alors /Mumbwalnge + celui-ci || vous /vous /faire /faire que # Mumbwange ||
12 Mumbwange, Mumbwange a résuki. Mumbwange
"Mumbwange PV sg. (1) ill nég. + prés. ?finir //
13 tena dufu Mumbwange résuke
jusqu'à /mort /Mumbwange /PV sg. (1) il 1nég. + fUL 1finir Il
14 - tsya mbolwanu
-aletene
15 Yike, vama banga bivunda, bam:ama
alors /là 1pas. loin. 1être 1PN pl. (8) + anciens Il PN cl. (2) + mamans //
16 ta tsiné bama:me ke ;
peut-être 1pas + même 1PN pl. (2) + mamans /même #
17 batu basusu.
PN pl. (2) + hommes 1PN pl. (2) + autres //
18 yike, murétu ,
alors 1PN sg. (1) + femme #
19 mangele amatebure,
saison sèche 1PV sg. (1) elle 1prés. ac. /commencer #
20 nane vave tuvu mu mangele,
comme /ici /nous être + prés. /dans /saison sèche #
21 mangele amatebura
saison sèche /PV sg. (1) elle /prés. ac. commencer #
22 bamerénewé mu bilatsi, mu bambô:yu
PV pl. (2) ils 1prés. ac. 1aller 1aller 1dans 1PN pl. (8) + sommeils Il dans 1PN pl. (2) + pêche
Transcription :
1 Donc, ce sont les Anciens qui ont transmis ce qui suit et non pas nous.
2 D'ailleurs moi, ces Anciens je ne les ai pas connus.
3 Ils sont nés bien avant nous; ils ont grandi
4 et ils ont mis au monde nos mamans.
5 Nos mamans, à leur tour, nous ont mis au monde.
6 Moi, je suis née à Moukaba Dissimou.
7 Je m'appelle Madjinou ma Kombila.
8 Je suis du clan Djoungou1.
9 Donc, le conte que voici, les Anciens le racontaient.
10 Et ces Anciens, mes aînés, l'avaient èux-mêmes reçu.
1. Il s'agit en fait d'un sous-clan. On distingue neuf clans qui sont: Badjengui [ba j ê:ngi], Badoumbi [badû:mb il, Boudjiala [bujya1e], Boumouéli [bumwei], Dibamba-Kadi [d i bâ:mb-kadil. Didjiaba [d i j Yabe], Dikanda [d i kâ:nde J, Minzoumba [m i ozû:mb~]et Ndingui [ndî:I]g i]. Ces clans sont subdivisés en sous-clans: ainsi Djoungou ou encore Bagodjou [baya ju] est, avec Simbou [s I:mbu], Polou [pô 1uJ, Ibassa [i bâ s e], Taba [t abe]..., un sous-clan de Boumouéli.
11 Vous qui parlez tant de Moumbouanga, sachez que
12 le Moumbouanga, le Moumbouanga ne finit jamais.
13 Jusqu'à la mort, le Moumbouanga ne finira pas.
14 - Me suivez-vous?
- OUI.
15 Donc, en ce temps-là, vivaient les Anciens, nos mamans;
16 peut-être, même pas encore nos mamans,
17 mais d'autres gens.
18 Il Yavait une femme.
19 C'était au début de la saison sèche,
20 comme maintenant
21 La saison sèche étant commencée,
22 les gens allèrent dormir en brousse dans les campements de pêche.
Dans ce chapitre consacré à l'épopée Mumbwanga proprement dite, je présenterai
d'abord un résumé de l’œuvre avant d'évoquer sa création et son caractère épique. Je
terminerai le chapitre par une comparaison entre l'épopée Mumbwanga et le schéma
épique proposé par Jan Devilles.
2. Le résumé de l’œuvre
Papa Nzambi et Maman Pungu mettent au monde une très belle fille. Ils l'appellent
Marundu. Le moment de son mariage arrive et de nombreux prétendants se présentent. Les
parents ne réclament pas de dot mais promettent de marier leur fille à celui qui soulèvera
le paquet de joncs qui est sorti du ventre de sa mère en même temps que Marundu. Ce
paquet est inexplicablement lourd. Tous les prétendants échouent excepté Diyéverekèsa. Ce monstre réussit à soulever le paquet de joncs. On lui remet sa femme et tous deux s'en vont au village du mari, là où se trouve l'arbre muteli en pays ngosi.
Maman Pungu tombe de nouveau enceinte. C'est une grossesse très difficile. On fait
venir les initiés du Bwiti et du Nyemba, les adeptes du Malamu et du Mukuji. Ils ne
peuvent rien pour elle. C est finalement Mwiri qui trouve le traitement et maman Pungu
se met à accoucher de nombreux enfants. Mumbwanga refuse de sortir par là où les
autres sont sortis. Il sort par l'oreille.
A peine né, Mumbwanga demande, avec insistance, à son père où se trouve sa soeur
Marundu. Après maintes hésitations, le père finit par dire ce qui s'est passé et ce qu'est
devenue sa soeur. Mumbwanga se prépare et se met en route pour rechercher Marundu. En chemin, il
rencontre de nombreux obstacles qu'il parvient à surmonter. Il arrive finalement à
l'endroit où se trouve sa soeur. Pour délivrer Marundu, Mumbwanga doit livrer un dur combat contre Diyéverekèsa.ll vainc son monstre de beau-frère et ramène sa soeur au village.
3. La création du Mumbwanga
Dans le Grand Larousse encyclopédique, il est écrit: «( ... ). On ne croit plus
aujourd'hui à l'existence d'épopées populaires spontanées et primitives, dans quelque
littérature que ce soit: toutes les épopées qui nous ont été transmises de la plus lointaine
antiquité supposent une élaboration littéraire, fût-elle orale, due à un travail personnel et
conscient de talents individuels»
1. Dans ce cas, qui a donc composé l'épopée
Mumbwanga?
a. L'auteur du Mumbwanga
Bien que certains auteurs d'épopées soient connus (deux d'entre eux sont d'ailleurs contestés), il convient de souligner que la plus grande partie des épopées que l'onrencontre dans le monde viennent d'auteurs anonymes. Lorsque l'on demande aux Bapunu le nom de celui qui a composé Mumbwanga, ils répondent tous invariablement: «baghulu bamasi:le musamu kughu bake bilime na bilime; mba jetu tukemewake»,
«Ce sont les ancêtres qui ont laissé l'épopée il y a des années; ensuite nous avons pris la relève».
