Le conte gabonais est le genre oral qui représente dans la littérature orale gabonaise la permanence. En effet, par sa forme concise et brève, par ses procédés stylistiques et sa fonction didactique, le conte oral traditionnel gabonais participe à la formation de l'individu. Il est au cœur de la vie du peuple traditionnel gabonais. La permanence de ce genre dans le monde traditionnel gabonais peut s'expliquer par la force fonctionnelle que lui reconnaît ce peuple de civilisation orale.
Il est en effet courant de constater que la répartition des genres et des types oraux en littérature africaine englobe pêle-mêle les contes, les épopées, les mythes, les fables, les devinettes, la poésie de circonstance (mariage, retrait de deuil)... Il y a dans ces classifications, une énumération hétéroclite qui peut s'expliquer par la méthode descriptive souvent utilisée en anthropologie et en ethnologie. Cette démarche descriptive et énumérative n'a pas facilité jusqu'alors mon identité littéraire. Traiter du conte oral traditionnel gabonais nécessite que l'on définisse ce qu'est ce genre, au vu de ce peuple ; nous nous efforcerons ensuite de présenter les conditions d’énonciation du conte, l'acte du conteur et ses corollaires, le texte; déclamé et ses fonctions. Nous rapportons ici le résultat d'une enquête effectuée Nouguembé (Mbigou) à Boué et à Libreville.
Conte : comment t'appelle-t-on ?
Comme le fait remarquer J. Cauvin, il se trouver que le mot conte» ne recouvre pas partout les mimes réalités et les mimes différents mots africains traduits en français par « conte » ne sont pas nécessairement des « contes » au sens français du terme. Pour essayer de cerner de plus près la réalité exacte que telle société orale appelle un conte» dans sa langue, il faut situer cette réalité parmi les autres manifestations de la tradition orale » (1).
Le mot qui désigne le conte doit tenir compte des particularités propres à la langue et la culture d'origine. Il s'agit de montrer ce que recouvre chacun des mots en fonction de la culture d’où émane le texte. Georges Mounin affirme que « pour traduire une longue, il faut remplir deux conditions: étudier la longue étrangère,
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(I) Jean Cauvin. Comprendre les contes, les classiques African's. St Paul. 1980 p. 5.
étudier systématiquement l'ethnologie de la communaute dont cette langue est l'expression » (2). Chez les Apindji, le mot « Nkana » désigne le conte, la légende, le proverbe ; cela est aussi vrai pour les Myènè avec le mot Nkogo » : proverbe, dicton, maxime. Chez les Punu, le mot « Tsavu » signifie approximativement en français «conte ». Ce même mot peut designer en même temps la devinette. Pour ces differents peuples du Gabon, il n'existe pas de termes précis pour exprimer la légende ou le mythe. Ceci ne veut pourtant pas dire que ces genres ne font pas partie de la culture de ces peuples : le Mubwangue » chez les Punu peut être assimilé à une épopée et il existe chez les Apindji l’épopée de Mossodoué qu'on peut tout à fait rapprocher du Mvet Fang par la longueur, l’intensité dramatique et les faits guerriers.
Le conte gabonais peut avoir recours à l'histoire en rapportant des faits réels qui se sont produits dans un village ; son lien avec la légende s'explique par l'association qui fait son charme, à savoir la mise en scène du réel et de l'imaginaire. S’intégrant a la légende, il prend un « ton » sérieux. Son recours fréquent au mythe et à l'histoire des cosmogonies des peuples du Gabon le rapproche de l’épopée. Il est au cœur de tour les genres. Tout l'inspire, tout tourne autour de lui. Sa double vocation (divertir / éduquer) est au centre des préoccupations du peuple rural et traditionnel gabonais. On peut le définir comme un récit oral et populaire qui participe dans la civilisation orale gabonaise a un processus de communication littéraire. Cette narration à des règles et une codification particulières. Ce sont les signes du récit qui sont immanentsà sa profération qui feront mieux apprécier l’originalité de ce type de texte.
