La palabre (au sens de dialectique juridique) reste le moyen approprié pour régler les différends qui opposent des membres de la communauté. Elle se déroule sur la place du village (ngangele) lorsqu'elle est élargie et dans le corps de garde (mulébi) quand elle est restreinte. Le plus souvent, les deux parties adverses, opposées par un litige, choisissent mbantse, l'avocat. Le juge est le sage du village. il peut aussi être choisi pour ses qualités oratoires et sa sagesse. Spécialiste de la palabre, il est désigné sous le vocable de nzontsi ou ngèle. L'assistance participe au déroulement de la palabre comme acteur, car elle joue le rôle _de juré et celui de répondant. En d'autres termes, tout intervenant sollicite la participation de l'assemblée à un écholembo, une expression énoncée par l'orateur et reprise en chœur par l'assistance.
1. Le début de la palabre
Tout intervenant commence par un attiret (expression qui consiste à attirer l'attention des actants et à leur demander le silence). Les attirets changent selon le type de palabre à régler. Quand il s'agit d'un litige concernant le mariage, l'adultère, le vol, le fétiche, la maladie, l'interlocuteur dit: - batu, les hommes; et l'assistance répond: oh ! -bigulu mambu matuji limba, ceux qui écoutent les paroles suivez, prêtez attention; l'assistance répond: limba, nous t'écoutons! A partir de cet instant le silence s'installe autour de l'orateur. - wu jabe diagu, si tu as conscience de tes propres problèmes; l'assistance répond: wu jabe di mbatsi, tu peux régler ceux des autres! 134 En réalité, cet attiret signifie que toute personne ayant conscience d'être un inculpé potentiel est conviée devant cette assemblée à demeurer objective. Avant de porter un jugement sur autrui, il importe au préalable de faire un retour sur soi. L'attiret change lorsqu'il s'agit d'un cas de décès. Les orateurs, bivovi, disent: - tsiengi vesa, c'est la mort; l'assistance répond: vesa; c'est la mort! -ibinde, c'est un malheur; l'assistance répond: ibinde, c'est un malheur! - ibinde gonge batu via, que le malheur passe loin des hommes et rapidement; l'assistance répond: via, rapidement!
2. Le pendant de la palabre
Le pendant est marqué par des séances de conciliabules (bafundu), des contes en rapport avec le litige présent, des proverbes qui vont être utilisés comme articles de référence pour donner une valeur juridique incontestable aux arguments des orateurs. Des tournures participatives, les chants, des paroles sous-entendues (mitsoki) et quelques pas de danse esquissés dans une sorte de dandinopraxie tiendront tous les participants en haleine. Le témoin, mbéji, est tenu de ne pas mentir. Car c'est à partir de ses dires que le tort, mbèle, ou la raison, ndunge est attribué à l'inculpé. Si l'accusé est de connivence avec une personne, un avocat de circonstance prononce l'écholembo suivant: jobotsu mulikimuliki mukandi gu, ils sont complices; l'assistance répond: u mosi, complices comme s'ils étaient une seule et même personne!
La scène du lembo ; lembo vient du verbe u lembule diambu, c'est-à-dire caresser un litige; autrement dit, résoudre un différend. Les hommes ne jugent pas, ils viennent caresser les conflits et mettre le fauteur face à sa propre conscience. Le but de cette rencontre est de lui apprendre à respecter les valeurs morales qui constituent le socle des bons rapports entre les hommes et que celles-ci ne soient pas remises en question. .
3. La fin de la palabre
La fin de la palabre est marquée par des affinets (expressions qui annonce la fin d'un plaidoyer). Chaque avocat et le juge disent à tour de rôle: - babale lembo, les hommes ont fini de trancher cette palabre; l'assistance répond: lembo, c'est fini! - diome nénu, que ces paroles aient de la valeur pour vous; l'assistance répond: ka, oui! n faut noter que ka est la forme contractée de kagulile, les ancêtres; kage les grands-parents. En d'autres termes l'assistance répond que ce conflit a été tranché à la manière des ancêtres. Ka signifie amen ou ainsi soit-il. (cf ngongo des initiés).