Mumbwanga, comme les autres épopées orales, repose donc sur «une perpétuelle
recréation par une suite de poètes anonymes mais conscients et lucides de l’œuvre héritée
de la tradition »
3. Il ne s'agit bien sûr pas «de la composition plurale du poème oral par une légion populaire d'auteurs travaillant dans le même sens»
4. mais plutôt par un ancêtre, qui a exercé sa faculté créatrice et qui est resté inconnu puisque, comme l'a écrit R.M. Pidal, «(... ), il est dominé dans l'acte même de création poétique par un sentiment
commun à tous et parce qu'il ne crée que pour abandonner sa création aux chanteurs qui la répètent et la diffusent. Chaque récitant ne peut la répéter sans l'adapter à son mode personnel de sensibilité, de fantaisie et d'expression grâce à des variantes continuelles»!.Mumbwanga est donc «une épopée vivante» pour utiliser l'expression de René Louis. Celui-ci, cité par
1. Siciliano, écrit: «L'épopée vivante vit au jour le jour et se transmet de siècle en siècle, en passant tant qu'elle vit de chanteur en chanteur et d'auditoire en auditoire, en revêtant des formes nouvelles selon les époques qu'elle traverse, au gré surtout de la fantaisie des chanteurs». De par son caractère oral, Mumbwanga, épopée vivante, ressortit à la culture populaire punu. Le processus de popularisation de l'épopée Mumbwanga est un processus d'appropriation: le peuple punu a reçu d'un ancêtre, narrateur originel, une oeuvre qu'il a lui-même transmise. Ainsi, de génération en génération, des individus retenaient et propageaient oralement le récit dans lequel ils introduisaient des variantes. Ces narrateurs successifs font donc travailler leur mémoire.
Le récit de Mumbwanga est une épopée populaire, dont le fond est formé par la
tradition populaire, transformée par les narrateurs successifs d'après leurs talents
personnels et les circonstances d'improvisation. Dans quelles circonstances Mumbwanga a-t-il été compose?
b. Les circonstances de la création de l'épopée Mumbwanga
A la question de savoir dans quelles circonstances le récit de Mumbwanga a été
composé, certains de mes informateurs ont dit qu'ils n'en savaient rien; d'autres, comme
François Nzienguï, affirment que les anciens Bapunu récitaient Mumbwanga la veille
des initiations au Bwiti4 et lorsqu'ils devaient combattre les autres populations.
Bien que les circonstances de la composition du récit de Mumbwanga soient mal
connues et qu'il soit impossible de savoir si ce récit a servi d'exemple pour encourager
les candidats à l'initiation au Bwiti ou pour exciter les guerriers bapunu à des exploits, il
est possible que les refrains chantés lors du récit des combats dans l'épopée tels que:
l'épreuve du sacré, c'est-à-dire l'itinéraire fantasmatique parsemé d'embûches, le héros Mumbwanga
rencontre de nombreuses difficultés qu'il parvient à surmonter pour arrriver au Muteli et délivrer sa sœur Marundu des mains du monstre Diyéverekèsa
personnel de sensibilité, de fantaisie et d'expression grâce à des variantes continuelles»!.
Mumbwanga est donc «une épopée vivante» pour utiliser l'expression de René Louis.
Celui-ci, cité par 1. Siciliano, écrit: «L'épopée vivante vit au jour le jour et se transmet de
siècle en siècle, en passant tant qu'elle vit de chanteur en chanteur et d'auditoire en
auditoire, en revêtant des formes nouvelles selon les époques qu'elle traverse, au gré
surtout de la fantaisie des chanteurs»
2.De par son caractère oral, Mumbwanga, épopée vivante, ressortit à la culture populaire
punu. Le processus de popularisation de l'épopée Mumbwanga est un processus d'appropriation: le peuple punu a reçu d'un ancêtre, narrateur originel, une œuvre qu'il a lui-même transmise. Ainsi, de génération en génération, des individus retenaient et propageaient oralement le récit dans lequel ils introduisaient des variantes. Ces narrateurs successifs font donc travailler leur mémoire.Le récit de Mumbwanga est une épopée populaire, dont le fond est formé par la tradition populaire, transformée par les narrateurs successifs d'après leurs talents personnels et les circonstances d'improvisation. Dans quelles circonstances Mumbwanga a-t-il été composé?
Les personnages aient pu remplir cette fonction dans des combats réels. L'épopée, en effet, a été d'une grande importance dans les combats. Les exemples ne manquent pas pour le prouver.
A. De Roi écrit: «La tradition rapporte qu'avant la bataille d'Hastings, en 1066, un trouvère guerrier, Taillefer, entonna la Chanson de Roland parce que cet exemple héroïque devait enflammer les guerriers. Tel était également l'usage chez les Germains. Lors de la bataille de 378 contre les Romains, en Mousie, les Goths engagèrent la lutte en chantant la louange des ancêtres. Même coutume chez les Irlandais. L'aède accompagnait d'office son maître sur le champ de bataille; il marchait en tête de la troupe, vêtu d'une tunique blanche, portant la harpe brillante, entouré de musiciens».Il ajoute: «En dehors de la guerre, les chants épiques gardaient leur valeur et leur utilité pour la noblesse guerrière: ils accompagnaient les festins où leurs échosréjouissaient le coeur des hommes»,
2 .Actuellement, chez les Bapunu, comme on le verra plus loin, le récit de Mumbwanga est déclamé à l'occasion de certains événements pour servir de divertissement et de moyen d'éducation grâce au message moral qu'il véhicule. Il est bon de noter que chaque récitation de Mumbwanga constitue un fait unique qui ne se répète jamais de la même manière. On voit apparaître dans le récit des transformations dues aux ajouts ou aux omissions entraînant ainsi des versions différentes. Celles-ci sont normales puisque Mumbwanga se diffuse oralement. Mais, en dépit de ces variantes, on relève une certaine stabilité dans les thèmes du récit. Ceci m'amène donc à aborder la structure de Mumbwanga.
4. La structure de l'épopée Mumbwanga
L'épopée Mumbwanga est constituée de deux éléments: le récit proprement dit et les
digressions.
a. Le recit
Mumbwanga est un très long récit. D'ailleurs, les Bapunu eux-mêmes disent qu'il n'a
pas de fin. Bien que Mumbwanga soit un récit ad infinitum, une version ne peut être
considérée comme complète que si elle comporte les cinq grands épisodes suivants :
- la naissance de Marundu ;
- le mariage de Marundu avec Diyéverekèsa ;
- la naissance de Mumbwanga ;
-le combat entre Mumbwanga et Diyéverekèsa et la victoire de Mumbwanga ;
- le retour au village.
