Mar 3, 2014

LA FONCTION DE L'ÉPOPÉE MUMBWANGA




6.1. Introduction
La littérature orale punu en général et l'épopée Mumbwanga en particulier n'a jamais été un «art pour l'art» mais un art pour la vie, moyen d'instruction et d'éducation. Cetaspect utilitaire de la littérature orale se révèle dans la triple fonction de l'épopée, à savoirla fonction de loisir, de cohésion sociale et d'éducation.

6.2. La fonction de loisir
La narration de l'épopée comme celle des contes d'ailleurs, communication interhumaine, a d'abord pour fonction de relater un récit pour divertir. En effet, les enfants qui assistent à une séance de profération de Mum bwanga, ne voient en l'épopée que le côté divertissant, récréatif et ludique. Les adultes sont aussi intéressés. Ce récit constitue une partie des loisirs pour tous ceux qui, le soir venu, se retrouvent réunis dans le mulebi, après les travaux des champs. Mumbwanga apparaît ainsi comme un passe-temps qui permet d'agrémenter la vie et d'oublier les soucis pendant un moment, mais surtout comme une occasion pour les villageois de se retrouver ensemble.

 6.3. La fonction de cohésion sociale 
Bien qu'il existe d'autres circonstances au cours desquelles les Bapunu se réunissent, par exemple les séances des tribunaux coutumiers, la déclamation de l'épopée, comme celle des contes, vise à renforcer la cohésion du groupe. Comme l'écrit Roland Colin à propos des contes: «Les membres du groupe se sentent davantage liés du fait qu'ils se réunissent à la même veillée, chantent ensemble, participent au même rire, à la même émotion. Les contes agissent en tant que facteur sociologique de cohésion. Cette utilité, à la différence des autres, n'est pas consciente, elle est acquise par surcroît» 1. De son côté, Christiane Seydou écrit: «Toute personne qui a, en Afrique, assisté à l'énonciation d'une 1. R. Colin, Les Contes noirs de l'Ouest africain, témoins majeurs d'un hanisme, p. 16. 757 épopée, n'a pu rester insensible au caractère "communie!", dirons-nous, de cette manifestation culturelle et n'a pu que reconnaître les qualités spécifiques de ce genre qui sont son dynamisme mobilisateur, sa capacité de faire communier un public unanime dans une exaltation suscitée par une mise en forme particulière d'une donnée idéologique commune faisant partie du savoir collectif» 1. 6.4. La fonction d' éducation Tout en distrayant et en assurant la cohésion sociale, l'épopée Mumbwanga, à l'instar des contes, n'en a pas moins un rôle éducatif, instructif. L'aspect didactique se mesure à l'enseignement que l'épopée renferme. Le Mumbwanga a pour mission de transmettre les bons plincipes de la vie, ceux selon lesquels ont vécu les ancêtres. Ce récit invite l'auditoire à la réflexion car la non- observation d'un précepte entraîne un conflit. C'est une pièce maîtresse de la sagesse éducative tradi tionnelle. Le contenu du Mumbwanga constitue un inventaire encyclopédique de la plupart des aspects de la culture punu.
 6.4.1. Le Mumbwanga, source d'enseignement Le Mumbwanga est considéré comme source d'enseignement à cause des symboles qu'il contient. Avant d'inventorier et d'analyser ces symboles, il convient de cerner la notion de symbole. Pour Hjelmslev, cité par Greimas et Courtès, le symbole est parfois une «grandeur susceptible de recevoir une ou plusieurs interprétations2. Pour Saussure également cité par Greimas et Courtès, le symbole peut aussi devenir «susceptible, dans un contexte socio-culturel donné, d'une seule interprétation»3. Enfin pour Peirce, le symbole est «l'expression d'une particularité socio-culturelle fondée sur une convention sociale»4. J'ai regroupé sous le terme de symbole des éléments divers allant d'un objet tel un jonc à une attitude comme gifler son père. Ces éléments renvoient à l'intérieur de la société traditionnelle punu à des notions importantes. Je vais d'abord faire l'inventaire des principaux symboles dans les trois versi.ons du Mumbwanga et essayer ensuite de dire ce que chaque symbole représente dans la société punu.


1. C. Seydou, «Comment définir le genre épique? Un exemple: l'épopée africaine», in Genres, Forms, Meanings: Essays on African Oral Literature, p. 88. 2. Al. Greimas, J. Courtès, Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, lome l, p. 373. 3. Idem, ibid., p. 373. 4. Idem, ibid., p. 373. 758 6.4.1.1. L'inventaire des symboles

 6.4.1.1.1. Les symboles de la version Mul
 a) De Nzambi et ma Pungu
 b) Mumbwanga
 c) le paquet de joncs
d) la naissance par l'oreille
e) gifler son père
f) les jumeaux
g) l'arbre muteli ou mureyi
 h) la lutte entre l'oncle et le neveu
 i) se laver
 j) épier sa soeur nue.

6.4.1.1.2.  Les symboles de la version M
 a) De Nzambi et ma Pungu
b) la grossesse de neuf enfants
c) la grossesse de douze mois
d) Mbwanga
 e) gifler son père ou tenter de gifler sa mère
 f) la naissance par l'oreille
 g) la lutte entre l'oncle et le neveu
 h) les jumeaux
i) se laver
 j) épier sa soeur nue.

6.4.1.1.3. Les symboles de la version Mu2
a) De Nzarnbi et ma Pungu
 b) Mutubi ou Mumbwanga
 c) les jumeaux
d) le paquet de joncs
 e) l'arbre muteli ou mureyi
 f) la naissance par le genou
g) la lutte entre l'oncle et le neveu
h) gifler les grands.

 p759
 6.4.1.2. L'interprétation des symboles
 6.4.1.2.1. De Nzambi et ma Pungu De Nzambi et ma Pungu se retrouvent dans les trois versions (Mul, M et Mu2). Ils représentent le premier couple humain dans la cosmogonie punu. D'autre part, Nza Pungu, pour Nzambi Pungu, est le surnom que les Bapunu donnent à Dieu. Celui-ci est considéré par les Bapunu comme l'Etre Suprême, Grand Architecte de l'Univers, Créateur et Maître de toutes choses. Deux tennes servent à le désigner. Il s'agit de Nyâ:mbi et de N z â:mb i. 6.4.1.2.2. Mumbwanga Mumbwanga, appelé aussi Mbwanga ou Mutubi Nzambi, héros de cette épopée, représente le sauveur, celui qui vient délivrer les Bapunu des mains de leurs ennemis. Il s'agit en fait de la lutte de l'homme contre le mal symbolisé par le monstre Diyéverekèsa.

6.4.1.2.3. Les jumeaux 
 Les jumeaux sont le symbole de la force. Ils représentent la communication avec les ancêtres. En effet, les jumeaux sont reconnus par les Bapunu comme des ancêtres (ba yû 1u, au singulier mu yû 1u) qui reviennent et se réincarnent dans des enfants à naître. Les jumeaux sont ainsi considérés comme des êtres exceptionnels. Leur naissance, qui a revêtu jusqu'à un passé récent un caractère mystérieux, est considérée par les Bapunu comme un phénomène surnaturel et fait l'objet d'une cérémonie particulière. Autrefois, dès l'accouchement, la nouvelle parcourait le village par l'entremise d'un agent du chef de village qui cumulait les fonctions de gardien des secrets et de maîtr,e des décisions et qu'on appelait nz onz i (pl. banzonz i). Le père des nouveaux-nés était convoqué dans le temple (d i bânz~) où les devins-guérisseurs l'accueillaient avec des chants et lui demandaient d'aller chercher des objets rituels devant servir dans les soins à prodiguer aux enfants et à leur mère. Ces objets rituels sont : - deux graines médicamenteuses appelées nzî:1Jgu (sg. dunz i:ngu) de l'arbre munz 1:1Jgu, «Muscadier de Calabash» ; - deux morceaux d'écorce appelés b i ba: 1u (sg. yi ba: 1u) du flamboyant du Gabon ou de l'arbre magique . Ces écorces entrent  dans la préparation du médicament destiné à

