que ces pratiques familiales considérées comme « pré-modernes », ne correspondent pas aux normes bureaucratiques d’un État colonial qui se veut « moderne ». Dans un continuum temporel fort pertinent, Sophie Andreetta montre comment le Bénin dans la période contemporaine a satisfait aux exigences politiques et aux normes juridiques des bailleurs internationaux en adoptant en 2004 un nouveau Code de la famille abrogeant les dispositions coutumières et s’inspirant du droit positif français. Son article montre comment ce nouveau code, s’il devient le moteur de promotion de l’« État de droit et de la bonne gouvernance », est néanmoins mobilisé par les individus, notamment pour régler les conflits d’héritage. Andreetta souligne ainsi comment le droit institutionnalise une certaine conception de la famille tout en servant de levier aux usagers pour reconfigurer, renégocier leurs pratiques familiales, notamment les hiérarchies de genre et de générations qui structurent la famille. Ces deux textes montrent ainsi l’intérêt et l’importance de penser les logiques de co-production de la famille et du politique par le droit (et donc par l’État) et, par conséquent, de voir comment celui-ci organise non seulement les rapports d’intimité et de domesticité, mais permet aussi aux citoyens de les transgresser. Leurs contributions éclairent enfin l’importation de formes de gouvernementalité « extravertie » (Bayart 1999), que ce soit par la colonisation puis par les injonctions internationales. Ceci leur permet de déconstruire une vision de la famille comme une institution uniforme dans le temps et dans l’espace. Ces articles se penchent ainsi sur l’évolution des modèles familiaux, en questionnant la pluralité des normes d’organisation familiale disponibles et notamment leur globalisation. Ces évolutions transforment ainsi les figures légitimes de l’autorité (Therborn 2004 ; Gonzales et al. 2011 ; Buggenhagen 2012 ; Attias-Donfut et al. 2012).

23La famille constitue également un espace de socialisation qui s’organise autour de logiques de proximité et de conflictualité politique. Jean-Pierre Olivier de Sardan, en déconstruisant les frontières rigides entre espaces de la famille et de la politique au Niger, montre très concrètement comment s’opère l’homologie de structure entre champ familial et champ politique. Il décrit comment les loyautés et rivalités s’organisent au sein de chacun de ces deux espaces, en soulignant l’imbrication très forte des espaces du social (familial et magico-religieux) et du politique. Ce chevauchement, particulièrement marqué au niveau local lors des élections des chefs de cantons, résiste aux logiques d’autonomisation et de distanciation vers lesquelles tend le processus de démocratisation. Comme le fait Olivier de Sardan en investissant la sémiologie des termes utilisés pour décrire ces relations de proximité et de conflits (baab-izey et nya-izey), Adib Benchérif, dans le cas du Nord Mali, met l’accent sur les cadres cognitifs et affectifs qui façonnent les imaginaires politiques. Leurs deux textes retracent l’usage des « structures de sens » (Geertz 1973) qui nourrissent le processus de naturalisation et d’invention de la famille comme modèle d’organisation socio-politique tout en montrant comment elles organisent la compétition politique. Benchérif, en s’intéressant aux dynamiques conflictuelles maliennes depuis les années 1990, étudie les luttes au sein de la communauté touareg entre élites imghad et ifoghas. Il montre comment celles-ci vont formuler des récits familiaux et de parenté pour asseoir leur domination au sein de la communauté touareg et convertir cette position dans l’arène électorale et représentative pour consolider leur accès à des positions de pouvoir. Cette « grammaire de la parenté » nourrie par des enjeux de positionnement et de luttes affectives et statutaires, constitue ainsi une clé de compréhension essentielle pour expliquer les reconfigurations internes à la communauté et la manière dont elles se convertissent dans le champ politique. Dans le même effort d’éclairer les micro-logiques du conflit malien et en proposant un dialogue particulièrement intéressant avec le texte de Benchérif, Denia Chebli s’intéresse à la manière dont la socialisation militante s’opère avant tout dans le cadre familial dans le cas du Mouvement national de libération de l’Azawad (mnla) créé en 2012. L’auteure montre que la carrière militante des membres et des cadres de ce mouvement s’est forgée, d’une part, dans la transmission intergénérationnelle des récits de luttes de leurs parents et, d’autre part, dans la densité des relations familiales et amicales qui alimentent les engagements militants au sein du mouvement. Chebli montre que les affects qui y sont produits et qui circulent par les interactions sociales dans les différents espaces sociaux de la famille, de la communauté et du groupe militant, ont permis la socialisation de jeunes et l’émergence de la structure du mnla. Les relations de solidarité ont ainsi conduit à une mobilisation militante rapide et importante, mais elles ont néanmoins paradoxalement bloqué la mise en place d’une hiérarchie et d’une discipline au sein du mouvement nécessaire à l’inscription et l’institutionalisation de celui-ci dans le temps long. L’auteure montre que les acteurs du mnla ont choisi de préserver l’ordre et la stabilité sociale aux dépens de l’approfondissement de la lutte militante, conduisant de ce fait à la fragmentation du mouvement.