Les trois versions de mon corpus contiennent les cinq thèmes
1. De ce point de vue, elles sont identiques. Mais elles diffèrent au niveau des digressions.
b. Les digressions
Les digressions peuvent être soit des chants, soit de courts récits intercalés dans le corps du récit de Mumbwanga. Elles sont considérées comme des intermèdes qui permettent au narrateur de prendre haleine et de retrouver son inspiration.Les digressions n'ont pas un caractère obligatoire mais la coutume narrative punu les a prévues à cause de la longueur du récit. Leur utilisation est faite en fonction du narrateur :ainsi, dans la version Mu l, le narrateur, qui est une femme, introduit le récit de
Mumbwanga par des digressions. Pour elle, cette technique lui permet de maintenir soutenue l'attention de ses auditeurs. Le deuxième narrateur, celui de la version M, quant à lui, ne les utilise pas. Ils se contente de livrer le récit dans ses grandes lignes. Enfin, le troisième, celui de la version Mu2, utilise les digressions à l'intérieur du récit de Mumbwanga. Des trois, c'est le dernier récitateur qui présente l'épopée telle qu'elle devrait être présentée. Tous mes informateurs sont unanimes pour dire que les digressions sont à insérer dans le récit pour permettre au narrateur de faire des pauses. Il
est bien entendu que, dans ce cas, ce sont des auditeurs qui prennent le relais avec les digressions. La version Mu2 est, à ce titre, exemplaire. En effet, l'auditoire y intervient à plusieurs reprises puisque le narrateur, qui se dépense beaucoup intellectuellement et physiquement en déclamant le récit de Mumbwanga, fait de nombreuses pauses.
5. Le caractère épique de Mumbwanga
Dans le chapitre consacré à la définition de l'épopée, on a vu que, pour qu'un récit soit
considéré comme une épopée, il doit comporter les éléments suivants :
- le récit doit être une entreprise,
-l'entreprise doit être héroïque,
-l'entreprise doit être merveilleuse,
- l'entreprise doit concerner trois types d'actants.
Le récit de Mumbwanga, tel qu'il apparaît dans les trois versions, possède-t-il ces caractéristiques pour mériter d'être appelé épopée? Telle est la question à laquelle je vais répondre..
1. Ces versions sont d'inégale longueur. Mu2 est la version la plus longue et M la plus courte. La
version Mu l se rapproche plus de Mu2 que de M du point de vue de la longueur.
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tenter de répondre en abordant successivement les divers éléments qui définissent
l'épopée. 3.4.1. Le récit de Mumbwanga : une entreprise
Le récit de Mumbwanga ne relate pas une action mais une série d'actions qui
correspondent aux thèmes de l'oeuvre, à savoir:
- la naissance et le mariage de Marundu qui donnent lieu à cette entreprise ;
-la naissance du héros Mumbwanga qui va effectuer cette entreprise ;
-le voyage au terme duquel Mumbwanga arrive chez sa sœur;
-le combat avec Diyéverekèsa et la délivrance de Marundu ;
- le retour au village. 3.4.2. Mumbwanga : le récit d'une entreprise héroïque
En effet, lorsque l'on parcourt ce récit, on est frappé par la succession des faits héroïques réalisés par Mumbwanga lui-même dans les versions Mu 1 et M et par Mumbwanga et son frère Yikafi dans la version Mu2. Ainsi, les exploits suivants ont été
retenus dans les versions Mu 1 et M : 3.4.2.1. Pour Mumbwanga, le héros du récit 3.4.2.1.1. Dans la version Mul
a) Mumbwanga doit affronter les éléphants: «Tu trouveras des éléphants qui ont fini toute la nourriture. Mumbwanga s'en alla avec le vieux coutelas qui était sorti avec lui du ventre de sa mère. Il arrive là où se trouvaient les éléphants. Il se mit à chanter ( ... ). Il y avait autant d'éléphants qu'il y avait de doigts. Tous les éléphants moururent». (Mu!,
456-460).
b) Mumbwanga doit lutter avec un chasseur: «( ... ). Mumbwanga lui arracha l'antilope et la jeta. Le chasseur dit à Mumbwanga : "Comment? Ce gibier que j'ai eu tant de peine à tuer! Toi tu dis: "Je vais jeter ton gibier !" Qu'est-ce que c'est que ces façons ?" Ce jeune homme, qui était comme Moussavou Kombila, lui asséna un coupde poing. Son bras se cassa en mille morceaux.
"- Le bras de Mumbwanga ? demande un auditeur.
- Non, c'est celui de Moussavou Kombila qui s'est cassé", répond le:
narrateur.
Mumbwanga était là». (Mu!, 535-545)
c) Mumbwanga doit affronter un couple de vieux: «( ... ). Sur la berge opposée, se trouvaient un monsieur et une vieille dame. Mumbwanga se dit: "Le guérisseur m'a bien dit que je n'y arriverais pas. Que vais-je faire à présent? En tout cas, je ne ferai pas demi-tour". Il se mit à chanter (... ). C'est maintenant la lutte. Ils vont maintenant se battre. Ils s'empoignèrent». (Mu l, 600-605)
Dans cet épisode, Mumbwanga se montre courageux. Il ne veut pas fuir le combat. Il a le sens de l'honneur et ne veut pas être l'objet de railleries.
