On distingue neuf clans punu qui sont: Badjengui [bajê:ngi], Badoumbi, [badû:mbil, Boudji Didjiaba [dijyaba], Dikanda [dikâ:nda ], Minzoumba [minzû:mba] et Ndingui [ndî:ngi].
Joseph Bonneau, qui fut missionnaire à Mourindi dans la Nyanga, utilisa les termes «Pounou» et «Yaka». En effet, dans la préface à sa Grammaire pounoue (1956, p. 7), il écrit notamment: «Les Pounous ou Yakas',habitent les régions de la Nyanga et de la Ngounié au Gabon; les districts de Divénié et de Mossendjo au Moyen-Congo». André Raponda Walker affirme de son côté (1962, p. 15) que «Les Bayaka de la Chute Labo à Mouila sont appelés Bapounous». Il poursuit (1967, p. 63) «Le nom Bayaka, sous lequel on les désigne parfois, donnerait à penser qu'ils sont des descendants des féroces Jaga d'au-delà du Congo, qui terrorisèrent longtemps la contrée aux siècles passés. Leur humeur batailleuse semblerait confirmer cette hypothèse, d'autant plus qu'eux-mêmes s'intitulent batu di bâdi «gens de guerre». Hubert Deschamps utilise aussi les mêmes termes lorsqu'il écrit (1962, pp. 24-25) : «Le peuple pounou autrefois appelé yaka est un peuple important occupant la plus grande partie des quatre districts de Mouila, Ndendé, Moabi et Tchibanga». Malcolm Guthrie a utilisé, dans Comparative Bantu (1971, tome 2, p. 35), le terme punu dans la classification des parlers du Gabon. Il cite Sira-Punu group. Enfin, Maganga ma Mbuju et Mbumb Bwas (1974, pp. 6-10) utilisent le terme Yaka ou Jaga, Bayaka ou Bajaga pour désigner les Bapunu. Mais ils estiment que le nom Jaga ne devrait pas être attribué aux seuls Bapunu. Ceux-ci doivent partager cette appellation avec les Balumbu, les Bavarama, les Bavungu, les Bisira et les Masangu. Maganga ma Mbuju et Mbumb Bwas considèrent que le vrai nom de ces groupes est Jaga/Bajaga et que les autres appellations ne sont que des surnoms. Ainsi, le terme Bapunu est «un surnom donné à une fraction de l'ethnie Jaga qui était sans doute utilisée comme troupe de choc en période de guerres et d'invasions». D'ailleurs, Joseph Bonneau (1956, p. 7) confirme cette thèse lorsqu'il écrit: «Les Bayaka s'enfuirent du Congo ... Plus tard, ils prirent le surnom de Pounou qui signifie "tueur"
Le père Bonneau a dû établir un rapprochement entre pilnu et pilny i «assassin, tue et conclure que l'un était la déformation de l'autre. Ce rapprochement de pilnu et pilny i, qui est couramment admis par les Bapunu, n'est peut-être qu'une simple étymologie populaire sans fondement historique. En effet, si avec u niln ~ «donner des coups de couteau», on peut former un nom d'agent.
LE missionnaire du XVIIe siècle, écrit que «les Bapunu s'enfuirent après avoir été battus par le général Gouvéia qui leur infligea de grandes pertes. Une partie de la tribu retourna alors dans la région du Kasaï; les autres mettant le Kongo entre eux et leurs ennemis, remontèrent vers le nord et s'enfoncèrent dans la forêt équatoriale. De là, ils se répandirent dans les régions qu'ils occupent actuellement».
Pour le père Bonneau, la migration des Bapunu a été, au sortir du Kongo, accomplie en ordre dispersé. Chaque groupe avançant le plus rapidement qu'il pouvait sous la crainte d'être rejoint par les poursuivants: Portugais et Bakongo. La progression continue a permis l'occupation, d'une manière homogène, des vallées de la Ngounié et de la Nyanga.