1. Les Bapunu appellent le Aamboyant du Gabon mupê:ng i et l'arbre magique mu tel i ou mu r e y i. Ces deux arbres, arbres-fétiches, sont appelés «arbres de guérisseurs». Ces derniers, en effet, utilisent l'écorce de ces arbres dans leurs traitements. 760 délivrer la mère des jumeaux du mauvais sort que pouvaient lui jeter les esprits maléfiques. Les têtes des enfants et de leur mère étaient enduites de la poudre de ces écorces. -troisplumesrougesdeperroquettsald tsi kûsu(sg.dusald du kûsu) dont deux étaient placées dans la chevelure de la mère, et une, qui servait de repère aux visiteurs, était placée à la porte. Quand un des jumeaux était mort, la mère ne portait qu'une plume. - deux morceaux de kaolin dont l'un blanc appelé pêmbi et l'autre rougel appelé mu yû 1 i. Ces morceaux de kaolin permettront le badigeonnage des visages des jumeaux et de leur mère. - une marmite en terre cuite appelée dwê:I]gu (pl. nyêI]gu) dans laquelle on place le placenta appelé kWÊ:bd (pl. bakwÊ:bd). - un pagne en raphia appelé dis y â 1d «legs des ancêtres» servant à couvrir la marmite sacrée. Une fois ces objets réunis, les vieux du village, vêtus de raphia, se rendaient en procession dans la maison où se trouvaient les jumeaux. Au rythme des tam-tams et des chants, la procession traversait la cour du village, illuminée par des torches de résine d'okoumé2, où le père des jumeaux, en cache-sexe, allumait un grand feu. Une fois arrivés dans la demeure des jumeaux et de leur mère, les gens se mettaient en demi-cercle. Le chef du village ou son délégué coupait le cordon ombilical des jumeaux: Après cela, les gens se dirigeaient, toujours dans la nuit, vers une case construite spécialement pour la cérémonie de bénédiction présidée par le Mwiri3. Les parents qu'on bénissait, au cours de cette séance, étaient appelés ta j 1 kit d «père béni» et I] gû j 1 kit d «mère bénie». C'est au cours de cette même veillée que Mwiri rendait les jumeaux invulnérables en les immunisant contre les sorciers. De grand matin, la procession partait de la case rituelle vers la maison des jumeaux. Enfin, il convient de relever que les jumeaux ma(v)13âsd(e) (singulier di13âsd) s'annoncent dans les rêves et choisissent eux-mêmes leurs noms. Voici quelques-uns d'entre eux: 1. Il s'agit d'une roche tendre, de couleur rouge, que l'on retire du lit d'un ruisseau. 2. La résine d'okoumé. qui est utilisée dans la fabrication des torches. est appelée p li y;}. 3. Il s'agit en fait d'une danse exécutée par les hommes seulement en l'honneur du Mwiri. La tradition orale rapporte que Mwiri, génie ayant la forme d'un crocodile. fut capturé au bord d'une rivière par une femme qui revenait des champs. Mwiri se révolta contre les femmes car celle qui l'avait domestiqué ne le ménageait pas assez. Les hommes l'adoptèrent et c'est ainsi qu'il devint leur oracle. Ils lui parlaient dans un langage ésotérique. inaccessible aux femmes. C'est donc sous les auspices de Mwiri qu'a lieu cette veillée consacrée à la bénédiction des parents de jumeaux. 761 - Ma rûndu et Mbûmb~ - Mfûbu et Nzayu - Mu bâmb~ et Mudiim~ - Mul3ê:IJg i et Mu tel i - IJgEb~ et YinyiiIJg~l.
 6.4.1.2.4. Gifler son père
Gifler son père ou son aîné et même tenter de gifler sa mère représente une remise en cause des valeurs essentielles de la société punu. C'est nier l'ordre familial, la puissance paternelle et l'organisation socio-culturelle fondée sur le respect des parents et des plus âgés. Comme l'écrit Christiane Seydou, il s'agit de la «transgression des normes de comportement régissant la société et en assurant l'harmonie». 6.4.1.2.5. La lutte entre l'oncle et le neveu Cette lutte remet en cause l'organisation familiale dans une société matrilinéaire où la relation oncle-neveu est très importante. En effet, c'est le neveu qui, à la mort de son oncle, hérite de tout ce qui appartenait au défunt: biens matériels, épouse (s) et enfants. Cet affrontement entre l'oncle et le neveu sym bolise le désordre. Ici aussi, «l'inobservance des types de relations conventionnels entre parents», comme l'a écrit Christiane Seydou3, constitue une transgression de la tradition ancestrale. 6.4.1.2.6. Le paquet de joncs Les joncs, n d ii b i ou min d ii b i (sg. du n d ii b i), qui servent à la confection des nasses, des corbeilles et des bandeaux frontaux pour le portage des hottes, mettent en évidence l'activité économique de la femme. Le paquet de joncs est donc le symbole de l'importance de la femme dans la société matrilinéaire punu. Condition pour le mariage de Maru ma Nzambi, le paquet de joncs représente les problèmes, les difficultés que l'être humain doit quotidiennement sunnonter. Autrefois, la natte piib~ (pl. bapiib~), fabriquée en joncs, servait de linceul pour l'ensevelissement des morts. Une autre interprétation est donc possible: le paquet de joncs symbolise la mort, le malheur. On constate d'ailleurs, à la lumière die cette 1. Toutes les infonnations sur les jumeaux m'ont été fournies par feue ma grand-mère maternelle Mi P i mi KîI]ga Pauline, habitante du village Mukaka 1a. 2. C Seydou, «Comment définir le genre épique? Un exemple: l'épopée africaine», in Genres, Forms, Meanings: Essays in African Oral Literature, p. 96. 3. Idem, ibid., p. 96. 762 interprétation, que le monstre Diyéverekèsa, qui réussit à soulever le paquet de joncs, meurt à la fin. 6.4.1.2.7. La naissance par l'oreille ou par le genou La naissance du héros Mumbwanga par l'oreille ou par le genou exprime une étrangeté. C'est la négation de ce qui est habituel. La naissance par voie antinaturelle symbolise la pureté du héros et permet à ce dernier de surmonter les obstacles et de délivrer sa soeur Marundu. Yikafi, qui est né par la voie naturelle et qui est aussi fort que Mumbwanga, échouera là où celui-ci réussira. 6.4.1.2.8. L' arbre muteli L'arbre muteli, appelé aussi mureyil, est considéré par les Bapunu comme un arbre magique. Il symbolise l'arbre de la vie. C'est à l'ombre de cet arbre que s'accomplissent les rites d'initiation au Bwiti. C'est au cours de cette cérémonie que l'on propose au néophyte l'itinéraire de sa renaissance. Enfin, c'est au pied de cet arbre qu'on a coutume d'enterrer les jumeaux. 6.4.1.2.9. Epier sa soeur nue Epier sa soeur nue équivaut à un désir d'inceste. Que l'inceste, qui est un tabou, soit consommé ou non, il constitue un acte répréhensible parce que générateur de désordre familial. Le coupable s'expose d'ailleurs à une punition. On dévoile le désir d'inceste ou l'inceste lui-même en contraste avec l'idéologie affichée. La relation frère-soeur doit rester opposée à toute idée incestueuse. 6.4.1.2.10. Se laver Le bain est le symbole du changement d'état. Il représente la purification. C'est ainsi que l'initiation des adeptes du Bwiti pour les hommes et du Nyemba pour les femmes se termine toujours par un bain destiné à les purifier. Le retrait de deuil est lui aussi ponctué par un bain rituel. 6.4.1.2.11. La grossesse de neuf enfants C'est une grossesse étrange. Les Bapunu sont habitués à voir des grossesses de deux ou trois enfants. La grossesse de neuf enfants est inhabituelle. Les neuf enfants représentent les neuf clans originels des Bapunu. 1. Muteli ou mureyi est appelé scientifiquement Copaïjera religiosa J. Léonard. 763 6.4.1.2.12. La grossesse de douze mois Douze mois est une durée inhabituelle pour une grossesse normale. Cela paraît étrange. Le chiffre 12 représente la maturité. Il correspond en effet à l'âge où l'on s'initie. D'autre part, le chiffre 12 symbolise la durée de la préparation à l'initiation dans les sociétés secrètes et la durée normale du veuvage. Pour terminer avec les symboles, je dirai que gifler son père ou un grandi d'une manière générale, ou tenter de gifler sa mère, ou encore épier sa soeur nue sont tabous. L'aspect moralisateur est donc implicite dans la référence au système de valeurs. Si l'épopée Mumbwanga constitue une source d'enseignement, elle est aussi un témoignage sur le mode de vie pu nu grâce aux divers sujets qui y sont abordés. 6.4.2. Le Mumbwanga, expression de la culture punu Le Mumbwanga est l'oeuvre littéraire punu qui procure le plus d'informations culturelles. En effet, il donne une idée sur la vie sociale, économique et religieuse. 6.4~2.1. La structure sociale Le Mumbwanga donne une information sur les coutumes relatives au mariage, à la naissance et à la vie dans les villages. 6.4.2.1.1. Le mariage Ce thème est présent dans les trois versions du Mumbwanga. C'est ainsi que le mariage est évoqué dans: - la première version AuMul,225,ona:«Ylk~ ma PUI]gu na tâ: nzâ:mbi Ylk~ bak~wél~n~». «Maman pungu et papa Nzambi se marièrent donc». - la deuxième version: AuM,l1etI2,ona:«tâ:t~ de nzâ:mbi amawE:l~ muyétu, dln~ dy ând i ma PUI]gu», «Père Dé Nzambi épousa une femme, elle s'appelait maman Pungu». - la troisième version Au Mu2, 22, 23, 27, 28 et 29, on a: «ak~tsun~ tâ:ji na IJgUJl YI "marnE na tâ:tE mé nYlrondi uwé:l~". ta:ji na I]gUJl bak~lH YI "romb~ nde bê:nYI mbur~ jln~ ulâbil~ muyétu uk~wé:l~".akflâb~ mwân~ mu1yétu dln~ dyândi nzâ:mbf band~. anayflâ nzâ:mbl band~, 764 ak;}muwé:l ;}», «Nzambi d'en haut avait demandé à son père et à sa mère l'autorisation de se marier. Son père et sa mère lui dirent de chercher lui-même l'endroit où il trouverait une fille à épouser. Il vint voir une jeune femme appelée Nzambi d'en bas. Après avoir vu Nzambi d'en bas, il l'épousa». Le mariage cl i wÊ: 1;} (pl. ma wÊ: 1;}) est essentiellement exogamique. C'est la condition sine qua non du mariage, celle qui ne doit à aucun prix être transgressée. Le principe d'exogamie se résume ainsi: on ne peut se marier qu'en dehors du clan auquel on appartient. Il faut noter que chaque mupunu a deux clans: un clan principal et un clan secondaire. Comme il s'agit de filiation matrilinéaire, le clan principal est celui de la mère. Du fait que selon la coutume le clan principal est le véritable clan de l'intéressé, aucun mariage n'est possible entre les différents membres du clan, à quelque degré de parenté qu'on se trouve. Au conlraire, du fait que l'on n'appartient que secondairement au clan du père, le mariage est possible avec toutes les descendantes des soeurs du père à partir du deuxième degré. Cette façon de faire n'a cependant lieu que pour des motifs graves, par exemple éviter l'extinction d'une famille entière yi f û:mb;} (pl. b i f û:mb;}). Ce genre de mariage est connu sous la dénomination di wÊ: l;} na t a:j i mu1yé tu, littéralement «mariage avec père-femme», c'est-à-dire mariage avec un parent de sexe féminin appartenant à la branche paternelle. Le mariage étant exogamique, il ya donc des empêchements de mariage. Pour saisir la portée de ces empêchements, il importe d'éclaircir certaines notions. Pour cela, on peut se demander quelle idée le mupunu se fait de sa famille yi f û:m b;}. En parlant de la famille, il distingue le clan yi b â n d u et le k â n;}. Pour lui, la famille repose essentiellement sur le yi ba nd u qui est l'ensemble des individus qui descendent d'un même ancêtre mythique. Le ka n;}, quant à lui, est la famille nucléaire, c'est-à-dire la communauté fonnée par le père avec sa ou ses femmes et ses enfants. Cette communauté est reconnue par la coutume dans l'adage < sont l'urine et la lune qui engendrent l'enfant», c'est-à-dire «C'est de l'union de l'homme et de la femme que naît l'enfant». Le kan;} repose sur le principe patrilocal ou virilocal, c'est-à-dire le principe de la résidence autour d'un homme (père ou oncle maternel). a) Comment trouver une femme? 1. La façon la plus courante de trouver une femme, chez les Bapunu, est le mariage après la demande. Après la puberté, le jeune homme qui désire se marier (Mu2, 22-23) trouve une fIlle de son choix (Mu2, 27-29), la propose à ses propres parents pour détèrminer si l'union est licite, puis va demander la main de la fille aux futurs beaux-parents. Arrivé chez ces derniers, il remet à la fille le don d'usage mu kumu n u mun u ou yi b â n z;} qui est le 765 symbole du consentement. En effet, lorsque la fille qu'on veut épouser est consentante, elle reçoit ce don et le remet à ses parents. A partir de ce moment, c'est-à-dire ukiim~ «se fiancer, promettre», la fille n'a plus le droit de se conduire à la légère. Elle doit «tuer» l'état de jeune fille ub5k~ bunû:mb~. Son comportement ne sera plus jugé que par rapport à son futur et l'honneur de sa famille. La coutume reste muette sur le montant de la dot t s 5:mbu. Dans les versions Mul et Mu2 du Mumbwanga, il faut seulement soulever le paquet de joncs pour amener la fille avec soi. Il n'est nullement question de dot. Cela veut dire que ce qui importe, ce sont les qualités intrinsèques du prétendant. Il convient de souligner que la coutume est aussi muette sur la durée des fiançailles. Cette durée dépend de la rapidité ou de la lenteur avec laquelle le futur époux donnera le t s 5:mbu. Durant le temps des fiançailles, les deux familles ont des relations plus resserrées. Elles se rendent mutuellement service. La future épouse fait de fréquents séjours chez sa belle-mère qui apprend ainsi à mieux la connaître, afin d'être à mëme de juger de ses qualités de bonne ménagère, de modestie, etc ... La future épouse, elle, apprend à connaître les membres de la famille de son mari, leur caractère, comment s'y prendre avec tel ou tel. Lorsque la dot est totalement versée, on procède à la célébration des noces. La cérémonie a lieu le jour où le futur époux décide de prendre définitivement sa future femme, soit dans sa propre maison, soit dans celle de ses parents uko t 1 s ~ (c faire entrer». Le jour fixé, le fiancé accompagné de ses parents vient au village de la fiancée. Dès le lever du jour, les jeunes filles du village préparent les bagages de la future mariée: u lOI) gis ~ mu y é t u «charger la femme». Elles emballent nattes, marmites, calebasses, etc ... C'est ainsi qu'au Mul, 285, on peut lire: «On prépara les affaires de la mariée: on chargea les paniers, les bandeaux frontaux, les poules, les moutons et tout et tout». Il s'agit des présents qu'on offre à la mariée. Pendant que les jeunes filles s'activent ainsi, les adultes sont réunis dans le mul!ebi où les parents de la future mariée servent le vin des noces. Dès que tout est terminé, les adultes quittent le mulebi pour la maison paternelle où a lieu la bénédiction nuptiale: les deux fiancés s'asseyent sur une même natte. En face d'eux, se place le père de la future mariée. Il prononce une brève allocution, résumé des dernières recommandations aux futurs mariés. 11 prend du kaolin pêmb i, symbole de la pureté, trace un trait sur les bras de la future épouse, puis, ayant mis dans sa bouche du vin de palme t s âmb~ 1, symbole 1. t s âmb ~ est le vin- de palme qu'on récolte sur un palmier non abattu. Ce vin a pour caractélistique d'être très sucré. Le t s âmb~ s'oppose au d i IJgrb~ ou mbli 1 ~ qui est le vin de palme qu'on récolte sur un palmier abattu et dans lequel on fait macérer l'écorce du wa 1 i, Garcinia Klaineana Pierre, petit arbuste à suc résineux jaune, pour le faire fennenter. 766 de la fécondité, en rejette sur les nouveaux mariés. Tout cela est accompagné d'incantations: on invoque la protection des ancêtres sur le nouveau foyer et le père s'écrie: «Partez et ne revenez qu'avec votre premier-né». A ce moment, la mère annonce qu'elle marie sa fille volontairement. L'omission de cette déclaration serait comme un nuage planant sur le nouveau foyer. La bénédiction nuptiale terminée, le cortège se forme: les jeunes filles et les parents de la mariée, chargés des divers cadeaux et bagages, ouvrent le cortège; puis viennent les époux et enfin les autres villageois. Il est important de relever que cette cérémonie se déroule dans le cadre de l'adage < en mains propres». On ne va pas conduire uné femme chez son mari, on la lui remet. Les parents punu ne doivent se désaisir de leur fille que si le jeune homme lui-même ou ses représentants viennent prendre la future chez eux. Ceci afin que, lorsque le nouveau foyer aura à affronter les premières dif1ïcullés inhérentes à tout nouveau foyer, le beau-fils n'ail pas la tentation de dire à ses beaux-parents: «Venez chercher votre fille 1» Leur réponse sera alors: «Tu l'as prise chez nous, ramène-la nous». 2. Le mariage pafl·apt u b 5 ou u b é mu j Êb ~ n'est pas inconnu des Bapunu. Les amoureux s'enfuyaient lorsque les parents refusaient d'accepter la dot. Pareil mariage se terminait toujours par le règlement de la dot et la régularisation de l'union. b) La polygamie Bien que l'épopée Mumbwanga ne mentionne pas la polygamie, il faut souligner qu'elle existe. La coutume reconnaît la monogamie et la polygamie y i yam:>. Si cette dernière est reconnue par la coutume, c'est parce qu'elle est ancestrale. En effet, le problème de la fécondité a tellement fasciné les ancêtres punu qu'une femme stérile se voyait adjoindre aussitôt une co-épouse, à sa plus grande humiliation, bien que parfois la femme stérile arrive à choisir une seconde femme à son mari. Le besoin d'avoir plusieurs femmes était peut-être justifié aussi, chez les chefs, par le désir de répondre plus efficacement à la loi d'hospitalité. 6.4.2.1.2. La naissance Il est question de naissance dans les trois versions du Mumbwanga. Ainsi, on a par exemple au M, 13, «bak~ bu r:> mwân:> mu'yé tu», «lls mirent au monde une fille». 767 a) La grossesse La grossesse a une durée exceptionnelle qui est de douze mois. C'est le cas dans la version M. En outre, c'est une grossesse difficile puisqu'il y a des menaces d'avortement. C'est le cas dans la version Mu2. Le futur père est obligé de faire appel aux devins-guérisseurs afin de trouver l'origine du mal et le moyen de le traiter. b) Les enfants Les enfants qui naissent sont des jumeaux. Ils sont frères et soeurs. Dans la version Mu2, il est rapporté que certains enfants ont une morphologie bizarre: Mumbwanga a un seul oeil, et un cheveu qui fait le tour de sa tête. Dibila a les pieds et les mains dans le dos. Bobi est chétif. Quant à l'attribution du nom aux enfants, on constate qu'elle se fait dès la naissance. Le nouveau-né reçoit un nom de jumeau s'il est jumeau. Dans le cas contraire, il reç;oit le nom d'un parent de son père ou de sa mère, décédé ou encore en vie. Les trois versions de l'épopée donnent plusieurs noms punu. On y trouve mentionnés desnomsmasculins:I]gî:mbi, bund~, kiis~, mulû:I]gi, kombll~, nzi:yu, nz ye I]g i, bukwenz i ; des noms féminins: ma j 1n u, nyâ:I]g i et des noms épi- cènes : d y aI] 9 ~, k ûmb ~, mb um b ~, mus â ~ u, mût s i 1] 9 ~. On y trouve des noms de jumeaux: marûndu etmbumb~,mu~ê:I]gietmutel i, 1]geb~ et yinyuI]g~L D'autres noms comme du b Il ~ ou di b Il ~ et mu s 1yi, qui figurent dans les versions Mu let Mu2, ont disparu aujourd'hui. 6.4.2.1.3. La vie dans les villages a) Les hommes vivent dans les villages mIJDbu (sg. d I:mbu) ou les villes maI~u 1~ (sg. d i ~ii 1~) que l'on peut localiser. Il s'agit de muka ba dis imu, du yâ S u, mwiib i, ma bâ:nd~, mûkwa I]g~, ma S âI]g~, pényûndu, I]go si aujourd'hui disparu, ma:nz i (Port-Gentil), PÛI]gu (Libreville). Les villages sont dirigés par des chefs: c'est le cas du chef Bukwenzi qui commande un village qu'on ne peut pas localiser. b) Les hommes vivent en familles b akan ~ (sg. k â na). On trouve dans ces familles: tâ:j i «le père» ou t â:t ~ «papa», I]gûj i «la mère» ou mâJD~ «maman»; bâ:n~1 «les enfants». c) Les héros de l'épopée Mumbwanga se déplacent beaucoup. Ils quittent leurs villages pour aller dans d'autres. Au cours de leurs voyages, ils traversent des rivières, des étangs, des lacs, gravissent et dévalent les montagnes, les plateaux et les crêtes. d) On relève dans l'épopée Mumbwanga des indications de temps. Il n'y a jamais d'indications de dates directes et précises. En effet, la culture punu n'avait pas les moyens de mesurer avec précision le temps. C'est pourquoi l'on part de l'actuel pour 768 relater ce qui s'est passé il y a longtemps. Le narrateur utilise d'ailleurs une indication vague: dans les temps les plus reculés, de très grand matin, un jour, etc ... Ces expressions reflètent la réalité, c'est-à-dire la façon dont les Bapunu comme la plupart des peuples négro-africains apprécient le temps. Louis-Vincent Thomas écrit à propos de la conception africaine du temps! qu'il faut distinguer un temps empirique et un temps ontologique2. Le temps empirique englobe «les rythmes cénesthésiques: naissance, vie et mort», le calendrier des cérémonies et des événements et le rythme des saisons, des jours et des nuits 3 . Quant au temps ontologique, Thomas le définit comme «un temps métaphysique qui traduit, dans l'intériorité du moi, les formes expresses du temps mythique conçu objectivement»4. Seul le temps empiIique sera étudié ici. Les mesures de ce temps se font pas les mouvements du soleil (ny âIJ9U) et de la lune (l]g3nd i ou t S û:l]g i). Les Bapunu comptent par lunes baIJg3nd i, ce qui donne à peu près le mois. D'ailleurs le nouveau mois (nouvelle lune) était accueilli par un jeu intéressant jeunes et adultes. Le premier qui apercevait le croissant lunaire le montrait aux autres en disant yi t sut s ulJg i. Ce mot, qui est construit à partir de t S û:l]g i «lune», signifie «nouvelle lune». Le mois est aussi appelé muwê 1 i (pl. mi wê 1 i). Le temps se mesurait aussi aux événements: on révélait à quelqu'un qu'il était né le jour où le village célébrait le deuil d'un tel; à un autre qu'il avait vu le jour lorsque Pétain était au pouvoir, c'est l'époque appelée pÊ t ~ ou bien lorsque de Gaulle est arrivé au pouvoir, c'est l'époque appelée di y3: l~. Le temps se compte par saisons. La grande distinction oppose une saison pluvieuse mf Û 1~ à une saison sèche ma 1) 9 ~ 1~. Les Bapunu tiennent compte des époques où les fruits mûrissent. Il yale temps des mangues, celui des avocats, celui des atangas-safous. TI y a aussi le temps de la pêche annuelle. Quant aux instants du jour wî:s i, ils s'ordonnent par rapport à trois repères principaux: le matin kêd i, midi ya ri wî:s i et le soir t s f s 1y~. En ce qui concerne le matin, voici quelques moments importants: 4 heures du matin, c'est le premier chant du coq; 5 heures, c'est le chant des perdrix; l'aurore d imé:lJg i est signalée par le passage des perroquets allant à la recherche de leur nourriture. Au village, les Bapunu ne s'intéressent pas aux heures du jour, à l'exception de midi qu'ils considèrent comme le milieu de la journée ya r i wî: si. Quant au soir, de nombreux signes indiquent la chute 1. L.-V. Thomas, «Temps, mythe el histoire en Afrique de l'Ouesl», Présence Africaine, p. 26. 2. Mircea Eliade oppose un lemps profane à un lemps mythique dans Images el symboles: essais sur le symbolisme magico-religieux, p. 74. 3. P. Zumthor appelle le rythme des saisons, des jours el des nuits le lemps nalurel dans Inlrodulion à la poésie orale, p. 151. 4. L.-V. Thomas, ibid., p. 27. 769 du jour: le soleil s'abaisse et semble toucher la cime des arbres et l'eau du fleuve, les perroquets reviennent en bandes de leur pâture, les crapauds coassent et les chauves- souris commencent leur vol imp0l1un. Puis vient la nuit muk 01 u. Lié au temps quotidien, jour yi 1ûmbu (pl. b i 1ûmbu), semaine t s 3n g (pl. ba t son~), année yi 1rm~ (pl. bi 1rmg) ou mupum~ (pl. mipumg), le temps empi- rique ou temps chronologique selon l'expression de Mircea Eliade1 comporte les trois dimensions suivantes: le présent représenté par aujourd'hui na nyaI]gu, le passé représenté par hier ma s îy~ et avant-hier nz ima s i y~, et l'avenir représenté par demain mu y € s ~, après-demain mun ~m6 s i et le lendemain ban z i m~. 6.4.2.2. La vie économique 6.4.2.2.1. La connaissance de la vie matérielle Dans l'épopée Mumbwanga, on relève des traits de la culture matérielle punu. On y distingue des objets d'ordre pratique, des instruments de musique, des aliments et des boissons, des plantes médicinales. Il y a aussi des objets d'origine occcidentaie. a) Les objets d'ordre pratique On distingue deux types d'objets: les ustensiles et les instruments de travail. 1. les ustensiles : les corbeilles, les paniers, les hottes, les calebasses, les fourchettes, les assiettes ; 2. les instruments de travail: coutelas, pelle, marteau. b) Les instruments de musique: cithare, I]g5:mf i, tam-tam mu 1ô:mbu ou ndu:I]Hu. c) Les aliments et les boissons 1. les aliments On trouve mentionnés les aliments suivants: les bananes et le manioc. - les bananes: on distingue deux sortes de bananes : la banane-plantain ou grosse banane mu pal ~ et la banane douce ou petite banane dit 0 tu ou mu s ê JD f u. -le manioc: on distingue deux sortes de manioc: le manioc doux tî:mb~ j i dwê:y i et le manioc amer t î:mb~ j i ndû 1 i. Ce dernier est d'abord roui avant d'être préparé sous forme de bâton de manioc. . 2. les boissons Dans Mumbwanga, il est question de vin de palme di I)g rb~. Le terme ma 1arnu se rencontre dans les versions de Mumbwanga pour désigner le vin de façon générale. 1. Mircea Eliade, Images et symboles: essais sur le symbolisme magico-religieux, p. 75. 770 d) Les plantes médicinales Dans les versions de Mumbwanga, on trouve des renseignements sur le nom et l'emploi des plantes médicinales. 1. le nom des plantes médicinales - On trouve mentionnées, dans les versions de Mumbwanga, les plantes médicinales suivantes: nyîmb~ R. Gogantea, mu 1ondu 1u Dorstenia Klainei Pierre, mu sas a yu ou du sas a yu Cyperus articulatus L., di fûbu Pandanus. -On y rencontre les noms d'arbres: mbrr~ Pterocarpus Soyauxii Taub., mu13ê:I]gi Distemonanthus benthamiamus H. Bail!. appelé Flamboyant du Gabon, mu tel i Copaifera religiosa J. Léonard 2. l'usage des plantes médicinales - Les plantes ny îmb~, mu 1ondu 1u, mu sas a yu, di f û bu entrent dans la préparation des bis yêmu (sg. yi s yêmu), mélanges rituels d'aromates et de substances végétales. - Mu13ê:I]gi, Flamboyant du Gabon, appelé aussi l'arbre des guérisseurs, permet à ceux-ci de procéder à la divination à son pied. - Mu tel i ou mu r e yi, à l'ombre duquel s'accomplissent les rites d'initiation au Bwiti, est l'arbre par excellence des adeptes du Bwiti. - On a coutume d'enterrer les jumeaux au pied de ces grands arbres que sont mu 13ê:I]g i et mu tel i. e) Les objets importés L'influence occidentale se ressent, dans les versions du Mumbwanga, par l'introduction d'objets nouveaux: l'automobile, l'hélicoptère et la pinasse. 