d) Mumbwanga doit surmonter l'obstacle du rocher: «Il marcha longtemps et arriva devant un rocher. Ce rocher touchait le ciel d'un côté et la terre de l'autre. Il regarda d'un côté pour se frayer un chemin, impossible. Il regarda de l'autre, impossible ausi. Il se demanda: "Que vais-je faire?" Il se mit aussitôt à chanter (... ). Mumbwanga se retrouva avec un très gros marteau. Dès qu'il cogna le rocher, celui-ci se brisa en petits morceaux.Mumbwanga passa». (Mul, 639-649)
e) Mumbwanga doit affronter un méchant chef de village: «Lorsqu'il (Mumbwanga) arriva à un autre village, le chef chanta (... ). Quand Mumbwanga essaya de passer de ce côté-ci, le chef lui dit: "Tu ne passeras pas". "Pourquoi me fais-tu cela? demanda Mumbwanga. Je ne fais que passer. Je ne t'ai pas provoqué". Il chanta ( ... ). Il donna des coups de poing aux hommes, attrapa les femmes par les jambes et les enferma. Il passa». (Mu l, 688-702)
f) Mumbwanga doit surmonter l'obstacle de la montagne qui l'empêche de poursuivre sa route: «Il marcha pendant longtemps. Il arriva et trouva une montagne qui touchait le ciel. "Comment vais-je faire avec cette montagne?" se demanda Mumbwanga. il se mit à chanter (... ). Dès qu'il enfonça les pelles, une route se trouva tracée. Il passa». (Mul,
703-711)
g) Mumbwanga doit combattre en duel le monstre Diyéverekèsa : «Mumbwanga semit à chanter (
). Il frappa Diyebula avec le vieux coutelas; il frappa Diyebula avec levieux coutelas (...), mais Diyebula ne veut pas mourir. Il l'attrape par le cou et le tord. Diyebula rend l'âme aussitôt. Mumbwanga le jeta à terre». (Mul, 860-869) 3.4.2.1.2. Dans la version M
a) Mumbwanga doit lutter contre les habitants d'un village: «( ... ). Des enfants, qui allaient jeter des ordures, le trouvèrent là. Ils s'en retournèrent dire aux grands qu'ils avaient trouvé sur le dépotoir une toute petite chose. "Prenez donc des bâtons et allez taper dessus", répondirent les grands. Les enfants y allèrent avec des bâtons. Dès qu'un enfant essayait de le frapper à l'aide de son bâton, il se retrouvait lui-même par terre. Ce fut dur pour eux. Ils allèrent appeler les grands. Ce fut la même chose avec les grands Mbwanga était là et chanta encore». (M, 207-218)
b) Mumbwanga doit lutter avec un chasseur: «( ... ). Mbwanga prit le gibier et le jeta.L'homme ne savait plus où son gibier était passé. "Puisque tu as jeté mon antilope, nous allons nous battre", menaça-t-il. "Viens donc, je t'attends", répondit Mbwanga. Ils étaient là. Ils s'affrontèrent (. .. ). Mbwanga plaqua le chasseur à terre, le frappa de son doigt et passa». (M, 247-258)
c) Mumbwanga doit affronter quatre jeunes filles: «(... ). Quatre jeunes filles arrivaient dans une pirogue en chantant. Lui était là (... ). Les jeunes filles chantaient (... ). Mbwanga leur répondit en chantant (... ). A peine avait-il esquissé une gifle que les filles se retrouvèrent dans l'eau. Il continua son chemin et arriva jusqu'au village de son beau-frère». (M, 261-276)
d) Mumbwanga doit engager un combat à mort contre son beau-frère: «"Marundu, Marundu, il y a ici une odeur humaine". "C'est ton beau-frère qui est arrivé", répondit la femme. "Beau-frère de merde", reprit le mari. Le beau-frère dit: "Qu'est-ce que c'est queça ? Il Ya donc de la merde ici?" Ils s'affrontèrent. Les deux beaux-frères s'affrontèrent (... ). Le neveu dit à son oncle: "Attrape-le par le dos pour qu'il devienne un anomalure".Dès qu'il prit son beau-frère par le dos, celui-ci se transforma en un animal volant qu'on appelle anomalure. Il alla se balancer contre un arbre et resta collé. Mbwanga alla voir sasoeur». (M, 293-305)
3.4.2.2. Pour Mumbwanga, le héros et son frère Yikafi
Leurs exploits figurent dans la version Mu2. 3.4.2.2.1. Ceux de Yikafi
a) Yikafi doit surmonter l'obstacle de l'étang: «Il arriva à un étang. Lorsque quelqu'un a uriné au milieu du chemin, un étang s'est formé comme d'ici à Tchibanga. Personne ne pouvait passer. Yikafi regarda d'un coté, impossible. Il regarda de l'autre, impossible. TI tente de traverser mais par où va-t-il traverser? Il se mit à chanter (... ). 11 jeta un coup d’œil et une pinasse se trouvait déjà dans l'eau. Dès que la pinasse s'arrêta, il monta dedans». (Mu2, 404-415)
b) Yikafi doit affronter des ogres: «Dès que la pinasse s'arrêta au bord de J'étang, Yikafi se trouva nez à nez avec des ogres. Il retint la pinasse et chanta (... ). Dès qu'il mit pied à terre, la lutte s'engagea avec les ogres». (Mu2, 419-426)
3.4.2.2.2 Ceux de Mumbwanga
a) Mumbwanga, appelé ici Mutubi, frappe un guérisseur: «Mutubi est toujours dans le ventre de sa mère. "Comment s'appelle ce guérisseur? Comment s'appelle ce guérisseur qui s'est livré à la divination", se demande-t-il. Il coupa une main et chanta ( ... ). Il lui donna une gifle et le guérisseur tomba. Les gens, qui étaient là, crièrent oh !»
(Mu2, 573-579)
b) Mumbwanga doit affronter les habitants du village dont le chef est le puissant Bukwenzi : «( ... ). "Ah! Nous avons appris hier que Nza Pungu a mis au monde un enfant avec de gros yeux. On a même dit qu'il est venu avec une très grande puissance. Vous les enfants qui le regardiez, qu'attendez-vous pour l'attraper ?" Les voilà sur lui. Mumbwanga se mit à chanter (... ). Il les brûla tous». (Mu2, 573-579)
c) Mumbwanga doit affronter les ogres: «Une fois parti, Mumbwanga arriva au village des ogres. Il chanta (... )>>. (Mu2, 658-660)
d) Mumbwanga doit lutter avec les arcs-en-ciel: «Il arriva au village des arcs-en-ciel. Il entendit Samu chanter (... )>>. (Mu2, 662-663)
e) Mumbwanga doit affronter les gens que Diyéverekèsa est allé chercher : «Diyéverekèsa alla chercher de nombreuses personnes avec des fusils dans d'autres pays. Mumbwanga se moquait de lui en disant: "Pitié pour lui. Que fait-il ainsi? Attends! Tu verras ça aujourd'hui ..." Tous ceux qu'on était allé chercher arrivèrent. Mumbwanga chanta ... Il les prit tous et les tua.» (Mu2, 721-749).
f) Mumbwanga va maintenant combattre en duel le monstre Diyéverekèsa : «( ... ). Il (Mumbwanga) entendit: "Yundu ! Yundu ! Qui est-ce avec de gros yeux?" Mutubi se dit: "Pourquoi parle-t-il ainsi? Qui insulte-t-il ?" ... La soeur s'apprêtait à remettre un siège à son frère afin qu'il s'asseye et donne des nouvelles, lorsque son mari vint en force. Il attrapa Mutubi, la femme et le neveu et les tua. Il les coupa en petits morceaux et dit: "C'est moi Diyéverekèsa. N'aie pas affaire à moi! Tu viens chez moi et tu fais ledur ! Vraiment !" ("Pauvre de toi", dit une auditrice). Tout le village était plein de sang.
Mutubi Nzambi réfléchit et dit: "Mieux vaut le sommeil que la mort". Il chanta: "Soeur aînée Marundu, réveille-toi! Taleli, réveille-toi !" ... Dès qu'il eut ressuscité sa soeur, celle-ci qui était enceinte, accoucha d'une fille appelée Bilombi ... Il ressuscita son neveu et se battit de nouveau avec son beau-frère. Mumbwanga tua Diyéverekèsa». (Mu2, 752-796)Comme on vient de le voir, tout l'itinéraire emprunté par Mumbwanga dans les versions Mu1 et M, et par Mumbwanga et son frère Yikafi dans la version Mu2, est parsemé d'obstacles que le héros doit surmonter l'un après l'autre avant de poursuivre son chemin. Chaque bataille livrée par Mumbwanga se termine par une victoire.
