Feb 17, 2022

Bukanga

1.1.3.Bukanga. Du fait de la pénétration européenne dans les terres dans cette région du Gabon, des rapports de type Bukanga se développent. Chez les punu, le bukanga caractérise des relations de type commercial fondées sur la confiance et garantissant le bon déroulement du commerce. Cette forme de relation faisait du Mukanga, un partenaire commercial. Selon nos informateurs328, l’expression est aujourd’hui plus employée pour désigner la relation entre le chasseur et son accompagnateur ou partenaire de chasse. Ce qui est en réalité son explication originelle: «On dit Mukanga pandi pour désigner celui qui accompagne le chasseur. Il porte les munitions, transporte le fruit de la chasse, mais aussi, celui qui surveille les arrières du chasseur, et assure le lien entre le chasseur et les autres chasseurs, ou encore avec le village»329. Pandien effet est le manche de la lance. Mukanga pandi est donc perçu comme le bras du chasseur. Tous les explorateurs du XIXe siècle s’accordent à diviser lespeuples qui participent à la traite en trois groupes: Il y a ceux qui,immédiatement en contact avec les marchands européens sur les côtes du Loango dans le Fernan-Vaz ou dans l’estuaire du Gabon, détenaient le monopole des échanges avec les maisons de commerce. Parmi eux, il faut citer les Mpongwè, les Nkomi, les Orungu, les Lumbu et les Vili. Derrière eux, dans l’intérieur se trouvent les peuples commerçants dont la principale activité était l’échange et le transport des produits et des marchandises. Entre la côte et les producteurs, il y avait généralement plusieurs populations de commerçants qui se relayaient les unes les autres sur des territoires bien délimités; c’est le cas sur l’Ogooué des Inenga,des Galoa,des Okända,etdes Aduma, ainsi quedans les pays de la Nyanga et du Niari des Punu. Les peuples de l’intérieur se trouvaient à l’aboutissement des chaînes d’échange. Ils alimentaient en hommes et en produits, c’est le cas des Nzabi, des Teke, Tsaayi et de la plupart des groupes Kota ouvoisinsdes Kota Obamba Wumbu Ndasa. (Dupré, 1972: 616-658).328Bussamba Félix, 55 ans, fonctionnaire, punu, clan Bujala, entretien du 02 juillet 2009, Libreville; Mbadinga Brice Nicolas, 40 ans, clans Bumueli et Bujala, fonctionnaire, village Moukoualou, juin 2010329Mbadinga Brice Nicolas, op cit.
353Enrelisant les récits des explorateurs relayés par quelques rares auteurs traitant des relations entre les punu du Gabon et les communautés environnantes, il apparait donc que les punu entretenaient des relations commerciales avec les autres groupes ethniques. Du nord-est au sud-est, les punu étaient en contact avec d’autres groupes (Apinji, Tsogo, Sangu, Nzebi, Wumbu, Akélé et Tsangi). Leur positionnement entre la côte et la forêt profonde leur valaitd’être au centre de divers courants d’échanges qui existaient entre les Lumbu,directement en contact avec les marchands européens sur la côte,et détenant le monopole des échanges avec les maisons de commerce et les divers partenaires de l’intérieur dontles Nzebi, Varama ou Gisir qui alimentaient ces échanges en produits et en hommes (Kumba Manfoumbi, 1989: 242). «Avec l’intensification du commerce des esclaves, le gouverneur portugais Ramon Rovirosa signa une convention avec le chef de terre Jim Ngomaqui lui donnait le droit de s’établir à Tchissade (actuel plage de Socoma), à Mayumba. C’est de là que partira le conquête commerciale de l’intérieur du pays», rapporte Mounguengui-Nzigou (Mounguengui Nzigou, 1983: 68).Les punu étaient ainsi au cœur des échanges interethniques. Les échanges véhiculaient,par des axes déterminés à travers des pistes et par des voies d’eau, des produits de l’intérieur jusque, bien entendu à la côte atlantique où la marchandise arrivait finalement. Les punu assuraient le relais au risque de leur vie, comme rapporte Dupré,«...Les punu remontaient dans le Haut-Ogooué après avoir traversé sur plus de 100 kilomètres une région à peu près inhabitée, où les porteurs risquaient à tout instant de se faire assaillir et dévaliserpar les groupes Kota (Wumbu, Ngomo et Obamba) qui, faute d’avoir pu trouver une place dans les échanges commerciaux, en tiraient parti par un pillage systématique» (Dupré, 1972: 629). Sur la côte, musayi, le sel de fabrication locale était la base de ces échanges. Denrée rare, appréciée et particulièrement recherchée par les populations de l’intérieur qui l’utilisaient pour améliorer le goût de leurs mets assaisonnés de plantes et écorces de bananes brûlées (Duoré, 172: 204). La fabrication du sel330était un art détenu par les Lumbu. Les courtiers Lumbu échangeaient ce sel et des marchandises qu’ils recevaient des européens (pièces de tissu, machettes, clochettes, bouteilles vides, poudre, fusils à pierre, fer en barre, couteaux, haches...) contre tout ce que les commerçants 330Selon Magossu ma Mboussou, (cité par Koumba Manfoumbi, op cit) le sel marin s’obtenait à partir de l’évaporation de l’eau de mer. La technique consistait à verser de l’eau de mer dans une grande marmite nommée Dumbumbuet à la laisser bouillir jusqu’à évaporation complète. Il restait alors au fond de la marmite une quantité de sel que l’on empaquetait dans des feuilles de pailles, de palme et des cœurs de bambou. 354punu ramenaient de l’intérieur: produits de la forge, notamment les marmites pour la fabrication du sel qu’ils allaient chercher chez les nzebi, de la vannerie qu’il recevaient principalement des Vungu et des Varama et beaucoup d’autres produits: chèvres, poules, tissus de raphia qu’ils produisaient eux-mêmes (Koumba Manfoumbi, 1989: 245). A ces produits s’ajoutait le produit de base: les captifs qu’ils prenaient, selon Koumba Manfoumbi et Deschamps, en abondance chez les nzebi et les sangu (Deschamps, 1962: 47). Il importe de souligner que «les captifs ainsi vendus étaient les indésirables, ceux rejetés pas leur société à la suite de graves fautes (adultère, vol, assassinat...) de quelque ethnie qu’ils soient; des captifs de guerre et parfois des personnes rencontrées seuls sur le chemin» (Koumba Manfoumbi, 1989: 245)

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