6.4.2.2.2. Les activités économiques Parmi les activités économiques mentionnées dans l'épopée Mumbwanga, il y a l'agriculture, la pêche, la chasse, la fabrication des ustensiles domestiques et l'élevage. a) L'agriculture Cette activité est évoquée dans Mul, 456 «Tu trouveras des éléphants qui ont fini toute la nourriture». Les Bapunu produisent leur nourriture en faisant des champs. Ils distinguent trois sortes de champs en fonction de la proximité ou de l'éloignement du village. En allant du plus proche au plus éloigné du village, on a : - mû:mbu (pl. myû:mbu). C'est une sorte de potager derrière la maison ou en tout cas pas très loin de celle-ci. On y cultive des arachides pî:nd~ (sg. du13î:nd~), du manioc t î:mb~ (pl. ba t î:mb~), de l'oseille bukû 1u, du maïs du13û t u (pl. pû tu) principalement; - mu s â:y~ (pl. mi s â:y ~). C'est une plantation qui est faite dans une forêt secondaire 771 difCitu (pl. mafCitu). Ce champ est un peu éloigné du village. On y cultive principalement des taros ma 1 â:l]g~ (sg. di 1 â:l]g~); des ignames bambâ: 1 ~ (sg. mbâ:l ~), du manioc, des aubergines mbolol]gu. Mus â:y~ est l'endroit où les fi~mmes vont chercher du bois pour la cuisine. - nO:l]g i (pl. banO:l]g i). Cette plantation est faite dans la forêt primaire di j l5:mb i (pl. majo:mbi) ou pâ:r i (pl. bapa:r i) qu'on défriche. C'est une plantation qui est très éloignée du village. On y construit un petit abri dis a ku (pl. ma s aku) pour passer la nuit afin d'éviter de longs va-et-vient entre le village et la plantation. On y cultive principalement des bananes ml pa 1 ~ (sg. mu pa 1~) ou yi t eb i / bit eb i, de la canne à sucre mu s il 1] 9 u (pl. mis il 1] 9 u) et des ignames. b) La pêche Cette activité est évoquée dans Mu l, 22, «Les gens al1èrent dormir en brousse dans les campements de pêche». Elle est soumise à une règlementation : la pêche est libre dans les rivières, fleuves ou lacs qui sont des propriétés communes villageoises. En revanche, elle n'est pas libre dans les étangs et les marigots qui appartiennent aux clans et aux familles. Bien qu'elle soit mixte, la pêche est essentiellement une activilé féminine. Les hommes font la pêche u 13b~ dans les grands fleuves avec l'hameçon d i 13b~ (pl. ma 15b~) ou avec un éperviermbi:i:s~ (pl. bambil:s~). Le pêcheur est appelé mu lob 1 t s i (pl. bal 0 bit si). Les femmes font la pêche dans les ruisseaux et les petites rivières de plusieurs façons: - elles peuvent se contenter de placer des nasses b i d Ci b ~ (sg. yi d Ci b ~) dans l'eau et les retirer le lendemain. Cette façon de capturer du poisson s'appelle udilb~. La femme qui utilise cette technique est appelée mud u bit s i (pl. b a du bit si). - Un autre type de pêche consiste à plonger l'épuisette d î: t s ~ (pl. mî: t s ~) au hasard dans la rivière pour attraper des poissons; c'est uwa:b~. La femme qui utilise cette technique est appelée muwa bit s i (pl. bawa bit si). - Les femmes font aussi la pêche au poison mbâ:y~ (pl. bambâ:y~), plante toxique dont on prélève les feuilles que l'on pile et que l'on jette à l'eau pour endormir les poissons. Il s'agit de urôk~ mbâ:y~. Le fruit di yê:mbi (pl. mayê:mbi) est aussi utilisé comme poison. En fait, il ne s'agit pas vraiment d'un poison puisque les poissons qui l'absorbent sont juste endormis et sont consommés par celles qui les ont capturés sans danger. - Une autre technique utilisée par les femmes est le barrage du marigot. On distingue deux types de barrages : * le barrage à vider mwêy i (pl. myêy i). Les femmes barrent le marigot et assèchent 772 certains endroits du cours inférieur avec des assiettes en bois b i yu pû 1u (sg. yiyupûlu); c'est uyiip~. La personne qui accomplit cette action est appelée muyupf t s i (pl. ba yupi t si). * le barrage à nasses du y a yu (pl. k a yu). On construit un barrage et on place dans le barrage une grande nasse appelée yi .133 1~ (pl. b i .133 1~) et une nasse moyenne mu j 5:l]g~ (pl. mi j 5:l]g ~). Cette technique de pêche est appelée u r â:mb~ du y a yu ou uj3ây~ duyayu. La personne qui accomplit ce type de barrage est désignée par murambf t s i (pl. barambf t si). c) La chasse On retrouve cette activité dans les trois versions de l'épopée Mumbwanga. Ainsi on a - au Mu 1, 950, «Un jour, Boussambou remit un fusil à un chasseur» ; - au M, 236, «Mbwanga rencontra un chasseur portant sur son dos une antilope; - au Mu2, 430, «Yikafi vit un chasseur. .. ». Même si parfois des femmes font des pièges pour attraper de petits animaux, la chasse bu r Ê: 1~ est, avant tout, une activité masculine. Elle se fait de plusieurs façons: * autrefois, le chasseur murÊ:l~ (pl. barÊ:l~) utilisait l'arbalète pî:t~ (pl. ba pit ~) avec des flèches mba:n z ~ (sg. du ba:nz~) trempées dans une sorte de poison appelé mun a j i Strophantus hispidus pour tuer du gibier. Aujourd'hui l'arbalète a laissé la place au fusil. * le chasseur utilise le fusil bû t ~ (pl. mâ t ~) pour abattre les animaux de toutes sortes b i bû 1u (sg. yi bû 1u). * il peut aussi pratiquer la chasse au chien courant. Cette façon-de chasser est appelée mbil]gu, du verbe ubil]g~ «chasser». * enfin, il peut tendre des pièges u r â:rnb~ mir âJIlbu (sg. mu r â:rnbu). Il est, dans ce cas, appelé mu r amb ft s i (pl. ba r amb i t si). On distingue plusieurs genres de pièges en fonction des animaux à prendre. Pour les petits animaux comme les rats de Gambie ou les rats palmistes et les oiseaux, il yale piège appelé di j3â:l]g~. Pour les gros animaux, on tend un piège appelé di bû 1u (pl. ma bû 1u) «trou». Il s'agit d'une fosse que l'on creuse sur le passage emprunté par les bêtes mwâ:nd ~ (pl. my â:nd~) et que l'on cache avec des feuilles et des branchages. Lorsqu'un animal tombe dedans, il se trouve prisonnier. Il ne reste plus au chasseur qu'à l'achever avec une lance cl ikôl]gu (pl. makôl]gu). L'épopée Mumbwanga apprend aux jeunes gens les noms des animaux. On y trouve mentionnés: le rat palmiste, la tortue, le daman, la gazelle, l'antilope, l'antilope-cheval, . le sanglier, le léopard, le gorille et l'éléphant. 773 d) L'élevage Les Bapunu pratiquent dans les villages l'élevage de la volaille (poules, canards), des ovins et des caprins pour la consommation locale et pour faire cadeau aux visiteurs. e) Lafabrication des ustensiles domestiques Cette activité, signalée dans Mu l, 232, est exclusivement féminine. Les femmes utilisent plusieurs matériaux pour fabriquer leurs ustensiles: - elles se servent des joncs n d ii b i (sg. d un d ii b i) pour fabriquer des corbeilles byê:13 i (sg. yê:IH), des bandeaux frontaux nyâb i ou banya b i (sg. dwâ:b i) pour le portage des hottes, de larges épuisettes appelées mî: t s g (sg. d î: t s g), de petits paniers que les femmes portent attachés à la ceinture et dans lesquels elles mettent les poissons qu'elles ont pêchés. Ces petits paniers sont appelés b 1n di kg (sg. YIn di kg) ; avec les joncs, les femmes confectionnent aussi des nattes bapiibg (sg. piibg). - la liane du b âm b g (pl. mb âmb g) esl aussi utilisée par les femmes comme matériaux pour faire des hottes. -lebambouduba:nzg du kû:nzg(pl.mba:nzg tsi kû:nzg)sertàfabriquerles nasses de barrage à savoir: b i1351 g (sg. yi1351 g)« grande nasse» et mi j5:I]ffg (sg. mu j 5: I] 9 g) «petite nasse». 6.4.2.3. La vie religieuse Cet aspect de la vie des Bapunu est suggéré, dans M et Mu2: «Les initiés du Bwiti vinrent; les initiées du Nyemba vinrent aussi; les adeptes du Malamu et du Mukuji vinrent à leur tour; Mwiri arriva lui aussi», par les cultes initiatiques et la croyance aux esprits. 6.4.2.3.1. Les croyances religieuses Les Bapunu croient en Dieu et aux esprits. a) La croyance en Dieu La religion traditionnelle punu est dominée par la croyance en un Etre transcendant, créateur et roi de l'univers, qui règne dans le cielo j fi 1u «en haut». On l'appelle Nyâmb i ou Nzâ:rnb i. En plus de ces noms, l'Etre suprême reçoit un surnom qui souligne sa toute puissance. C'est NzapuI]gu. Aucune idée précise ne s'est formée sur cet Etre suprême et aucun culte ne lui est rendu. La croyance en un Etre suprême fournit aux Bapunu l'explication aux problèmes qui leur arrivent. 774 b) La croyance aux esprits Les Bapunu croient aussi aux esprits. Ils distinguent les mânes des ancêtres et les génies. -les mânes des ancêtres ou ma 1û:mb i Il s'agit des ancêtres bayû 1u (sg. muyû 1u) qui sont parvenus, après une vie bien remplie, au lieu du repos de l'au-delà. De là-bas, ils sont censés connaître la source et les causes des événements qui se passent ici-bas puisqu'ils ont franchi, après la mort, la barrière de l'ignorance. Ils peuvent donc agir pour conjurer les périls, veiller sur le bonheur de leurs descendants et leur bien-être. C'est pourquoi un culte leur est rendu (u s amb i 1~ ma 1û:mb i, «honorer les ancêtres») qui vise à les avoir pour alliés et à obtenir leur bienveillance. -les génies ou ba yî si Le terme ba yî si (sg. mu yî si) désigne indifféremment, outre les génies, les fées et les sirènes. Pour les Bapunu, les génies, comme les ancêtres, viennent, la nuit, inspirer et guider en songe les humains. C'est pourquoi les rêves avaient autrefois et ont encore aujourd'hui une grande importance. 6.4.2.3.2. Les cultes Si des coutumes et des usages religieux se sont perdus ou sont en voie de disparition, il est des rites et des pratiques rituelles qui résistent et qui, pour certains, gagnent en importance et en vigueur. Ces rites sont liés à des sociétés initiatiques, à savoir le Bwiti, le Mwiri et le Nyemba. Le Bwiti et le Mwiri sont des confréries masculines tandis que le Nyemba est réservé aux femmes. Deux sociétés de danse viennent s'ajouter à ces ordres initiatiques. TI s'agit du Malamu et du Mukuji. a) les sociétés initiatiques -le Bwiti Le terme Bwiti désigne à la fois l'ordre initiatique masculin, la danse exécutée par les initiés et la statuette utilisée pendant la cérémonie. * l'origine du Bwiti Si certains regardent le pays tsogo comme le berceau du Bwiti, d'autres, par contre, attribuent l'origine de cette société à leurs voisins, les Apinji. Mais, ce qui est sûr, c'est que les chants du Bwiti sont en ye t s :>y:>. D'ailleurs, le Prince Birinda a écrit à cet effet: «Le tsogo est pour le bouity ce que le latin était pour le catholicisme»!. 1. Prince Birinda de Boudiéguy des Eshiras, La Bible secrère des Noirs selon le Bouity, p. 140. 775 Les Bapunu ont donc adopté le Bwiti en lui gardant sa pureté initiale alors que les Fang l'ont beaucoup transformé. * le but du Bwiti Le Bwiti constitue une école où les adeptes, selon leur degré au sein de l'ordre, apprennent à connaître les questions fondamentales de l'existence humaine aussi bien de l'individu que du groupe, de l'intégration dans l'ordre cosmique, des mystères de la vie et de l'univers. * l'organisation des Bwitistes On distingue trois grades principaux répartis en deux grandes catégories selon le degré d'ancienneté dans l'ordre : -parmilesinitiésdelonguedateounyima,onalep613i etlesnyima na kombu : --le p6{3i ou maître du temple, préside aux séances du Bwiti; --les ny fma na kombu, subordonnés au p 6 {3 i, préparent les séances du Bwiti et se chargent de l'initiation et de l'éducation des novices; - les nouveaux initiés au b a b â:n z i Ce sont des néophytes appartenant à la promotion en cours d'initiation. Ils ne font qu'assister aux séances l. * le rituel du Bwiti Du rituel du Bwiti, on retiendra les séances privées et les séances publiques: - les. séances privées constituent le moment où se fait l'initiation et l'éducation des adeptes. Cela se passe loin du village en un lieu appelé n z Îmb ~ (pl. ban z i mb ~) sous l'arbre sacré appelé mu tel i Copaifera religiosa. - les séances publiques sont célébrées dans le mbanja, le temple du Bwiti qui est une· sorte de case spéciale ouverte appelée di b â:n z ~ (pl. ma b â:n z ~)2. Eclairés par des torches de résine d'okoumé, vêtus de raphia et de peaux de civette, le visage tatoué de signes rouges et blancs, les danseurs virevoltent autour d'une torche allumée plantée au sol. L'un des musiciens égrène les notes de la cithare I]gomf i (pl. ha I]gomf i) tandis que les batteurs de tam-tam produisent un rythme qui anime et transporte les danseurs. Les cérémonies comportent des danses et des chants ainsi que des rites touchant à la magie et à l'illusionnisme3. Pour terminer avec le Bwiti, je dirai que cet ordre initiatique 1. Otto Gollnhofer et Roger Sillans, «Recherche sur le mysticisme des MilSogo, peuple de montagnards du Gabon cenual (Afrique équatoriale»), in Réincamation et vie mystique en Afrique Noire, p. 147. 2. Il ne faut pas confondre le di b â:n Z:l avec le mu 1 ê b i «maison commune» qui est, en fait, une case ouverte placée au bout d'un village où les hommes se retrouvent et où les voyageurs se reposent avant de poursuivre leur route. 3. Je dois ces informations et précisions à mon cousin Duk a y;) Patrice. guérisseur à Dubonyu. Je l'en remercie bien vivement. 776 est lié au culte des ancêtres car une danse publique du Bwiti au moment des funérailles permet de parler une dernière fois avec l'esprit du mort. -le Mwiri Mwiri, ou Mangongo, surnom employé dans le bassin de la Ngounié, est une société secrète masculine. Les jeunes gens s'initient après la puberté pour faire figure d'hommes et ne pas être considérés comme ignorants ou poltrons. Cette confrérie a maintenant perdu sa puissance. Jadis, elle était crainte surtout des femmes qui passaient de vie à trépas lorsqu'elles en pénétraient les secrets l * l'origine du Mwiri La tradition orale rapporte que Mwiri, génie ayant la forme d'un crocodile, fut capturé, au bord d'un rivière, par une femme qui revenait des champs. Mwiri se révolta contre les femmes parce que celle qui l'avait domestiqué ne le ménageait pas assez. Les hommes l'adoptèrent et c'est ainsi qu'il devint leur oracle. Ils lui parlaient en un langage ésotérique inaccessible aux femmes. * le but du Mwiri Le Mwiri est une confrérie qui s'occupe du maintien de l'ordre public, de la protection et de la conservation des traditions. Pour B. Bouity-Nzamba, «Le Mwiri est une société qui avait un rôle de direction politique et morale dans la société punu avant et pendant la période coloniale. Tout ce qui touchait à l'organisation de la société était pensé au niveau du Mwiri où les droits de l'individu, circonscrits dans le cadre d'une société semi- féodale, étaient assurés. Théoriquement, l'exigence des devoirs pour la vie de la communauté allait de pair avec celle des droits de chacun. Dans cette société, le culte de l'honneur, le sentiment du courage participaient au renforcement de l'identité du groupe. Ce qui se conçoit aisément compte tenu de l'histoire mouvementée de la société pu nu traditionnelle»2. * le rituel du Mwiri Du rituel du Mwiri, on retiendra les séances privées et les séances publiques: • les séances privées, qui sont secrètes, sont des cérémonies réservées à l'initiation des adeptes. • les séances publiques sont constituées de danses du Mwiri. Ces réjouissances ont lieu à la tombée de la nuit. Mwiri annonce son arrivée à la cérémonie «en faisant entendre des sons caverneux poussés par un ventriloque que le profane croit venir de l'autre monde»3. Voici ce qu'a écrit Paul du Chaillu, le premier Européen à avoir observé le Mwiri en 1. Ces infonnations m'ont été fournies par Monsieur Nziengui François, notable à Tchibanga. 2. Benoît Mouity-Nzamba, L'Arr africain et la sémantique de la statuaire, p. 62. 3. André Raponda-Walker et Roger Sillans, Rites et croyances des peuples du Gabon, p. 236. 777 1854, chez les Aponos : «Ceux-ci appellent cette espèce de danse la m'muirri. C'est un pas guerrier exécuté par les hommes seulement, et remarquable par le bruit singulier que font les danseurs en hurlant et en se battant la poitrine avec leurs deux mains, à la manière d'un gorille, et en poussant fortement leurs lèvres l'une contre l'autre comme s'ils prononçaient le mot muirri. Tous les hommes, rangés sur une seule ligne, avancent et reculent en dansant. La danse s'anime de plus en plus, jusqu'à devenir frénétique, et le vacarme devient de plus en plus assourdissant. Tout le village vient ensuite se mêler à ce tohu-bohu en criant, chantant, dansant, battant du tambour et frappant des morceaux de bois les uns contre les autres. Au point du jour, j'entendis la voix du chef qui criait je ne sais quelle nouvelle proclamation et aussitôt, tout le village rentra dans un profond silence» 1. -' le Nyemba Le Nyemba est une société secrète féminine dont l'appartenance se fait après cooptation et initiation. * l'origine du Nyemba D'après la tradition orale, le Nyemba serait d'origine punu. Il est l'une des plus anciennes confréries du Gabon. Dès leur jeune âge (sept ou huit ans), les jeunes filles sont initiées au Nyemba. * le but du Nyemba Le Nyemba a un rôle d'intégration sociale et de protection féminine. Pour le Prince Birinda, «Le Nyemba est la branche du Bwiti destinée à l'initiation des femmes. Les mystères en sont exactement les mêmes; ce ne sont que les rites et les pratiques qui diffèrent. Le Nyemba enseigne à la jeune femme tous les secrets de l'amour dans ses diverses manifestations»2. * le rituel du Nyemba Du rituel du Nyemba, on retiendra les séances privées et les séances publiques: • les séances privées, qui sont secrètes, sont réservées à l'initiation des adeptes. Ces cérémonies sont célébrées auprès d'un cours d'eau. • les séances publiques sont constituées de danses qui ont lieu la nuit. Durant ces veillées, les initiées du Nyemba seraient plus près des morts que des vivants. Ces cérémonies sont organisées soit avant de trait~r un malade, soit lorsque celui-ci est délivré du mal qui le torturait3. 1. Paul Du Chaillu, L'Afrique sauvage, p. 225. 2. Prince Birinda de Boudiéguy des Eshiras, La Bible secrète des Noirs selon le Bouity, p. 140. 3. Je tiens ces informations de Madame Kûmb~ Germaine, guérisseusse au quartier MinzanzaJa à Tchibanga. 778 * l'organisation des initiées du Nyemba Le Nyemba est une société hiérarchisée. A la tête de l'ordre, il yale chef appelé IJ 9 u j i ny Ê:mb ~ ; les initiées sont appelées b a IJ gu j i et les néophytes b i wâ yi. b) Les sociétés de danse On distingue deux sociétés de danse: le Ma 1amu et le Muku j i. -le Mukuji * l'origine du Mukuji Le Mukuji désigne à la fois une société de danse punu essentiellement masculine et le personnage central de cette danse. L'acteur principal est un danseur masqué qui évolue sur des échasses. Bien que n'exigeant pas une initiation à proprement parler, le Mukuji est une société très hermétique surtout en raison du secret qui protège le danseur. * l'organisation de la société de danse On rencontre chez les Bapunu deux danseurs à échasses: muku j i (pl. ml ku j i) ou mbwâ:nd ~ (pl. bambwa:nd ~) aux longues échasses et yi kwa r ~ (pl. b i kwa r ~) aux courtes échasses, surnommé yi kwa r d yi muk 61 u, «y i kwa r ~ de la nuit» parce qu'il danse à la tombée de la nuit alors que le Mukuji danse le jour. S'agissant du yi kwa r d, voici ce qu'en dit Benoît Mouity-Nzamba : «( ... ) Enfin un type de masque peu répandu et en voie de disparition. Le masque Ikwara est un modèle rare dans la statuaire gabonaise. Masque noir, à l'aspect effrayant, au contraire des masques «blancs», doit inspirer la crainte; c'est son rôle. Il conviendrait dans les recherches ultérieures, de voir s'il n'entretenait aucun lien avec la société mwiri que nous rencontrerons plus loin. Les danseurs évoluent sur de très courtes échasses, contrairement aux échasses du Mukuji»l. En fait, les deux danseurs appartiennent à la mêine société. Le masque du yi kwa r ~ ou yi IJgu t u représente l'homme et celui du muku j i représente la femme. * le but du Mukuji Le Mukuji souhaite conjurer l'angoisse de la mort par une familiarité plus grande avec elle, bien que les ancêtres ne puissent pas se confondre complètement avec les descendants. Les sorties diurnes du Mukuji manifestent symboliquement des rapports ambigus entre l'univers des morts et celui des vivants. * le rituel du Mukuji Le danseur du Mukuji est un spécialiste qui doit mettre les échasses mlmb i IJg~ (sg. mumb i Jjg~) fabriquées avec le mu sla: s ~ (pl. ml sla: s d), Harungana madagascariensis. 1. Benoît Mouity-Nzamba. L'Art africain et la sémantique de la statuaire. p. SI. 779 Sonvisageestcouvertd'unmasqueblancYltengi yi mukuji (pl. bltelJgi bi mu k u j i )fabriqué avec le mu y ê 1~ (pl. mi y ê 1~), Ricinodendron africanum , ou avec le cl i ba 1~ (pl. mi y ê 1~), Misanga cecropioides, plus connu sous le nom de parasolierl . Portant la coiffure trilobée, ce masque, à la face peinte en blanc, couleur des esprits et des revenants, est empreint d'une intense spiritualité. TI est animé d'une étonnante plastique d'un saisissant réalisme humain que Pierre Sallée traduit en ces termes: «Le "style punu" est l'aboutissement d'une tendance à la sophistication humaniste des traits du visage»2. Le masque du mukuji comporte en effet des traits réguliers et fins. Pour sa part, Denise Paulme a écrit: «Nous savons peu de choses sur ces oeuvres en bois tendre, d'une grâce raffinée, où la face humaine est surmontée d'une coiffure peinte en noir formant cimier, ou séparée en trois coques longitudinales, la crête centrale plus haute; le visage est peint en blanc, les sourcils sont indiqués par un trait semi-circulaire. les yeux par une fente; la bouche rouge. Certains exemplaires pOltent des scarifications en relief sur les tempes et à la racine du nez»3. Le masque du mukuji apparaît ainsi comme le symbole de la beauté et de la sédution. Benoît Mouity-Nzamba a écrit à cet effet: «( ... ) Les arcades sourcilières et les yeux sont peints en noir ou passés au fer chaud. Les yeux, à tleur de peau, étirés plutôt en amande, a souvent fait douter de l'origine de ces masques. Il s'agit d'un critère de beauté dans la société traditionnelle Bayag. Dunyengi en punu signifie "yeux en amande" ou "yeux bridés". «Dans la société traditionnelle Bayag, il était idéal qu'en plus de ces critères, la femme belle eût un nez fin, le tracé des lèvres délicats, lèvres généralement fines qui donnent aux masques cette esquisse de moue. Car le masque synthétise et idéalise cette conception traditionnelle de la beauté féminine dans une culture nationale donnée. Le fait qu'il soit peint en blanc (argile blanche et rouge, poudre de padouk, Ngul) ne doit pas tromper sur son origine. Chez les Bapunu, le masque, utilisé au cours des réjouissances populaires, est porté par un danseur revêtu d'un long manteau de raphia et tenant à la main droite un chasse-mouches»4. Le corps et les membres du danseur sont entièrement recouverts d'un habillement en raphia et en étoffes de couleurs vives. Pour les spectateurs non membres de cette société de danse, notamment les femmes et les enfants, le danseur apparaît comme un être 1. MuyÊ 1:) est appelé mwî ri d l't é I]gu, «l'arbre du revenant» et muls a: s:), mwî ri mamba I]gu, «l'arbre des courses». 2. Art et artisanant tsogho, ouvrage collectif, p. 89. 3. Denise Paulme, Les Sculptures d'Afrique Noire. pp. 91-92. Les scarifications dont parle D. Paulme sont au nombre de 9 et symbolisent les clans punu. On rencontre parfois des masques à 6 ou 12 scarifications; c'est l'association de l'homme et de la femme représentée par le danseur masqué qui est à l'origine des clans. 4. Benoît Mouity-Nzamba, L'Art africain et la sémantique de la statuaire, pp. 47-48. 780 surnaturel, un revenant. Le mukuji doit mettre ses échasses, s'habiller, se masquer, en un mot se préparer en un lieu retiré pour que l'on puisse toujours ignorer qu'il s'agit d'un homme. Quand il paraît, les hommes s'avancent en dansant, en chantant et en battant des mains au rythme du tam-tam. Les spectateurs, hommes, femmes, enfants se mettent en cercle autour du danseur en chantant et en battant des mains au rythme du tam-tam. Puis les gens fuient lorsque l'être surnaturel vient vers eux à longues enjambées avec de grands gestes. -le Malamu * l'origine du Malamu Le Malamu est une société de danse punuà l'origine essentiellement masculine et qui est, peu à peu, devenue mixte. La tradition orale raconte qu'à l'époque où il y avait un temps pour tirer le vin de palme, lorsque la récolte était abondante, on organisait une réjouissance à laquelle participaient les gens du village. * le rituel du Malamu Les hommes et les femmes se rangent en demi-cercle devant les joueurs de tam-tams. Un homme sort des rangs, danse puis invite une femme à faire de même. Celle-ci invite à son tour un homme et ainsi de suite. c) Les pratiques rituelles Les infonnations fournies par les versions de l'épopée Mumbwanga ressortissent à la divination ou à la magie. Ainsi dans Mu2, 45, il Y a menace d'avortement, on fait successivement appel aux gens du Bwiti, du Malamu et à Mwiri. Pour la même raison on fait appel, dans M, 12, 15, 18 et 25, aux initiés du Bwiti, du Nyemba, aux adeptes du Malamu et du Mukuji et à Mwiri pour détenniner le mal et le traiter. - la divination ur Ê S d Mumbwanga montre que les Bapunu ont toujours procédé à la divination. * le diagnostic par la divination C'est au cours des séances publiques du Bwiti et du Nyemba que les initiés de ces deux ordres pratiquent des «consultations divinatoires». Ces séances de voyance doivent permettre aux devins-guérisseurs bal)ga:l)gd ba re S 1 t si (sg. l)ga:l)gd mû r es f t si) de trouver l'origine de la maladie (ils pratiquent donc le diagnostic par la méthode divinatoire) et le moyen de la traiter. Pour la grossesse difficile de Ma Pungu, c'est Mwiri qui trouve le remède. Le traitement qu'il conduit consiste à frapper la patiente d'un crachat de bis yemu, «mélanges de plantes» préalablement mastiquées. 781 Tous les guérisseurs baJ]ga:J]g~ (sg. J]ga:J]g~) ne sont pas devins barés '1 t si (sg. mu rés 1 t si). Certains sont des individus qui ont étudié aux côtés d'un maitre les symptômes des maladies et les propriétés médicinales des plantes. Ils n'ont pas de rapports avec les esprits. On dit qu'ils n'ont pas les «yeux fendus». D'autres, en revanche, en tant que membres d'une société initiatique, ont suivi, durant la période de leur initiation, des séances pour entrer en rapport avec les esprits et acquérir ainsi une voyance qui permettra de dire pourquoi il y a tel problème ou comment éviter tel problème. * le pronostic par la divination Dans l'épopée, on voit le héros Mumbwanga aller consulter des devins pour savoir s'il arrivera chez sa soeur Marundu qu'il doit délivrer. Le devin lui donne un pronostic sur les chances de réussite de son voyage. -la magie Dans l'épopée Mumbwanga, on trouve des renseignements sur les moyens magiques qui ont un effet extraordinaire. *J]galu Il s'agit d'un objet magique comme un miroir ou d'une incantation et formule à caractère ésotérique. En tant que miroir, le I]g al u permet à son détenteur de voir ce qui va lui arriver. En tant qu'incantation, le J]g al u fait obtenir à celui qui le prononce tout ce qu'il veut. *yibabil Il s'agit d'un charme magique. • C'est une amulette qui sert de protection individuelle à son détenteur. • Le yi b ab i procure à celui qui le porte sur lui un pouvoir magique qui fait que lorsqu'il vient à mourir, il peut ressusciter de par lui-même, ou bien les médicaments, qu'un guérisseur prépare, peuvent lui parvenir par la chanson. C'est le cas par exemple de Yikafi au Mu2, 427-436 : «Les ogres le coupèrent en deux morceaux. (Ça alors? Nous ne valons plus rien, dit un auditeur). li resta inerte. Il était mort. On ne le toucha plus. On en était là quand Yikafi se mit à chanter: (... ). Yikafi se releva et s'en alla». C'est le cas aussi pour Mumbwanga, au Mul, 609-621, qui ressuscite en recevant les médicaments qu'on lui envoie: «La vieille femme entra dans sa maison, prit un balai et frappa Mumbwanga aux yeux. Mumbwanga tomba raide mort. Il était étendu. Son corps était plein de mouches bleues et d'asticots. Le guérisseur, qu'il avait laissé au village, savait déjà ce qui était arrivé. Il se mit à chanter: (... ). Pendant que le devin-guérisseur 1. il ne faut pas confondre yi b ab i, «amulette» avec y lb a:b i, «interdit alimentaire». 782 chantait ainsi, les médicaments étaient envoyés à Mumbwanga. Ils arrivèrent auprès de lui. Mumbwanga ressuscita aussitôt».