Mumbwanga apparaît ainsi comme ayant un grand courage et une force herculéenne. 3.4.3. Mumbwanga : le récit d'une entreprise merveilleuse
Le merveilleux est bien présent dans le récit de Mumbwanga. A. De Rop distingue
deux types de merveilleux: le merveilleux de croyance et le merveilleux d'imaginailion 1.
3.4.3.1. Le merveilleux de croyance
Ce merveilleux s'appuie sur la croyance des Bapunu aux pratiques magiques et aux
esprits. Il s'agit ici de l'intervention des forces surnaturelles par le moyen des songes ou
par quelque prodige étonnant.
3.4.3.1.1. Les esprits
Seul un génie apparÎt en songe une fois: «Oc bon matin, un génie vint lui parler».
(Mul,83)
3.4.3.1.2. Les pratiques magiques
a) dans la version Mu l
- «( ... ). Le sanglier se saisit du paquet de joncs. Il n'arrive pas à le soulever. Les joncs paraissaient comme enfoncés dans le sol. Le sanglier se cassa la jambe». (Mu l,249-252)
- «( ...) Eux qui marchaient sur la route, se retrouvent tout à coup en forêt. Ils marchent le long de la forêt. Les chaussures du mari devinrent de contreforts d'arbres, le chapeau du mari devint une fleur en chatons de parasolier et les habits du mari devinrent les feuilles sèches de bananier». (Mul, 291-296)
- Marundu fait griller des bananes par une simple incantation lJ gal u : «"Donne-moi à
manger". Marundu se dit: "Ah! Maman Pungu ! Papa Nzambi ! Qu'y a-t-il donc? Comment vais-je régler ce problème? Abracadabra! Je voudrais que les bananes soient déjà grillées !" Un régime de bananes long d'ici à là-bas apparut. Marundu appela l'esclave qu'on lui avait donné et lui dit: "Prends ces bananes et va les donner à ton beau-frère"». (Mul, 306-314)
- Diyéverekèsa ouvre la porte de la chambre de Marundu avec le doigt: «( ...).
"Marundu ! Ouvre la porte !" ordonna le mari. Marundu répliqua: "Tu veux que j'ouvre
la porte? Pourquoi ouvrirais-je la porte? Depuis que je suis ici, cela fait un an, nous ne
nous connaissons pas. Pourquoi es-tu venu aujourd'hui ?" Dès qu'il plaça son doigt
comme ça, la porte s'ouvrit. Il entra donc». (Mul, 350-359)
1. A. De Rop, Lianja, l'épopée des M:J ng:J, p. 25.
- Mumbwanga se métamorphose: «( ... ). Silence de mort. Un infirme arriva. Il n'avait ni bras ni jambes, seulement la tête. Quand Mumbwanga arriva à l'entrée du village, il était comme ce jeune homme qui vient de partir ce soir. .. Mumbwanga se dit: "Il ya donc des gens !" Il rebroussa chemin. Il redevint un petit bout d'homme». (Mu1,553-566)
- Il est impossible de sortir d'une maison dont la porte est grand'ouverte : «( ... ) Il choisit quatre jeunes filles qui lui plaisaient et les plaça dans une maison. Cette maison n'était pas fermée. Elle était grand 'ouverte. Mais personne ne put en sortir». (Mu1, 581-585)
- Mumbwanga ressuscite grâce aux médicaments envoyés par le guérisseur: «La
vieille entra dans sa maison, prit un balai et frappa Mumbwanga aux yeux. Mumbwanga
tomba raide mort. Il était là étendu. Son corps était plein de mouches bleues et d'asticots.
Le guérisseur, qu'il avait laissé au village, savait déjà ce qui était arrivé. Il se mit à chanter: ( ... ). Pendant que le guélisseur chantait ainsi, les médicaments étaient envoyés à Mumbwanga. Ils arrivèrent auprès de lui. Mumbwanga ressuscita aussitôt». (Mu 1,609-621)
- Plusieurs séances de divination sont organisées. Je ne retiendrai, à titre d'exemple, que celle-ci: «( ... ). "Dis-moi comment y arriver !" Le devin-guérisseur va maintenant pratiquer la divination pour Mumbwanga (... ). "Je n'ai rien compris à cette divination, je m'en vais"». (Mul, 717-727)
- Mumbwanga ressuscite grâce à une poudre enchantée: «Lorsqu'il (Mumbwanga)
entra dans le mbanja, il brisa la pierre. Celle-ci le bloqua à l'intérieur. Il ne pouvait plus
sortir. Il était maintenant coincé sous la pierre. Papa Lenda dit : "Bilombi, fais de la
poudre de padouk ! Oncle Mbwanga est mort". Papa Lenda chanta: ( ... ). Bilombi se mit
à chanter à son tour: ( ... ). Il fit de petites assiettes avec des feuilles fraîches. Il mit la
poudre de padouk dans ces feuilles et l'envoya dans le mbanja.La pierre se fendit en
deux. Mumbwanga sortit». (Mul, 820-839)
b) dans la version M
- Plusieurs fois, cette version mentionne plusieurs séances de divination. Les
guérisseurs examinent la malade pour déterminer la maladie et le traitement: «Douze mois
passèrent. La femme n'accoucha pas. Le mari prit peur et se dit : "Que se passe-t-il
donc? Il n'est jamais rien arrivé de pareil à mon épouse !" Il fit appel aux guérisseurs en
leur disant: "Venez chez moi voir ce qui se passe"». (M, 27-32)
- «( ... ). C'est du mensonge, dit le père, vous ne connaissez rien à la divination». (M,
66)
- «( ... ). Mbwanga dit à Terengiji : "Fais la divination pour moi. Je vais aller au pays
ngosi, sur les traces de notre soeur. Dis-moi sij'y arriverai ou non"». (M, 175-176)
- Mbwanga ressuscite: «Une certaine femme qui était là, prit une corbeille et le frappa
avec. Mbwanga mourut. Le vieillard dit : "Voilà, je t'ai tué". Quelques instants après,
Mbwanga ressuscita et chanta.. ,». (M, 227-232)
c) dans la version Mu2
- Cette version, comme la version M, mentionne plusieurs séances de divinaüon. Je
ne citerai ici qu'un exemple pour illustrer mon propos: «(, .. ). Elle tomba enceinte. Il y
eut des menaces d'avortement. Le mari se dit: "Qu'y a-t-il? Pourquoi ces menaces
d'avortement?" Il se mit à trembler en se disant: "Ma femme est enceinte. Pourquoi donc
ces menaces d'avortement? Comment verrai-je cela ?" Il se leva et alla trouver les initiés
du Bwiti. Il leur dit: "Allons chez moi. J'ai un malade". Les initiés du Bwiti aITivèrent.