La famille, la parenté et l’hérédité comme ressource dans le jeu politique

24Le second axe autour duquel s’organise la matrice familiale du pouvoir est celui de la naturalisation des rapports politiques et sociaux assimilés à des rapports de parenté, notamment en terme de droits et devoirs, comme gage de stabilité. En allant au-delà des enjeux d’énonciation par lesquels le lexique de la famille se formule en un lexique de politique et inversement, les auteurs montrent qu’il faut chercher à déconstruire et restituer les mécanismes par lesquels l’analogie du politique comme famille est construite et légitimée dans les sociétés étudiées. La promotion d’un modèle de famille-nation porté par les leaders de l’indépendance a ainsi nourri les imaginaires politiques depuis les années 1960 en s’appuyant sur une construction de la famille comme cellule de base de la société et du leader comme « bon père de famille » et « père de la famille nationale » (Schatzberg 2001 ; Charton & Fouéré 2013 ; Fouéré 2014 ; Angelo 2016). La dimension construite de la famille et de la filiation (Brossier 2010 ; Bonte et al. 2011) résonne avec les travaux sur la « parenté pratique » (Weber 2005) pour comprendre qui appartient à la famille et comment on y appartient. Les contours de la famille peuvent ainsi être plus ou moins extensibles quand il s’agit de redistribuer les ressources aux réseaux de parenté et de clientèle mais aussi de se resserrer quand il s’agit de se maintenir dans une position de pouvoir et de convertir le capital politique accumulé en capital personnel (Fafchamps & Labonne 2017). C’est ce que montre Douglas Yates dans le cas du Gabon, en retraçant la manière dont la mainmise d’Omar Bongo sur le pouvoir s’est construite dans le temps long autour d’un imaginaire du clan comme gage de stabilité articulé à des effets très pratiques de cooptation familiale endémique dans les circuits administratifs et étatiques. À l’inverse, Jon Schubert montre qu’à contre-courant des prémisses classiques de l’anthropologie qui associe le symbolisme familial à la légitimité politique (à la Schatzberg), le cas de l’ancien président Dos Santos en Angola est un contre-exemple intéressant. En tenant une approche par le haut du pouvoir et par le bas du quotidien des citoyens, l’auteur montre que les individus mobilisent leur appartenance (réelle ou inventée) à des réseaux familiaux liés au pouvoir comme des leviers d’avancement (individuels, professionnels) pour accéder à des opportunités qui leur permettent de renégocier au quotidien les relations de pouvoir et de hiérarchies dans lesquelles ils s’inscrivent. L’analogie entre espace de la famille et du politique peut éclairer les droits/devoirs qui lient élites et citoyens sur le mode des responsabilités et loyautés qui lient parents et enfants, cadets et ainés sociaux. Ces représentations, en mobilisant une rhétorique organique et familiale, peuvent légitimer la domination tout aussi bien que la transgresser. La matrice familiale ne décrit donc pas uniquement un mode unidirectionnel de domination des élites sur la population mais aussi un cadre de renégociation de leurs rapports.