 6.5. Conclusion Ce chapitre a permis l'étude de la triple fonction de l'épopée Mumbwanga, à savoir: la fonction de loisir, celle de cohésion sociale et celle d'éducation. De ces trois fonctions, celle qui me paraît correspondre le plus à un besoin de la communauté punu et qui revêt, par voie de conséquence, une importance particulière, est la fonction de cohésion sociale. En effet, la déclamation de l'épopée Mumbwanga crée une certaine union, une certaine harmonie entre les membres de la collectivité punu. C'est cette union que B. Malinowski appelle «communion phatique» 1. S'appuyant sur une étude menée sur les indigènes des îles Trobriand, il énonce que les récits peuvent contribuer à constituer et à renouer sans cesse un tissu social. Les récits assurent ainsi une fonction sociale. Une société forme un tout cohérent et accentue les modes d'intégration sociale: l'accent est mis sur la communion ou la cohésion sociale. Cela est dû au fait qu'une société est un organisme vivant où les parties sont solidaires de l'ensemble. Les participants à l'acte narratif ne recherchent pas seulement l'échange mais le partage des représentations, des identifications et des émotions. Les chants, entonnés pendant la performance de l'épopée, créent une empathie sociale très importante. 1. B. Malinowski, «The Problem of Meaning in Primilive Languages», in Ogden, C.K. & I.A. Richards, The Meaning ofMeaning, p. 315. 783 CONCLUSION GÉNÉRALE Arrivé au terme de ce travail, peut-on prétendre maintenant à une meilleure connaissance et appréhension de l'épopée Mumbwanga ? Je l'espère. Sans prétendre avoir donné, loin de là, toutes les informations nécessaires sur l'épopée des Bapunu, cette thèse, la première du genre au Gabon parce qu'elle lie le document imprimé au document audio-visuel, a, d'une part, tenté de démontrer que le récit de Mumbwanga est une épopée, qu'il appartient à la littérature orale punu et que sa déclamation se fait selon certaines règles, et d'autre pan, donne des orientations pour de futures recherches. 1. A travers l'étude de Mumbwanga , j'ai vérifié que les traditions orales, dans des sociétés telles que celle des Bapunu, jouent un rôle important dans la collecte des informations. J'ai aussi abordé le problème de la performance de l'épopée Mumbwanga. L'analyse des modalités d'énonciation a contribué à mieux apprécier l'originalité de la transmission orale. 1.1. A la fois voix, parole et geste tel que cela a été étudié au chapitre 4 dans la narration verbale, la polyphonie narrative et la narration gestuelle, l'épopée Mumbwanga donne l'impression d'être accessible à n'importe qui. Mais en définitive, elle exige un savoir faire et un savoir dire qui déterminent les niveaux de compétence de ses interprètes, compétence vérifiée par les différentes versions collectées et analysées au chapitre 5, et par l'étude de la technique du narrateur au chapitre 4. 1.2. La comparaison des trois versions a permis d'affirmer qu'il s'agit d'un seul et même récit épique et de voir la permanence de ses thèmes. 1.3. Par l'étude de la technique du narrateur, j'ai abordé un élément souvent négligé dans l'analyse du style oral, le geste. M'appuyant sur les analyses des éthologues, notamment celle de J. Cosnier, et sur mes propres observations, j'ai étudié la gestualité de l'énonciateur et la coordination de l'interaction entre le narrateur et les auditeurs à partir 787 d'un enregistrement vidéo de 90 minutes, réalisé à Four Place, un village gabonais situé à 150 kilomètres de Libreville. J'ai montré, par là même, l'importance de la mimoges.tualité dans la déclamation de l'épopée Mumbwanga. 2. Ce travail constitue, pour moi, un point de départ qui me permet d'envisager de nouvelles perspectives. Plutôt que d'esquisser des projets plus ou moins lointains et plus ou moins plausibles, je n'indiquerai que ceux qui sont susceptibles d'être réalisés.
 2.1. Au niveau de l'épopée Mumbwanga Je me propose de procéder à une collecte en territoire congolais où résident aussi des Bapunu afin de vérifier l'existence de l'épopée Mumbwanga et de voir la variation et la permanence des thèmes du récit épique punu de l'autre côté de la frontière gabonais.e.
2.2. Au niveau de la littérature orale punu J'entreprendrai une collecte de proverbes et de devinettes pour mieux connaître et faire connaître ces deux genres littéraires punu pour lesquels on ne dispose que de très peu d'études.
2.3. Au niveau de la mimogestualité C'est grâce à l'enregistrement vidéo que je me suis intéressé à la mimogestualité, c'est- à-dire à l'activité corporelle qui accompagne l'acte de parole. J'ai aussi pris conscience de l'importance du canal gestuel et du fait qu'il est rarement étudié en Afrique même lorsqu'on aborde le style oral. Il s'agira donc de poursuivre et d'ouvrir le travail mené sur l'épopée Mumbwanga et la communication non verbale. Ce projet a une visée de recherche d'autant plus nécessaire qu'il n'existe justement pas, dans ce domaine, de travaux faits au Gabon et sur le Gabon.