Où et quand te conte-t-on ?
La profération du conte oral traditionnel gabonais est généralement faite la nuit.
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(2) G. Mounin. Les problèmes théoriques de la traduction, Gallimard, Paris, 1963, p. 263.
0. Kombila, Approche sémiologique du Mbwang, épopée Punu, mémoire de Maîtrise, 1989.
Des raisons culturelles, psychologiques et sociologiques peuvent expliquer cette atti-tude. Malgre son caractere profane, le Conte oral gabonais aurait des origines sacrées. "C'est une parole littéraire qu'il faut rattacher au divin », affirme la vieille Mat... (Nzebi du village de Mouguembe). La parole littéraire orale traditionnelle mise ainsi en relation avec Dieu prend alors toute son importance et ne peut se dire que la nuit. La nuit représente aussi le moment de fusion du monde des ancetres avec celui des vivants ; elle favorise le rapprochement des vivants et des morts. Dire un conte le jour serait profaner les dieux et les Ancêtres (qui ont toujours dit les contes la nuit). Enfreindre cette coutume à pour conséquence immédiate. La mort, la malchance (chez les Kota et les Sake). On conte en toutes saisons.
Des raisons sociologiques peuvent expliquer cette pratique du contage la nuit. La communaute villageoise est essentielle-ment caractérisée par la vie rurale. Ces exigences agricoles ne permettent pas des rassemblements pour une activité littéraire. La nuit permet le recueillement ; c'est le temps du repos. On conte autour du feu, dans le corps de garde (Bandja) ou au campement.
Comment te conte-t-on ?
Il n'existe pas de conteur professionnel, mais les locuteurs des ethnies enquêtées s'accordent à dire qu'un bon conteur est avant tout un bon orateur. Aucun critère d'age, ni de sexe n'est retenu. Le conteur doit dire son texte en restant le plus pros possible du texte originel, que le public connaît. Redisant des contes connus de tour, son travail de la parole littéraire consiste à se singulariser par sa performance, son savoir-faire, son aptitude a briller devant un auditoire : geste, voix, emphase, creation et recréation constituent la panoplie et la richesse du conteur gabonais. Comme l'affirme B. Mouralis, il s'agit pour le conteur de redire mais de dire avec efficacité or l’efficacité suppose nécessairement une adaptation et une sensibilité du conteur à son public »
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(3). Art populaire par excellence, le conte oral traditionnel gabonais est une manifestation collective faite pour tous et avec la participation de tous.
Le conteur et son public
C'est la présence du public qui établit la style et l’authenticité de l' acte de creation littéraire. Le public est « co-auteur ». Il lui arrive de corriger, de rectifier le conteur. Le conteur ne chantera pas pour lui, il fera partager son savoir a la communaute toute entière. Le contact s’établit grâce a une langue de communication propre au conte : formules-types, réponse traditionnelle, hochement de tête...
Le conte oral traditionnel profère
Les formules figées et stéréotypes sont fréquentes au début du conte. Ces formules d'introduction permettent le contact du conteur avec son public. Ces formules se résument généralement dans les nombreuses ethnies a une première prise de parole du conteur, ensuite intervient la réponse du public. Nous rapportons des exemples de quelques ethnies.
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Myene conteur : Zikani Nkogo
public : Yeno
Fang conteur : Owoula Yèè
public : Yèè
Bakota / Sake conteur : Nzambi Dzio
public : Dzio
Apindji conteur : A Pake
public : A Kombe
Ces formules initiales sont, pour certaines ethnies, difficiles a traduire. Ce sont des énoncés. L’intérêt de ces dits réside dans le code de la narration. ils servent à catalyser, à déclencher le processus de communication littéraire en milieu traditionnel gabonais.
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(3) B. Mouralis. Littérature et développement, Silex, Paris 1983. p. 198.