D'après Hubert Deschamps (1962, p. 25), les Bapunu, guidés par des Pygmées appelés Babongo, ont suivi les savanes de la Ngounié. Pour appuyer cette thèse, il cite deux versions de la tradition orale parlant de cette migration et collectées à Ndendé et Mouila.
«La tradition de Mouila, écrit-il, célèbre les Boumouélé qui descendent d'une femme Simbou et de son fils Mouélé qui a donné son nom au clan. Les Boumouélé traversèrent la Ngounié».
«La tradition de Ndendé, poursuit-il, dit que Minga et sa femme Bouanga sont les ancêtres des Bapounou. Leurs descendants habitèrent Niali sur la Nyanga ; à Kouango, au bord de la Ngounié, eut lieu la séparation. Le clan dominant Boumouélé passa la rivière. Le clan Boudjala resta en-deça pour conserver son indépendance». Cette thèse, qui présente Ndinga, et non Minga, et Bwanga comme les géniteurs des Bapunu, ne fait que confirmer les informations que j'ai recueillies dans les villages et les villes, à savoir que l'expansion punu s'est faite en clans l . Deux versions de la tradition orale, collectées à Mabanda, Kabou Nzambi, Tchibanga, Moabi et Ndendé, montrent comment les Bapunu migrèrent en clans.
La première version, collectée à Moabi et Ndendé, parle de la division par Dibadi, le guide pygmée, du peuple punu en neuf clans qui sont: bajê:ngi, badû:mbi, bujala, bumweli, di bâmba kadi, di jaba, dikâ:nda,minzû:mba et ndî:ngi. Pour cette première thèse sur les courants migratoires claniques, la tradition orale et les 1. Monique Koumba Manfoumbi (1989, passim) confinne que la migration punu s'est faite en clans. 2. Il faut distinguer dibâdi «guide pygmée des Bapunu» de dibâdi «guerre". adeptes du Bwiti soutiennent que, sans la lumière de Dibadi, les Bapunu n'auraient pas trouvé le chemin de leur migration vers le Gabon.
La deuxième thèse, recueillie à Mabanda, Kabou Nzambi et Tchibanga, veut que ce soit Nge1i i Lahu, descendant de ndinga lwana, qui ait donné naissance aux neuf clans. En effet, ndinga lwana mit au monde i1ayu i ndinga, i1ayu i ndinga mit au monde, à son tour, Ngeli i Lahu. Celui-ci eut neuf fils qui donnèrent naissance à neuf clans.
Voici les neuf enfants et leurs clans:
- mwé i ngéli
clan bumweli
-munzyeyu ngéli
clan dijaba
-ublndi u ngéli
clan.:dibâmba kadi
- mumbin za ngé1i
clan mi nzû:mba
-makana ma ngé1i
clan dikanda
- mabunda ma ngé1i
clan mitsimba
-ilébu i ngéli
clan buja1a
-maganyina mangé1i
clan mu l il 1u
- mambu ngé1i
clan dî:ngi
1.2.2.2.2. Le nombre de clans
Il faut signaler qu'il existe deux thèses quant au nombre des clans d'origine des
Bapunu. Certains affirment qu'il y a neuf clans officiels et que les autres ne seraient que
des sous-clans. D'autres, au contraire, à l'instar du chef coutumier Mbadinga Zéphyrin
de Tchibanga, cité par Biwawou Bi Koumba2, soutiennent qu'il y a douze clans d'origine
parce que, dit-il, Jésus-Christ avait douze apôtres. Pour Biwawou Bi Koumba, «cette
thèse n'en demeure pas moins pertinente dans la mesure où Jacob, patriarche de l'Etat
d'Israël, eut douze fils qui donnèrent naissance aux douze clans de l'Etat hébreu»3.