ANNEXES
Annexe 1 LES RÉCITS MIGRATOIRES DES CLANS BUMWELI ET NDINGI
 1.1 Les récits du clan Bumweli

1.1.1 Le clan Bumueli L'ancêtre fondateur du clan BUMUELI est MUELI MILENZI. En réalité MUELI est un Roi ayant régné sur plusieurs sous-clans issus de ses conquêtes et mariages. En effet MUELI fut aussi un chef guerrier. L'on comprend aisément qu'il ait eu une grande emprise sur d'autres clans. MUELl portait aussi le pseudonyme de «BIALE» qui veut dire Roi. C'est ainsi que l'on parle de MUELI BIALE O BIRUGU BUANGUE. BIRUGU-BUANGA est le nom du territoire où MUELl fut désigné comme Roi. Mais avant de parler des lignages et des sous-clans issus du clan BUMUELl, il convient de s'apesantir sur le personnage de MUELI. Après la traversée du fleuve Zaïre lorsque le groupe BADJAG du Gabon pénétra dans la forêt en direction de la République Populaire du Congo, tous les clans désignèrent MUELl-MILENZI comme leur chef suprême et notamment sur le plan de la guerre. La tradition orale raconte que MUELI avait deux chefs adjoints à savoir NZAMBE-BIALE du clan NDINGUI et MULUNGUI MUTU-MALONGU du clan BUDJALA. Signalons qu'il existe une controverse au sujet du nombre exact des «MUELI». A en croire la tradition orale, il a existé deux «MUELl». Le grand fondateur du clan qu'on appelle MUELI-MILENZI DINGUNDU TADJI BANA SUNGU MANGUALA MUBONGU LELE BIKUTA.
On l'appelle aussi MUSSODJI-URU-NGUIDJI. NGUIDJI est certainement le nom du territoire d'origine de MUELI. La tradition orale parle aussi que MUELI vient des territoires appelés SIENGU NA MUBOGHE et MUKELI-BAPULI. Ces deux territoires sont situés certainement vers le Zaïre. Le deuxième MUELI c'est MUELI NGUELI, fils de NGUELI ILAHU. D'ailleurs on dit aussi que NGUELI ILAHU est du clan BUMUELI. Notons que le premier chef du clan BUMUELI arrivé dans la région de Tchibanga avant la pénétration européenne s'appelle N'GUIMBI-MAPINDI. On dit aussi que ce dernier. ( 791) s'était installé vers l'actuel aéroport de Tchibanga près du bosquet dénommé ITUGHE I  MURU MUTU. Je ne tenninerai pas l'histoire du clan BUMUELI sans parler de NGUIMBI-MUBUKAGHE MASSI. En effet NGUIMBI est un pygmée du clan BUMUELI ayant découvert le premier la mer de Mayumba. C'est pour cette raison que le clan BUMUELI notamment son sOUls-clan IMONDU commande l'embouchure de la lagune Banio.
____________________________________
Ce texte est extrait du livret de Biwawou bi Koumba Muetse intitulé Ethnologie, clans et histoire des peuples de la Ngounié - Nyanga - Ogooué - Lolo.