C'est le cas du « Betate » qu'on répète inlassablement a chaque début de conte! chez les Punu. Les formules finales procèdent du même état d'esprit : on dot la séance de conte: soit pour inciter à la prise de parole, soit pour mieux présenter la finalité pratique de la morale racontée. La formule finale Apindji est : Conteur : « Toma Koda va dyè » ( D'où est-ce qu'on s'est arrete?) et le public répond : « Te vo » (par là). Le texte profère se présente généralement comme une histoire simple ayant pour situation initiale un conflit (transgression d'un interdit, famine, sécheresse ...). Le récit met en scène très peu de personnages. Des le début du conte, le narrateur campe la psychologie des personnages en un trait de caractere qui n’évolue pas. L'intrigue se résumé à la résolution d'un conflit préalablement annonce. On suit le conteur, qui garde la thématique essentielle du conte, ce qui ne l’empêche pas de broder autour de l'histoire, mais les détails rapportes ne sont pas des récits enchâssés. Au-delà de la langue propre a l’énonciation du con te gabonais, le niveau de langue du conteur a aussi son importance, de même que son expression, sa verve, son éloquence. Le conteur-auteur mime. Le geste accompagne la parole. Cette forme de langage du conteur est aussi significative que la récitation elle-même. Très souvent, ces éléments sont autant de signes qui parviennent au public, dormant au conte une infinité de précisions sur les modalités des événements contes. L'aspect théâtral est strictement associé à la pratique de contage. Le conteur incarne et personnifie chacun des personnages intervenant dans le récit.
Le conteur use de toutes les ficelles de l'art oratoire, il veille à son style par le choix des mots, des images adéquates, des tournures de phrases, des gestes signifiants. On conte généralement dans une langue accessible, la redondance est appréciée et la répétition des séquences ou des phrases ne lassent pas le public. La pratique du contage est intimement liée à la musique. Le chant est compose d'un couplet dit par le narrateur, et d'un refrain que l'assistance reprend en chœur. Ce chant peut être repris plusieurs fois. Il existe des chansons d'ambiance et d'autres qui sont internes au récit évoluant ou changeant avec l'action. Ces chansons qui parcourent tout le conte oral constituent à la fois un élément d'ornement de texte et de participation. Les personnages vedettes qu'on trouve dans le conte gabonais sont : la tortue (toujours malicieuse et rusée, mais parfois perdante), la panthère (poltronne), le gorille, l’éléphant, la gazelle, le rat... Et bien d'autres animaux (4). Des humains interviennent aussi dans ces récits, c'est le cas d' Ogoula chez les Myènè , de Yedi et de Mikweki chez les Bandjabi, et chez les Apindji, du très monstrueux Gebodu-bodu. Tous ces êtres anthropomorphises ne sont que des « porte-brassards » qui jouent la comédie humaine. A travers l'aspect ludique du conte, il ressort toujours une morale, c'est pour-quoi le conte remplit une fonction éducative. Le conte étiologique (que certains théoriciens rapprochent du mythe) livre des connaissances géographiques, d'histoire naturelle ; d'autres contes sont des véritables vade mecum de la vie sociale. L’oralité pure n'existe plus au Gabon. La pratique du contage se perd dans les grandes villes au profit d'autres types de culture. On assiste de plus en plus à une oralité mixte ou la prédominance de récrit et des médias semble nette et victorieuse. Quelques réalisateurs et comédiens de la Télévision Gabonaise font revivre les textes de la tradition (« le tison enchanteur »), et à l’université, le Luto (laboratoire Universitaire des traditions orales) essaie de sauver de l'oubli cette richesse nationale.
Par Pierre Monsard.
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Jul 26, 2019
Le conte gabonais
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Le conte...Pierre Monsard
I'm a developer designer -UX, Human Activist, entrepreneur, Blogger, writer, and business mentor. Founder of Gabonatura. I love culture, and environmental justice. Promote education in Africa.
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