Ils allumèrent des torches et plirent des tambours». (Mu2, 33-61)
- La tortue n'arTive pas à soulever un petit paquet de joncs: «La tortue dit: "Oh! Ces
petits joncs! Elle passa pour soulever. Elle se mil à chanter (... ). Elle se cassa la jambe».
(Mu2,229-233)
- Yikafi traverse l'étang grâce à une pinasse qu'il a fait venir par sa chanson: «Il
arriva devant un étang. Personne ne pouvait passer (. .. ). Il se mit à chanter: "Ma
machine à moteur" (... ). Il jeta un coup d'oeil. Une pinasse se trouvait déjà à l'eau. Dès
que la pinasse s'arrêta, il monta». (Mu2, 404-415)
- Mumbwanga ne retrouve plus son chemin: «Il arriva au pied du Copaifera et ne
trouva pas le chemin. Il chanta: "Je ne cherche que le chemin .. ,". Le chemin s'est perdu.
Il chanta: "Je vais seulement dormir...". Lorsqu'il ouvrit les yeux, le chemin se trouva
sur le Copaifera». (Mu2, 668-674) Grâce à une intervention surnaturelle, Mumbwanga retrouve son chemin. 3.4.3.2. Le merveilleux d'imagination
Ce merveilleux met en œuvre des interventions de caractère purement profane: 1. Il se
rencontre aussi dans les trois versions de l'épopée Mumbwanga. 3.4.3.2.1. Dans la version Mul
- Diyebula Kasa ouvre la porte avec un doigt: «"Marundu ! Ouvre la porte [" ordonna
le mari, Marundu répliqua: "Tu veux que j'ouvre la porte? Pourquoi ouvrirais-je la
porte? Depuis que je suis ici, cela fait un an, nous ne nous connaissons pas. Pourquoi
1. A. De Rop, Lianja, l'épopée des M:Jng:J, p. 25.
699
es-tu venu aujourd'hui ?" Dès qu'il plaça son doigt comme ça, la porte s'ouvrit. Il entra
donc». (Mul, 350-359)
- Des animaux sont chargés d'empêcher Mumbwanga et sa soeur de rentrer chez eux:
«La tortue dit à Mumbwanga: "Avant de passer, tu dois présenter un laissez-passer".
Mumbwanga dit: "Pardon ?" La tortue reprit: "Tu dois présenter un laissez-passer avant
de passer par ici". Mumbwanga dit : "Je ne comprends pas". La tortue répéta: "Tu dois
d'abord présenter un laissez-passer". Mumbwanga chanta: "Eh oui! J'irai 1. .. ". Et il lui
marcha sur une patte. La tortue s'affaissa aussitôt». (Mu 1, 881-890)
«Ils arrivèrent à un endroit où ils trouvèrent un éléphant en train de manger de
mauvaises choses. L'éléphant leur dit: "Vous ne passerez pas par ici". Mumbwanga
monta sur l'éléphant en chantant: "Eh oui! J'irai 1. ..". L'éléphant l'emmena faire un tour
comme d'ici jusqu'en France. Mumbwanga était toujours sur l'éléphant. Celui-ci le ramena (... ). "Allons-y", dit-il à sa soeur». (Mul, 896-910)
3.4.3.2.2. Dans la version M
- Par le simple geste d'un de ses doigts, Mbwanga transforme la tête de son père :
«(. .. ). Il pointa son doigt vers son père. La nuque du père prit la place du visage et le
visage celle de la nuque.» (M, 157-158)
- Par le simple geste de la main, Mbwanga envoie quatre jeunes filles dans l'eau:
«( ... ). Quatre jeunes filles arrivaient en ramant et en chantant. Elles ramaient et
chantaient. Mbwanga était là comme s'il ne les entendait pas. Les jeunes filles chantaient:
"Fais-le mien 1. ..". Mbwanga leur répondit en chantant: "Ah! C'est le pays de papa !...".
A peine avait-il esquissé une git1e que les filles se retrouvèrent dans l'eau». (M, 261-274)
3.4.3.2.3. Dans la version Mu2
- Par le simple geste de la main, Mutubi donne des gifles: «Mutubi était toujours
dans le ventre de sa mère (. .. ). Il coupa une main et chanta: "Sors dehors 1. ..". Il le
gifla. Le guérisseur se retrouva à terre. Les gens qui étaient là crièrent de surprise».
(Mu2,467-475)
- Un rat vient en aide à Mumbwanga en lui montrant le chemin qu'il avait perdu:
«( ... ). En arrivant là, le chemin se perdit. Il jeta un coup d'oeil et aperçut un rat. Il
entendit le rat chanter: "Mutubi, bonjour! ...". Il mit sa main dans sa poche et en sortit un
morceau de tubercule de manioc et le remit au rat Le rat prit le morceau de tubercule de
manioc et dit à Mumbwanga: "Voilà! Passe !" Mumbwanga regarda et vit un chemin tout
tracé». (Mu2, 641-653)
700
3.4.4. Mumbwanga : un récit à trois types d'actants
Dans le récit de Mumbwanga, on distingue trois types de personnages qUI
appartiennent à deux camps opposés: celui de l'entreprise et de l'opposition.
Toute entreprise dépend du héros. Il s'agit ici de Mumbwanga qui représente le
premier type de personnage.
Le deuxième type est représenté par les alliés du héros qui lui sont évidemment
subordonnés. Il s'agit de son frère Yikafi et du rat dans la version Mu2. Ces alliés sont
des personnages d'importance inégale. Yikafi fait parler de lui grâce à certains exploits
qu'il a réalisés dans le cadre de l'entreprise. Les autres frères de Mumbwanga sont juste
cités.
En face du héros, il y a le représentant du camp adverse symbolisé par Diyéverekèsa.
C'est le principal opposant, celui avec qui le héros Mumbwanga a un duel à mort. Les
personnages du camp opposé constituent le troisième type.
3.5. La comparaison du récit de Mumbwanga avec le schéma épique
De nombreux auteurs ont proposé des schémas épiques en relevant, dans les épopées
les plus connues, des thèmes analogues ou identiques. C'est ainsi qu'on y rencontre, à
titre d'exemple, la naissance du héros par voie non naturelle et le combat avec un
monstre.
C'est avec le schéma épique élaboré par J. De Vries 1 que je comparerai l'épopée
Mumbwanga. Il s'agira donc de mettre en parallèle le récit de Mumbwanga avec les
thèmes contenus dans le schéma épique.