1.1.2. La migration Bumweli
 C'est à Mangeli et Ilohu que MUELI-BIALA, fondateur, héros et grand guide du clan, aidé des Babongu, principalement de SUMA -NA-MANGUALE décidèrent d'aller à la recherche de SIMBU (qui pour certains de nos informateurs est sa soeur et pour d'autres sa nièce) partie en mariage avec NDOMBI du clan Dibambe-Kadi. La tradition rapporte que SIMBU était partie avec son mari NDOMBI qui n'avait pas versé de dot à la famille de celle-ci mais l'enleva pour l'emmener sur un territoire où l'attendaient les membres de son clan. Il réussit à l'emmener en lui faisant la promesse de lui donner des terres que les membres de son clan avaient découvertes. Aussi, MUELI dont la soeur et plus vraisemblablement la nièce était partie, décida-t-il d'aller à sa recherche. Avec les membres de son clan, ils quittèrent Mangeli et Ilohu, parcoururent la savane se trouvant au nord de Ilohu et atteignirent deux villages: Ngali et Ituge habités par les membres du clan Dibambe-Kadi. ils s'arrêtèrent pour demander des nouvelles de NDOMBI et de SIMBU et s'assurer de la direction qu'ils avaient prise. Après quoi, ils reprirent leur chemin, pour ne s'arrêter qu'au-delà de la Ngongu sur un site que MUELI jugea favorable. Là, il fonda un village qu'il baptisa : Dusale et qu'il attribua à une branche de son clan: Cungi. Continuant sa progression vers le Nord, il parvint sur une colline non loin de laquelle coulait un ruisseau: le Muboti affluent de la Ngongu et là, trouva Nyali-matu. Il y laissa là certains membres de la branche de Mbancele ainsi que quelques membres du clan de l'une de ses' femmes: Jungu-pasi. Il apparaît dans les textes que les Dibambe-Kadi et les Bumueli se disputent les territoires de Nyali-matu et de Mujombi-Kambele, que nous verrons par ailleurs. Etant donné que les Dibamb~­ Kadi avaient été les premiers arrivés à Nyali-matu et qu'encore de nos jours, la zone du village qui se trouve être en plein territoire Dibambe-Kadi est reconnue être la propriété de ce dernier clan, ce qui n'est pas le cas de Mujombi, il semble que ce premier village
 _________________
1. Ce texte est tiré de la thèse de doctorat de 3e cycle de Monique Kournba Manfoumbi intitulée Les punu du Gabon. des origines à 1899: essai d'étude historique, pp. 79-83. 2.
Babongu ou barimb
3. SUME-NA-MANGUALE étant le premier entré en contact avec le clan Burnueli.
792