25La parenté et l’hérédité constituent également des ressources dans la compétition politique en mobilisant des registres émotionnels et statutaires. La transmission du pouvoir politique au sein d’une même famille peut sembler plus sécurisée (Elias 2003), cette représentation reposant notamment sur une mise en scène des qualités et compétences qui se transmettent par l’alliance ou par le sang (Lewis 1986). Pour les élites au pouvoir, la famille, quand elle est logée au cœur des trajectoires de notabilisation qui s’accomplissent dans le rapport à l’État et des réseaux administratifs et partisans, constitue un espace de socialisation et de formation politique. C’est ce que montre l’article d’Elara Bertho et Marie Rodet en retraçant la trajectoire biographique de Djiguiba Camara en Guinée. En s’inscrivant dans le renouveau des travaux portant sur les figures de l’intermédiation pendant la période coloniale, les auteures identifient la manière dont la mobilisation du capital familial permet de légitimer sa position dans un « entre-deux culturel » au cœur de l’interaction coloniale en façonnant et légitimant une posture à la fois d’intermédiation et de domination sociale (par un ethos de lettré). La résonnance avec l’article de Juliette Ruaud est évidente. Celle-ci montre comment le capital politique familialement hérité des fils de chefs au Sénégal leur est transmis et comment ils le réinvestissent dans les dispositifs électoraux mis en place pendant la période coloniale puis à l’indépendance pour accéder à des positions de pouvoir et de commandement. L’auteure met ainsi en lumière la manière dont les usages de l’hérédité ont en partie été modelés par les dispositifs coloniaux.

26La transmission du capital politique familial s’opère ainsi selon des règles et dans des espaces façonnés depuis la période coloniale. La famille et la parenté constituent donc des espaces de sélection et de régulation des candidats (Abélès 1992), mais aussi des espaces d’acquisition de capitaux (financiers, sociaux, culturels, symboliques, politiques, Bourdieu 1994). Les textes d’Anne Pitcher et Edalina Sanches sur l’Angola, de Blair Rutherford sur le Zimbabwe et de Marie Brossier sur le Sénégal le démontrent bien, en interrogeant les conditions de possibilité d’une succession héréditaire. Celle-ci commence avant tout par la sélection de l’héritier qui en constitue une étape cruciale. Pitcher et Sanches montrent que l’image positive qu’ont construite les médias d’Isabel dos Santos, la fille de l’ancien président angolais, autour de sa trajectoire ascendante de femme d’affaires à succès, a permis de la qualifier dans le jeu étatique et partisan. En revanche, dès que la problématique de la succession à la tête de l’État et au sein du parti a commencé à se poser, la figure d’Isabel dos Santos a catalysé les critiques envers le régime par le fait même d’être une femme et une héritière. Ceci souligne comment le fonctionnement oligarchique du régime reste enchâssé dans des ressorts de domination et de légitimation patriarcaux. Cette trajectoire, tout comme celle décrite par Brossier dans le cas de la famille Wade au Sénégal, montre que le pouvoir n’est pas en soi un bien qu’il est facile de transmettre et ce, quel que soit le type de régime politique, mais doit composer avec des contraintes comme le profil de l’héritier, les luttes internes au parti dans la course au leadership ou la compétition électorale. Brossier montre que l’intentionnalité de la transmission du pouvoir — même si elle est assortie d’un travail de qualification (notamment partisan et institutionnel) de l’héritier biologique sur la scène partisane, dans l’espace public et dans l’arène électorale — ne suffit pas à en en faire un héritier politique « viable ». En revenant sur la manière dont se « fabrique » l’hérédité en politique, l’auteure montre que l’héritage ne fait pas forcément l’héritier en politique. Enfin, la « chute » de Grace Mugabe au moment du « non-coup » de 2017 au Zimbabwe décrite par Blair Rutherford s’inscrit dans les mêmes schèmes de disqualification patriarcaux et partisans décrits pour l’Angola et le Sénégal. L’existence d’une matrice familiale hétéronormée d’organisation politique permet d’éclairer comment la seconde épouse de Mugabe a été (tout autant qu’elle s’est elle-même) positionnée au sein du parti et des réseaux du pouvoir sans que cela ne suffise cependant à légitimer sa posture d’héritière. Dans ces trois études, l’arène partisane occupe une place centrale en tant qu’espace genré de compétition entre héritiers biologiques et politiques qui s’affrontent pour le leadership (Folke et al. 2018) tout en renvoyant aux travaux sur la maisonnée et sur la dimension construite de la parenté. La succession héréditaire ne fonctionne que si les cadres soutiennent la trajectoire ascendante du candidat familial (par filiation ou alliance) au sein du parti parce qu’il leur permet de faire perdurer et de sécuriser leur accès aux ressources et aux positions de pouvoir (Brownlee 2007).