La référence à la Bible ne peut pas justifier le fait qu'il y ait douze clans chez les
Bapunu d'autant plus que les migrations se sont faites avant le XVIIIe siècle4 et que
1. Ma liste de clans est presque identique à celle recueillie à Divénié au Congo, auprès de Mwity
Kwanga, traditionaliste punu, par Makaya Mboumba Mackjos, chanteur, auteur-compositeur, pour sa
chanson «Bukulu» composée en 1976. La seule différence se situe au niveau du fondateur du clan ndingi.
J'ai, dans ma version, mumbu ngé1i et lui a, dans la sienne, muraI I ngé1i ou n z amb a ngé1i.
Selon les traditions orales, i 1ayu, père de ngel i, est né de ndiga et de bwânga . Seul le souvenir
de 1) 9 é 1 i reste vivant dans les mémoires des Bapunu.
2. Biwawou Bi Kournba : Ethnologie, clans et histoire des peuples de la Ngounié, Nyanga-Ogooué-Lolo(première partie), p. 6.
3. Idem, ibid., p. 6.
4. Koumba Manfoumbi Monique: Les Punu du Gabon, des origines à 1899: essai d'étude historique,
passim.
L''évangélisation n'a commencé qu'au début du XXe siècle. Il ne s'agit donc que de conjectures. Koumba Manfoumbi Monique distingue, elle aussi, douze clans: bujala, mîtsimba , dibâmbi kâ di ,bayâmbu, bumwe1i, Yongu, mi nzû:mbd, badû:mb i, di j abd, di kânda, ndngi et ba vela Ê 1d 1. Elle ne cherche pas à justifier ce nombre et donne l'impression que c'est le nombre conventionnel des clans punu. Le problème qui se pose est que le nombre de clans passe d'abord de douze à onze lorsqu'elle écrit: «Globalement, les clans punu sont au nombre de onze: ce sont les suivants: Bujald, Bumwel i, Mitsimbe, Dikande, Dibambe-Kadi, Badumb i, Dijab, Minzumbe, Nding i, Bayambu et Bavend»2. Puis le nombre passe de onze à treize lorsqu'elle énumère les principaux lignages3. La thèse, généralement admise, est que les Bapunu ont neuf clans originels4 et que ceux qui en dénombrent plus incluent des sous-clans. Ainsi, les clans mî t s imbd et mu 1ul u mentionnés dans la deuxième tradition sont considérés respectivement comme les sous-clans de di j abd et de di bâmbd kâdi dans la première tradition. Biwawou Bi Koumba a recueilli deux récits qui appuient cette thèse5.
S'agissant des clans YOngu, badû:mb i et bavÊla que Koumba Manfoumbi a en plus de ma deuxième liste, voici d'abord ce que l'intéressée a écrit à propos des Yongu : «Les Yongu se disent appartenir à la famille Bumweli, ce que ne contredit pas cette dernière, et que seul le hasard des migrations les aurait séparés»6. Quant au clan badû:mbi, il constitue un clan à part entière avec son totem: la mangouste yitsai ~ 1dl bitsaI ~ Id.
Biwawou Bi Koumba écrit concernant mu 13Ê 1d lb a 13Ê 1d : «La tradition orale est
unanime pour affirmer que les sous-clans Imondu, Ibase, Mubinga, Muvela sont issus du
clan Bumweli»7.
est aussi un clan lumbu 1 appelé bayê:ngi. Le correspondant punu est mikiisu.
B a y ê:ngi et mikusu ont le même totem: le perroquet.
1.2.2.3. Le rapport clan et scarification de masque
Les Bapunu ont donc neuf clans principaux. Le nombre de ces clans est très souvent
mis en rapport avec le nom bre de scarifications des masques blancs punu. Ces
scarifications sur le front et sur les tempes au nombre de neuf et disposées en losange
parfaitement symétriques étaient courantes chez les femmes punu. Elles symbolisaient les
neuf clans punu et rappelaient aux hommes' que la femme est à l'origine des clans
puisqu'elle a donné naissance à leurs fondateurs.