3.5.1. La naissance extraordinaire du héros
Comme Dyonisos qui naît de la cuisse de Zeus ou Athéna de la tête du même Zeus,
Mumbwanga naît par l'oreille de sa mère Maman Pungu dans les versions Mu1 et Met
par le genou dans la version Mu2 :
- «Mumbwanga dit : "Maman, montre-moi par où je vais sortir". La mère lui
répondit: "Comment? Sors par là où les autres sont sortis !" Mumbwanga était toujours
dans le ventre de sa mère quand il se mit à chanter: " ...". Mumbwanga dit : "Je ne
sortirai pas par le bas. C'est sale en bas. Maman, montre-moi par où je vais sortir". La
mère répondit: "Si tu veux, sors par le genou ou par le sein, ou bien par la bouche, ou
par le nez, ou par l'oreille. Sors par où tu voudras". il sortit par l'oreille». (Mu 1, 413-
427)
1. M.L. Ténèse cite les motifs de Jan De Vries dans «Du conte merveilleux», in Approches de nos traditions orales, p. 47.
701
- Mbwanga parle dans le sein de sa mère: «Je refuse de sortir par là où les autres sont
sortis". "Je refuse de sortir par là où les autres sont sortis parce que cet endroit est
mouillé", pousuit-il. La mère eut encore des douleurs. Les douleurs s'estompèrent.
Mbwanga sortit par l'oreille et alla tomber un peu plus loin». (M, 109-114)
- Mumbwanga chante dans le sein de sa mère: «Il se cramponna dans le ventre de sa
mère et chanta: "Je couperai! Je couperai 1. .. ". Il sortit de nouveau de son refuge et
chanta: "Je vais bientôt sortir! Je sortirai par le bas! En bas c'est étroit! Je sortirai par
l'oreille! L'oreille est étroite! Comment vais-je faire?" Il retrouva de nouveau son siège.
Il est toujours dans le ventre de sa mère (... ). La mère prit les mélanges d'aromates et les
cracha sur elle. L'eau sortit. Mumbwanga sortit par le genou. Un oeil gros comme ça.
Une taille petite comme ça». (Mu2, 485-512)
3.5.2. La croissance du héros
Très tôt, le héros révèle sa force et son courage. Ainsi Apollon, encore jeune, tue le
dragon Python. Vali, le dieu nordique, âgé d'une nuit, venge Balder.
A peine né, Mumbwanga demande à son père sa généalogie et veut aller à la recherche
de sa soeur Marundu.
- «Dès qu'il sortit, il gifla son père et lui demanda sa généalogie. Le père répondit:
"Quelle généalogie veux-tu que je te dise à toi qui viens juste de naître? Quel genre de
généalogie?" Mumbwanga rétorqua: "Indique-moi ma généalogie". Cette femme, quand
elle accouchait, mettait au monde une fille, puis un garçon. Chaque garçon naissait avec
sa soeur. Le nombre de garçons correspondait au nombre de filles. Mumbwanga naquit
tout seul. Il n'avait pas de soeur. Sa soeur était née bien avant lui. Il s'agit de Marundu,
celle que Diyébula Kasa a épousée. C'est pourquoi il demandait à son père de lui dire sa
généalogie (... ). Le guérisseur qui avait examiné la mère quand elle était enceinte, était
toujours là. Il était à l'autre bout du village. On dit: "Allez le chercher !" Le guérisseur
arriva et se mit à chanter: " ... ". Mumbwanga dit: "J'aniverai là-bas coûte que coûte. li
me faut à tout prix partir"». (Mul, 431-508)
- «Alors Mbwanga décida d'aller demander à sa mère et à son père la généalogie. Il
s'en alla donc et trouva sa mère et son père :
- "Vous qui nous avez mis au monde, n'avez-vous pas eu d'autre enfant?",
demanda Mbwanga.
- "Non, nous vous avons eus tout de suite et nous n'avons pas eu d'autre enfant
auparavant", répondit le père.
Mbwanga pointa son doigt vers son père. La nuque du père prit la place du visage et le
visage celle de la nuque. Comme il s'en allait, sa mère l'appela: "Viens donc ici !" Elle lui dit : "Nous avions déjà eu une première fille et elle se nommait Marundu ma De Nzambi. Elle a été épousée par un homme, il y a longtemps, et nous n'en savons plus rien. Nous ne savons pas si elle est morte ou vivante". Mbwanga dit: "C'est ma mère quisavait". (. .. ). Il s'en alla, chez un de ses frères. C'était le membre de la famille qui était guérisseur. Il s'appelait Terengiji. Mbwanga dit à Terengiji : "Fais la divination pour moi.
Je vais aller au pays Ngosi, sur les traces de notre soeur. Dis-moi si j'y arriverai ou non".
Terengiji l'écouta, alla chercher son paquet-fétiche et revint. Il se mit à chanter (... ).
Terengiji termina sa consultation. Mbwanga entra dans la maison, fit ses bagages et s'en
alla. Il se mit en route». (M, 152-188)
- «"Je veux suivre ma soeur là où elle est allée. Indique-moi le chemin ... ".
Mumbwanga dit: "Le grand frère Yikafi est revenu, il a fui. Mais moi, j'arriverai là où
ma soeur aînée Mamndu est allée. Je veux rencontrer Diyéverekèsa". Il alla dormir dans
sa maison. Très tôt le matin, il se leva et se mit en route». (Mu2, 608-618)
3.5.3. L'invulnérabilité du héros
Achille, le héros grec, ne peut être touché qu'au talon. Siegfried, le héros germanique,
est protégé par une peau cornée.
Mumbwanga ne jouit pas d'une invulnérabilité proprement dite. Mais, durant tout le
voyage au bout duquel il délivrera sa soeur Marundu des mains du monstre
Diyéverekèsa, Mumbwanga, qui doit lutter contre de nombreux ennemis et affronter de
nombreux obstacles, dispose d'une amulette et d'un objet magique pour sa protection. Il
a des paroles magiques et des chansons magiques qui l'aident à se sortir d'un mauvais
pas. Il reçoit des médicaments et de la poudre enchantés et bénéficie de l'intervention
surnaturelle spontanée pour sa résurrection.
3.5.3.1. Mumbwanga dispose de protections
- «( ... ). Il plaça sous sa peau une amulette. Il prit un objet magique et le porta».
(Mu2,623-624)
3.5.3.2. Mumbwanga a des chansons et des paroles magiques
3.5.3.2.1. Les paroles magiques
- «( ... ) et dit: "Maman Pungu ! Papa Nzambi ! Depuis que je suis parti très tôt ce
matin, je n'ai rien mangé! J'ai envie de manger maintenant". Une table apparut aussitôt».
(Mul,622-625)
- «(... ). Il attrapa Mutubi, il attrapa la femme, il attrapa le neveu. Il les tua. Il les
coupa en tout petits morceaux (... ). Tout le village était plein de sang. Mutubi Nzarnbi
réfléchit et dit: "Mieux vaut dormir que mourir"». (Mu2, 772-777)
3.5.3.2.2. Les chansons magiques
Les versions de Mumbwanga comportent de nombreuses chansons. Je n'en retiendrai
que quatre extraits à titre d'illustration:
- «( ... ). Il arriva et trouva une montagne qui touchait le ciel. "Comment vais-je faire
avec cette montagne?" se demanda Mumbwanga. Il se mit à chanter:
* Eh oui ! J'irai !