27Ceci permet d’examiner comment s’organisent à différentes échelles (locales, régionales, nationales) les réseaux de parentèle quand ils s’articulent aux réseaux politiques par le biais de la circulation des acteurs et des alliances. Les auteurs rappellent que le prestige du patronyme et les modalités de sa transmission doivent être observés sous l’angle de leur territorialité et de la légitimité que confère la proximité. Ce numéro pourra ainsi contribuer à l’étude du factionnalisme comme emboitement des systèmes locaux et nationaux permettant d’aller au-delà d’une analyse en termes de réseaux de clientélisme et de patronage qui s’avère trop réductrice. Il s’agit de proposer une approche alternative aux visions fonctionnelles appliquées aux systèmes clientélistes et de souligner l’importance de les étudier au niveau local. Les allégeances politiques, et à travers elles, les logiques de légitimation du pouvoir au niveau national, sont en effet tributaires d’alliances historiques et affectives (matrimoniales notamment) qui déterminent davantage les coalitions politiques que l’intérêt. Les auteurs interrogent ainsi le positionnement des femmes — des mères, épouses, et filles — dans les réseaux familiaux de patronage à partir d’une analyse de la construction de genre des rôles sociaux qui prend en compte les logiques patrilinéaires et matrilinéaires de construction des lignages et des logiques de succession qui leur sont propres (Coquery-Vidrovitch 2004).

Investir une « politique des affects » en Afrique ?

28Travailler et manipuler des objets comme l’intime, le domestique, le familial, qui plus est lorsqu’ils sont en relation avec le public et le politique, pose un certain nombre de contraintes empiriques et méthodologiques. Pourtant, il est intéressant de constater que les stratégies empiriques qualitatives qui permettent de contourner ces contraintes d’accès ne sont pas, ou peu, abordées dans la littérature et c’est aussi l’enjeu de ce numéro que de s’y pencher.

29Les auteurs soulignent les enjeux que pose le fait de vouloir restituer, notamment de manière ethnographique, les logiques originales de production de la famille comme lieu du politique, que ce soit en termes d’énonciation, de représentations ou de pratiques. Comment enquêter quand on travaille l’intime, la famille, le politique, ces espaces qui sont marqués par leur difficulté d’accès, la discrétion et la culture des secrets (d’alcôves) ? Si les articles de ce numéro s’appuient sur des données empiriques de première main, le matériel est avant tout d’origine documentaire (fonds d’archives publiques, judiciaires et privées, articles de presse, écrits littéraires, documents produits par les groupes militants notamment). Les entretiens s’avèrent plus difficiles à réaliser avec les élites (Cohen 1999 ; Laurens 2007), notamment gouvernantes, peu enclines à restituer, par exemple, leurs pratiques de cooptation familiale dans la mise en œuvre d’un projet de succession héréditaire. Les auteurs ont pu aussi choisir de travailler la famille comme espace de pouvoir par le recours à la technique de l’observation et de l’entretien au sein d’autres arènes que la famille, comme le procès, le groupe militant ou communautaire, le rapport à la bureaucratie notamment.

30Ces contributions permettent ainsi d’initier une approche plus réflexive sur les difficultés d’accès et de collecte du matériel ethnographique qui touche à l’intimité et au privé ainsi qu’une approche méthodologique sur les outils originaux que les auteurs mobilisent ou qu’ils créent pour traiter et analyser ces données. Elles ouvrent également à la comparaison en soulignant combien la matrice familiale d’organisation du pouvoir ici identifiée peut servir à éclairer les logiques de co-production de la famille et du politique en dehors de l’Afrique, dans un certain nombre de régions dans le monde, afin d’abandonner l’idée que les formes d’organisation et de dévolution familiale du pouvoir seraient une énième déclinaison d’une singularité proprement africaine.