Actuellement disparues, Paul du Chaillu (1868, p. 42) signale les scarifications dans
un de ses récits de voyage: «Les femmes tâchent de s'em bellir en se tatouant le front par
des espèces de cicatrices. Ce sont le plus souvent de petites protubérances rondes, au
nombre de neuf, et de la grosseur d'un petit pois, disposées en losange entre les sourcils.
Des ornements du même genre ressortent sur les joues».
Dans la statuaire actuelle, les scarifications sont, soit en nombre supérieur (douze),
soit en nombre inférieur (six) au lieu de neuf, soit totalement absentes. L'annexe 2 est
consacrée aux masques punu.
1.2.2.4. La structure des clans
Les clans, b i bându (sg. yibându), sont des ensembles d'individus qui descendent
d'un même ancêtre mythique et qui ont le même totem2 yingîtsi (pl. bingîtsi).
Ces clans sont subdivisés en sous-clans ma bûra(sg. dibûra). Le sous-clan se définit
comme un groupe plus restreint que le clan et qui en constitue souvent une branche
dissidente. Très souvent, le sous-clan est né de la division du clan pour des motifs de
1. Les Balumbu ont sept clans originels. Il s'agit de: bas a kÔ:ngu, lmund u, muyErna, muyê:ngi,
mudû:mbi,musû:mba et muyâmbu.
2. Le totem est l'animal avec lequel les héros fondateurs des clans entretiennent des relations privilégiées et dont la consommation est interdite. L'animal totémique était ainsi le moyen par lequel on reconnaissait
un clan. Voici la liste des clans et leurs totems:
Clans
Totems
-badû:mbi
la mangouste
(yitsalâlajbitsalâla)
-bajê:ngi
le perroquet
(kusujbakusu)
-buja1a
lapanlhère
(mayênajmayêna)
- bumwe1i
l'aigle blanchard
(mbirajbambira)
-dibâmbakad i
la souris
(nguyajbanguya)
-dijaba
la tortue
(yibongajbibonga)
-dikâ:nda
l'éléphant
(nzayujbanzayu)
-minzû:mba
le gorille
(yibûbujbibûbu)
-ndî:ng
le crocodile
( Ngâ:ndujbangâ:nd u)
21
sorcellerie, d'inceste, de mésentente. Si je prends les clans de ma première liste qui est
une liste crédible puisque plusieurs témoignages concordent 1, voici les sous-clans qu'on
y retrouve:
-Bûmweli : si:mbu, bûpeti, im;undu, ibâs, mûmbing, mu13Ê 1g, Yungu,
irêndi,mujemg,muyâmbu;
-Dijaba: mô:mbi,mubandg yagu,musândg,mitsimbg
-Dibâmba kadi :bundô:mbi,muli:ilu,ubîndi;
-Dikâ:ndg: basû:mbg.
Il est important de souligner que tous les clans ne comportent pas de sous-clans. La particularité de ces sous-clans est qu'ils devraient en principe faire précéder leur nom du terme di bû r g «descendance». Pour la commodité du langage, on laisse maintenant tomber ce préfixe et l'on parle de si:mbu au lieu de dibûrsî:mbu. Ces clans secondaires prirent leurs noms soit des femmes qui les fondèrent (c'est la coutume matrilinéaire2), soit des surnoms de ceux qui faisaient sécession: les Simbu sont ainsi nommés parce que la femme, mère de la lignée s'appelait Simbu. Jungu «qui n'écoute pas les conseils», est le surnom donné au premier couple de ce groupe pour rappeler son esprit d'indépendance.
Les sous-clans sont subdivisés en lignages myû:ji (sg. mû:ji). Le lignage est l'ensemble d'individus qui descendent d'un même ancêtre connu. Compte tenu du très grand nombre de lignages et de leur faible impact dans ce travail, j'ai jugé inutile de les mentionner.
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