Jul 24, 2019

Ainsi parlaient les anciens

 P.-E. MOUDJEGOU-MAGANGUE : Ainsi parlaient les anciens, 1987.
Après le Crépuscule des silences (Paris, P.J.0., 1975).

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Pierre-Edgar Moudjegou -Magangue livre un second recueil de poèmes intitulé : Ainsi parlaient les anciens (Paris, Ateliers Silex, 1987). Si le verbe a pu prendre corps dans la chaîne du dire — à travers le titre qui permet d'identifier l’œuvre —, le poète ne quitte pas pour autant le ton de la mélancolie. Cependant, au calme des crépuscules et au charme du silence qui font toujours chanter et pleurer, s'ajoute, dans le nouveau recueil, ce souvenir des anciens qui accentue l'angoisse et conduit à la déchirure du poète devant la nécessite de dire. Tout est déchirure, dans le premier recueil de poèmes de Moudjegou-Magangue. Déchirure de l'enfant qui cherche sa mère, comme « le veuf de toutes les saisons/Longeant le bord de (...) souvenirs/La plume à la main ». Déchirure de l'orphelin qui étale sa tristesse dans Butsyan, poème-chagrin qui ponctue tout le recueil à la manière d'un hoquet qui n'en finit pas de trahir la solitude de l'enfant devenu « paria ». Grace à ce sevrage et à cet exil, le poète va prendre conscience d'une solidarité quasi cosmique avec tous ceux qui pleurent « de par le monde » : l'amour maternel va se trans-muer en un amour universel. P.-E. Moudjegou-Magangue sait fondre sa peine dans le tumulte des saisons, à Sanga ou boulevard Saint-Michel, au milieu des pleureuses ou dans un « univers lacéré ou il traîne son « regard terrible d'amant mythique ». II finit par devenir un corps de pierre qui pleure ses sites : «Masang/Oyem/- Lembaréni/et puis d'autres encore/qui fredonnent la mélopée/de rondes enfantines ». Mythifié, le poète peut alors rejoindre le Grand Temps. Mythe : parole figée dans la sécheresse de l’écriture qui ne peut compter que sur l'amour pour que renaisse le « soleil-mort-né ». Pour aboutir à cette renaissance, le poète tient délibérément sa conscience en éveil, le passage de l’oralité à l’écriture ressemblant à un rituel qui menace l'existence même des signes et de l'homme qui porte  dans sa démarche poétique. Demarche, car il s'agit de retrouver le Verbe primordial du dire africain, dans une langue française mordue en plein cœur par la rage d'exister. Si ce Verbe n’était pas inaccompli, le poète perdrait espoir dans son cheminement à l'envers du décor quotidien. Mais voila qu'il se dévide encore sous le regard de l'enfant, le même qui, à présent, peut nous énoncer la parole des anciens, ce socle d’où jaillit l'eau qui vivifie, cette parole séculaire dont le poète n'est que l'humble dépositaire. Ancien, P.-E. Moudjegou-Magangue veut à son tour parler. Et la beauté de sa poésie tient en partie à la compétition entre le dire et l’écrire, à cet intenté, cette volonté qui veut prendre corps dans un univers de signes étrangers. Car l'Ancien est aussi celui qui est resté en gare, lieu de stabilité défiant la vitesse des trains qui passent et repassent par ce socle. Ainsi est l'homme qui refuse les évidences. Ainsi est en gare, lieu de stabilité défiant la vitesse des trains qui passent et repassent par ce socle. Ainsi est l'homme qui refuse les évidences. Ainsi est l'homme qui recherche les valeurs pérennes et non les frivolités des cultures synthétiques venues du pétrole. Ainsi est Pierre-Edgar Moudjegou-Magangue, poète du futur par la force du passé et les turbulences du présent.

Contribution: Auguste MOUSSIROU-MOUYAMA

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