31Par conséquent, une des pistes originales proposées par ce numéro est de poser le chantier d’une « politique des affects ». Il semble en effet impossible de se satisfaire d’une compréhension du politique uniquement en termes de rationalité dénuée d’affects, de passions et d’émotions (Braud 1996, 2007 ; Marcus 2002 ; Traïni 2009 ; Lordon 2016 ; Vigarello 2016 ; Faure & Négrier 2017). La littérature en sciences sociales qui, depuis quelques années, s’intéresse à la réévaluation de la place des émotions et des sentiments au niveau empirique et dans les modèles d’explication, appelle à la prise en compte des formes routinières des affects en politique en montrant que l’affectivité n’est pas dénuée d’intelligibilité. Parce que l’affectivité n’est pas seulement la capacité d’être ému mais aussi la capacité de produire des jugements et d’agir en fonction de représentations particulières (Liarte 2010), son étude permet de saisir comment se constituent les imaginaires politiques et les ressorts symboliques de l’action politique. On comprend, à travers les textes de ce numéro, comment la famille offre une multiplicité de registres émotionnels et affectifs qui peuvent être mobilisés, manipulés et appropriés dans l’espace politique.

  • 14 Notamment dans le sens des travaux de Geschiere (2003) sur la sorcellerie comme « dark side » de l (...)

32La « politique des affects », en restituant la  « fabrique émotionnelle » du politique, les « rhétoriques affectives », constitue ainsi une piste de réflexion féconde dans la mesure où les sentiments d’amour, de passion, de compassion, de haine, de vengeance, de trahison, de survie,14 contribuent fortement à modeler ce qui fait le politique, alors qu’ils sont bien souvent considérés comme étant trop prosaïques, voire triviaux, pour constituer un objet de recherche à part entière (Marchal & Messiant 2004 ; Perrineau 2014). L’entrée par les affects permet d’interroger les registres émotionnels dans lesquels s’expriment les rapports de domination dans les sociétés africaines contemporaines qui ne sont pas uniquement à lire en termes cognitifs ou moraux. D’une part, elle permet de voir comment l’univers politique est dominé par un « langage de séduction » (Braud 1996) mobilisant et manipulant les registres affectifs de la famille et de la parenté, ceux de la « politique du ventre » et plus encore celle « du bas ventre » qui façonnent les pratiques politiques (Stoler 2002 ; Cole & Thomas 2009 ; Nyamjoh 2009 ; Fouquet 2013). Dans quelle mesure la routinisation de leurs usages dans le discours politique des dominants peut-elle occulter des pratiques d’accaparement et de personnalisation du pouvoir bien documentées dans la littérature ? D’autre part, travailler la « politique des affects » permet également de voir comment l’investissement de ces registres par les citoyens (appropriation, rejet ou réinvention) nourrit les imaginaires politiques collectifs et individuels du pouvoir tout en constituant des ressorts pour l’action dans les sociétés africaines contemporaines.

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Notes

1 Pour une présentation critique de ces travaux, voir les comptes rendus de certains de ces ouvrages dans ce numéro, notamment ceux concernant les ouvrages de Burril (2014), Jean-Baptiste (2015), Cole & Groes (2016), Pauli & van Dijk (2016-2017), Gomez-Perez (2018), Walker-Said (2018).

2 M. Godelier (2004 : 599) définit la famille et la parenté ainsi : « La famille représente un ensemble d’individus apparentés par des liens de consanguinité, et en ce qui concerne l’époux et l’épouse par des liens d’alliance, d’affinité ; tandis que la parenté constitue un ensemble de liens biologiques et/ou sociaux qui naissent de l’union de personnes (le plus souvent de sexe différent) et qui déterminent l’appartenance et l’identité sociale des enfants qui naissent de cette union ou qui sont adoptés en son sein, ces liens sont de deux sortes : des liens de consanguinité (des liens avec le père et les parents du père, et avec la mère et les parents de la mère (ascendants et collatéraux), et des liens d’affinité créés par le mariage ou d’autres formes d’union entre personnes de sexe différent voire de même sexe. »

3 Voir G. Balandier (2004, 2006) : Les relations d’alliance forment le lien crucial entre lignages qui ne sont plus considérés en eux-mêmes comme système total, l’auteur montrant que le mode de descendance (patrilinéaire ou matrilinéaire) détermine la « citoyenneté » au sein de ces sociétés.