 (Nyali) appartenait aux DibambE et le second aux Bumueli. Ainsi, de Nyali-matu, MUELI qui, à Dibendu (un autre village Dibambe-Kadi) n'avait pas pu retrouver SIMBU, renonça à la poursuite de celle-ci et décida d'aller à la découverte des terres sur lesquelles il devait placer les siens. Ainsi parvient-il sur le territoire Bujale situé entre le Durembu et son affluent le Duvolu. Il traverse ce territoire et au-delà de celui-ci, fit bâtir des villages: Dubanyi-du-Ndolu, Mujombi-Kambele et Suangi, parvenant ainsi sur le Durembu. La tradition dit qu'il ordonna à ses Babongu de construire un radeau sur lequel il franchit le fleuve accompagné uniquement de ses éclaireurs. Ils explorèrent les environs occupés par une forêt épaisse, et n'appréciant pas ce milieu, ils revinrent sur leurs pas jusqu'aux derniers villages fondés. Là, ils retrouvèrent leurs compagnons, et ensemble, ils parcoururent une zone de savane dans laquelle Ngosi fut créé. De ce village, disent les traditionnistes, MUELI entreprit de nouveau de suivre les traces de SIMBU. Il franchit la Irungu et déboucha sur un site qu'il apprécia particulièrement. A cet endroit, il décida de faire une pause et ordonna, une fois de plus, à ses Babongu de bâtir des cases, un grand village vit le jour, c'est : Bonde. Ce fut, selon nos informateurs, le second grand village après Dusale. MUELI et les autres membres de son clan s'y fixèrent pendant bien longtemps jusqu'à ce que le chef de file, MUELI donc, animé par le désir de retrouver SIMBU décide de repartir, cette fois accompagné uniquement de ses Babongu. Mais avant de quitter le village, il en envoya quelques-uns en éclaireurs. Ceux-ci après avoir parcouru une étendue de savane où coulait le Durembu arrivèrent une fois de plus à ce même fleuve mais, cette fois, plus en aval. Ils le franchirent et, sur la rive droite, construisirent un campement. Ensuite, ils revinrent au village annoncer la bonne nouvelle à leur maître. Heureux, celui-ci quitta Bond~ y laissant toute sa famille, pour se rendre dans le «no man's land» situé sur la rive droite du Durembu. Selon certains informateurs, c'est non loin de leur campement qu'ils dénommèrent: Mukurn~ que MUEL! retrouva finalement SIMBU qui s'était imposée à ses beaux-parents en s'accaparant le territoire sur lequel son mari l'avait amenée. Ses retrouvailles mirent fm à la pérégrination de MUEL! qui retourna à Bond~, laissant ses Babongu au bon soin de celle qui devait plus tard poursuivre l'oeuvre de découverte et d'occupation de l'espace pour le clan.