* Mbwanga!
* Ah ! J'irai!
* Mbwanga!
* Je passerai la montagne!
* Mbwanga!
Dès qu'il enfonça les pelles, une route se trouva tracée. Il passa». (Mul, 704-711)
- «( ... ). La tortue répéta : "Tu dois d'abord présenter un laissez-passer".
Mumbwanga chanta :
* Eh oui! J'irai!
* Mbwanga !
* Eh oui! J'irai!
* Mbwanga!
* Ah ! Je passerai!
* Mbwanga!
Et il lui marcha sur une patte. La tortue s'affaissa aussitôt.» (Mu l, 886-890).
- «( ... ). Le chemin est perdu. Il chanta: "Je dormirai seulement 1. ..". Il jeta un coup
d'oeil et vit le chemin qui montait sur le Copaifera». (Mu2, 671-674)
- «( ... ). Il chanta:
* Soeur aînée Marundu, relève-toi!
* Mbwanga!
* Soeur aînée Marundu, relève-toi!
* Mbwanga !...
Dès qu'il releva sa soeur, celle-ci, qui était enceinte, accoucha de Bilombi». (Mu2,
778-781)
3.5.3.3. L'intervention surnaturelle spontanée
Quand Mumbwanga meurt, il revient à la vie grâce à une intervention surnaturelle spontanée: «Une certaine femme, qui était là, prit une corbeille et le frappa avec. Mbwanga mourut. Le vieillard dit: "Voilà, je t'ai tué". Quelques instants après,Mbwanga ressuscita». (M, 227-232)
3.5.3.4. Les médicaments et la poudre enchantés
Lorsque Mumbwanga est tué, il ressuscite grâce à des médicaments et à une poudre
enchantés qui lui sont envoyés et qui lui parviennent:
- «Mumbwanga tomba raide mort. Il était là étendu. Son corps était plein de mouches
bleues et d'asticots. Le guérisseur, qu'il avait laissé au village, savait déjà ce qui était
arrivé. Il se mit à chanter: (000)' Pendant que le guérisseur chantait ainsi, les médicaments
étaient envoyés à Mumbwanga. Ils arrivèrent auprès de lui. Mumbwanga ressuscita
aussitôt»0 (Mul, 612-621)
- «(
). Papa Lenda dit: "Bilombi, fais de la poudre de padouk ! Oncle Mbwanga est
mort" (
). Il fit de petites assiettes avec des feuilles fraîches. Il mit la poudre de padouk
dans ces feuilles et l'envoya dans le mbanja. La pierre se fendit en deux. Mumbwanga
sortit». (Mul, 826-839)
3.5.4. La lutte contre un monstre
La lutte contre un monstre ou un dragon constitue un des thèmes les plus fréquemment
rencontrés dans les épopées. En effet, de nombreux héros sont connus pour leur lutte
contre le dragon. Parmi eux on peut citer Apollon, héros grec, qui vainc le dragon
Python, Siegfried, héros germanique, qui combat le dragon, et Persée, qui vainc la
Méduse.
Mumbwanga livre un combat au monstre Diyéverekèsa, son beau-frère.
- «( ... ). Les deux beaux-frères s'affrontèrent (.0')' Le neveu dit : "Attrape-le par le
dos pour qu'il devienne un anomalure". Dès qu'il prit son beau-frère par le dos, celui-ci
se transforma en un animal volant qu'on appelle anomalure. Il alla se balancer contre un
arbre et resta collé». (M, 298-304)
- «A peine étaient-ils allés d'ici à là-bas, que Diyébula arriva en disant: "C'est moi
Diyébula Kasa. Tu as aimé Diyébula Kasa, il faut maintenant rester avec lui". D'un coup
d'aile, il est à Lambaréné. D'un coup d'aile, il est à Port-Gentil. Mumbwanga le regardait
avec attention en se demandant: "Que fait-il ainsi?" TI sautait par-ci, il sautait par-là, il
sautait partout. Mumbwanga se mit à chanter: "Eh oui! J'irai! ... J'ai agité le poing ... Je
frapperai avec un vieux coutelas 1. .. ". Il frappa Diyébula avec le vieux coutelas mais
Diyébula ne veut pas mourir. Il l'attrape par le cou et le tord. Diyébula rend l'âme
aussitôt». (Mul, 853-868)
- «( ... ). Son beau-frère et lui s'affrontèrent de nouveau. Mumbwanga tua
Diyéverekèsa». (Mu2, 795-796)
705 3.6. Conclusion
Au tenne de la confrontation du récit de Mumbwanga avec le schéma épique de J. De Vries, on constate que plusieurs thèmes communs aux épopées se rencontrent dans ce récit. On peut donc considérer Mumbwanga comme étant un récit épique.
706
Mumbwanga raconte l'histoire d'un héros extraordinaire, héros éponyme allant à la recherche de sa sœur Maroundou ma de Nzambi, mariée à Dybourou Kasse le monstre. Après une longue pérégrination à la quête de sa sœur, après des combats dont il sort toujours victorieux. Mumbwanga ramène sa sœur au village à la grande joie de ses parents.
Critique
Le nouveau texte épique vient enrichir la bibliographie déjà abondante du genre dans la littérature gabonaise après le mvet de Tsira Ndong Ntoutoume, Olende de J.P Leyimangoye, Olende d'Okoumba Nkoghé, et Mulombi de V.P Nyonda.Le texte relate de manière implicite les rapports interhumains et le fondement matrilinéaire chez les punu du Sud du Gabon. Kwenzi Mickala a su rendre dans une langue simple l'oralisation du texte originel en reformulant de manière habile dans sa traduction la mise en scène du performeur de la parole, les chants, les répétitions, l'action dialoguée et les répons traditionnels.Dans le but de préserver notre mémoire collectivective, s'il vous plait envoyez nous par émail les textes que vous aviez. Merci pour votre collaboration. Monsard Siegu.
Ainsi le Mumbwanga procède de digression en digression, littéralement de fourche en fourche (dipaku) Kwenzi mikala 1997. Si bien qu’il est réputé ne jamais finir : « jusqu’a la mort le Mubwanga ne finira jamais >>. Le conteur s’arrête avec le chant du coq le matin (la récitation est toujours nocturne). Sans avoir véritablement achevé son histoire a tiroirs. Le terme de récitation es donc en même temps une promesse puisque les raisons circonstancielles d sont extérieures a la logique interne du récit je m’arrête là, mais le Mumbwanga ne finira pas>>. Julien Bonhomme .