4 Une société segmentaire est formée d’une multiplicité de groupes qui s’emboitent les uns dans les autres et dont le trait dominant réside dans les relations qui s’instaurent entre eux. Ainsi dans une société présentant une segmentation en familles, clans et tribus, les familles s’opposent entre elles mais se rassemblent dans un même clan, opposé à son tour à d’autres clans etc. Selon E. Evans-Pritchard (1940), une société segmentaire est donc organisée par des mouvements de « fission » et de « fusion ». Organisée par l’emboitement hiérarchique des segments et leur opposition complémentaire, une société segmentaire ne présente pas de pouvoir centralisé et est relativement égalitaire. L’appartenance à un segment est souvent déterminée par le statut généalogique de la personne, de la famille, du clan, etc.

5 En particulier sur le monde arabe, voir Gellner (1967) et Picard (2006).

6 « La famille est […] le premier modèle des sociétés politiques, la plus ancienne et la plus naturelle : le chef est l’image du père, le peuple est l’image des enfants » (Rousseau 1852 : 640). L’article 4 du Préambule de la Constitution de l’an III proclame ainsi : « Nul n’est bon citoyen, s’il n’est bon fils, bon père, bon ami, bon époux. »

7 Voir par exemple le dossier « Fils de président, dans l’ombre du père », Jeune Afrique, 31.12.2013.

8 Aux États-Unis (Kelley 2004 ; Dal Bó et al. 2009 ; Feinstein 2010 ; Hess 2015), au Canada (Leduc et al. 2010 ; Gagnon 2013), en Amérique latine (Wornat 2005 ; Bernadou 2009 ; Braganca et al. 2015).

9 Notamment en Asie (Shiraishi 2000 ; Jaffrelot 2006 ; Chhibber 2013 ; Asako et al. 2015 ; Chandra 2016 ; Mendoza et al. 2016 ; Querubin 2016 ; Smith 2018) et dans le monde arabe (Boukhaima 2000 ; Ferrié 2008 ; Kohstall & Vairel 2010 ; Pierret 2011).

10 Concernant l’exploitation des institutions démocratiques pour accéder à des positions de pouvoir, voir Acemoglu & Robinson (2008).

11 Voir notamment Gazibo (2001), Gazibo & Thiriot (2009), Darbon (2010) ainsi que la Revue Sociétés politiques comparées de l’association du Fonds d’analyse des sociétés politiques (FASOPO), présidé par J.-F. Bayart (<http://www.fasopo.org/>).

12 L’approche relationnelle de la parenté ne fait pourtant pas consensus au sein de la discipline, voir notamment les débats entre Sahlins (2011a, b) qui définit la parenté comme « a mutuality of being » et Shapiro (2012) qui maintient l’argument généalogique. Voir notamment Gribaldo (2016) qui y introduit la question du genre.

13 Se nourrissant des travaux fondateurs qui ont renouvelé l’approche politique de l’ethnicité dans Anderson (2006), Gellner (1983) et Hobsbawn (2012).

14 Notamment dans le sens des travaux de Geschiere (2003) sur la sorcellerie comme « dark side » de la parenté.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marie Brossier« Imaginaires et pratiques de la famille et du politique en Afrique : sortir du tout néopatrimonial par un dialogue « indiscipliné » »Cahiers d’études africaines, 234 | 2019, 323-357.

Référence électronique

Marie Brossier« Imaginaires et pratiques de la famille et du politique en Afrique : sortir du tout néopatrimonial par un dialogue « indiscipliné » »Cahiers d’études africaines [En ligne], 234 | 2019, mis en ligne le 15 juin 2019, consulté le 05 août 2023URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/25778 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.25778

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Cet article est cité par

  • Panata, Sara. (2021) Citoyennes nationales et panafricaines. Le congrès de « la Femme africaine » à Ibadan en 1960. Clio. DOI: 10.4000/clio.19689
  • Karila-Cohen, Karine. Wilgaux, Jérôme. (2021) Introduction. Parentés et identités des mondes grec et romain, des corpus revisités. Pallas. DOI: 10.4000/pallas.20285
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Auteur

Marie Brossier

Centre interdisciplinaire de recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient (CIRAM), Département de science politique, Université Laval, Québec, Canada.

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