1.2 Le récit migratoire du clan Ndingi 

 Comme pour un grand nombre de clans (Bujala, Mincumbe, Badumbi, Dijale, ete ... ), le courant migratoire Ndingi avait suivi plus ou moins le cours du Nyange et de ses affluents. Ainsi, partis du côté de Cangi vers le mont Mabande, les Ndingi traversèrent la 1. Ce texte est tiré de la thèse de doctorat de 3e cycle de Monique Koumba Manfoumbi, p. 96. 793 plaine de Maband~ ainsi que toute la région comprise entre le Dugenyi et la Duinyi, pour aller s'installer dans la plaine draînée par la Bandobe. Ils créèrent les villages : Dibumbe, Muhume et Poru. Progressant vers le nord, ils se heurtèrent aux Vungu vers la diboce. Ceux-ci leur barrèrent le chemin, ce qui entraîna un conflit. Ils s'affrontèrent près d'un étang qui, aujourd'hui encore, doit son nom à cette sanglante bataille: «Diange-dli malungû» (l'étang du sang) en souvenir du sang versé en ce lieu. Après quoi, les Ndingi rebroussèrent chemin devant la menace Vungu ; se contentant du territoire sur lequel ils avaient fondé les trois villages.


QUESTIONNAIRE' UTILISÉ POUR LA COMPARAISON DES ÉPOPÉES MVETT ET OLENDÉ DU GABON
1. Dénomination Comment l'oeuvre est-elle désignée? Si elle porte un nom, que signifie-t-il ?
 2. Taxinomie Quelle place la tradition lui assigne-t-elle dans l'ensemble des oeuvres?
 3. Fonction Quel rôle l'oeuvre joue-t-elle ?
 4. Caractères L'oeuvre est-elle considérée comme ayant un caractère sérieux ou amusant? Son expression est-elle figée ou libre ?
5. Situation de performance Qui est le narrateur de l'oeuvre ? Comment l'oeuvre est-elle narrée? Un accompagnement musical est-il obligatoire? A qui l'oeuvre est-elle destinée? Dans quelles circonstances l'oeuvre est-elle racontée?
 1. Ce questionnaire a été établi à partir des éléments proposés par Mufuta Kabemba pour comparer des oeuvres littéraires orales dans son article intitulé «Typologie comparée des oeuvres littéraires orales bantu de l'Afrique centrale et orientale», in Les Peuples bantu : migrations, expansion et identité culturelle, tome 2, pp. 369-370. 799

 LE CLASSEMENT DES GESTES
4.1. Par G. Calame-Griaule l

 A - Gestes descriptifs
 1) Gestes en rapport avec la position ou le déplacement dans l'espace.
a) Attitude ou prise d'attitude; mouvement sur place (se coucher, s'agenouiller, se soulever. .. ).
 b) Déplacement (départ, fuite, arrivée, course ... ).
c) Montée, descente.

2) Gestes techniques (au sens large). 
a) Actions diverses telles que couper, frapper, battre, sentir, ouvrir, fermer, verser. .. et les nuances diverses qu'elles impliquent (couper avec un couteau, à la hache, avec les dents, etc.).
b) Techniques du corps: marche, course, nage, lutte, danse, toilette, cosmétique ...
c) Techniques de consommation: boire, manger, goûter, faire goûter, allaiter...
d) Métiers et activités : forge, tissage, poterie, travail du cuir, chasse" pêche, agriculture, couture, filage, cuisine, commerce; médecine; musique; guerre ... (Comment donne-t-ill'illusion de l'outil ou de l'instrument ?).

3) Gestes évoquant des qualités
a) concrètes:
 - Forme: ronde, sphérique, en spirale, pointue ...
 - Dimensions: grandeur, petitesse, hauteur, largeur, longueur, profondeur, énormité, immensité ...
 - Distance: éloignement, rapprochement. ..
 - Lourdeur, légèreté.
 - Froid, chaud.
- Goût (salé, sucré, amer, bon, mauvais ... ).

 1. Ce classement des gestes est tiré de l'article de G. Calame-Griaule intitulé «Enquête sur le style oral des conteurs traditionnels», in Enquête et description des langues à tradition oraIe, tome 3, pp. 924-926. 800 b) abstraites:
- Beauté, laideur.
- Force, faiblesse, autorité, puissance.
- Sagesse, folie, entêtement.
 - Bonté, méchanceté, etc. Remarque
- On pensera à demander s'il y a des différences ou des variantes du geste selon le degré d'intensité du qualificatif employé: très grand, terriblement lourd ...

4) Gestes déictiques.
 - Celui-ci, celui-là-bas, les autres, celui qui est parti, etc.
- Nuances éventuelles: mépris, admiration, moquerie (cf. catégorie suivante).

 5) Attitudes psychologiques Nous classons ici cette catégorie de gestes, bien qu'ils aient aussi des rapports avec le deuxième groupe; ils sont «descriptifs» dans la mesure où ils visent à faire percevoir par l'auditoire dans quel état psychologique se trouvent les personnages. Notre liste n'est absolument pas exhaustive.
a) Joie, tristesse, amour, haine, dégoût, déception, souffrance.
 b) Admiration, mépris, approbation, réprobation.
 c) Impatience, colère, menace, moquerie, agressivité.
 d) Honte, regret, pudeur, coquetterie.
e) Ignorance, doute, incrédulité, indifférence, impuissance.
f) Fatigue, lassitude; faim, soif.
 g) Inquiétude, frayeur.
h) Humilité, imploration, demande de pardon.

Remarque - On notera le degré d'intensité des sentiments exprimés. On fera d'autre part la distinction entre les gestes selon qu'ils expriment une attitude psychologique donnée comme réelle ou feinte par le personnage du récit.

 6) Gestes personnalisant les protagonistes du récit.
 a) Déplacements, changements d'orientation montrant qu'on passe d'un personnage à un autre (dialogues) ; changement de ton, de registre, de timbre ...
 b) Gestes symboliques caractérisant un personnage par allusion à une particularité physique ou un trait de caractère. Ce geste peut à la limite faire comprendre sans qu'il soit nommé que ce personnage entre en scène. Peuvent être caractérisés ainsi des animaux, des personnages surnaturels, des héros comiques; etc.
 7) Gestes obscènes 801

B - Gestes sociaux 
1) Gestes éthologiques
a) Gestes de convenances.
b) Salutations, politesse, étiquette.
c) Affirmation, négation, interrogation.
2) Gestes en rapport avec les institutions a) religieuses: prière, conjuration, possession, malédiction, invocation ou évocation de personnages surnaturels, mort, funérailles ...
b) magie, sorcellerie.
c) juridiques: selment, ordalie, contrat, etc.

3) Gestes en rapport avec le déroulement du discours
 a) Gestes oratoires.
 b) Gestes phatiques.
 Gestes sans signification particulière mais accompagnant ou soulignant le discours, ravivant l'attention des auditeurs, etc. Ils peuvent avoir un caractère individuel, mais sont néanmoins en rapport avec le contexte culturel.
c) Immobilité, absence de gestes.
 L'absence voulue d'expressivité gestuelle peut avoir un caractère rituel; être une question de décence, etc. L'intensité expressive passe alors dans la voix. Remarque - On attachera une importance particulière à certains gestes sur lesquels repose toute la signification du conte, qui sans eux serait incompréhensible. Bien que de tels gestes puissent indifféremment appartenir à l'une ou l'autre de nos deux catégories, nous proposons de les appeler «gestes étiologiques» dans la mesure où ils sont donnés comme justification d'un épisode du récit ou d'une caractéristique d'un des personnages. Nous ne faisons pas de catégorie particulière pour les gestes comiques. Il semble en effet que tous les gestes signalés dans les catégories précédentes puissent prendre une signification comique en étant soit détournés de leur signification première (malentendu), soit amplifiés ou exagérés, soit répétés plusieurs fois, soit faits avec hésitation, etc. On pourra les étudier de ce point de vue, ce qui amènera à se demander s'il existe des gestes comiques en eux-mêmes.