La tragédie antique punu : Le mythe de Ma-Bwang

La tragédie antique punu !


La tragédie est ne oeuvre lyrique et dramatique, qui met en scène un malheur arrivé à de très hauts personnages dont l’histoire est en général empruntée à l’épopée.


  Le mythe de Ma-Bwang marque l’origine des pleureuses. Pour commencer la narration, la pleureuse dit: « écoutez le récit! Dusavu ! », et l'assistance répond dans un chœur alterné: « nous écoutons ! Hé ! »

A l’époque des ancêtres « va gulu », lorsque les Hommes parlaient encore avec les animaux, dans un village situé entre la forêt et la plaine vivait une femme appelée Bwang-bu-Dibéjit Cette dame avait perdu tous les membres de sa famille. Elle avait la charge d'assurer la descendance du lignage.

Cette femme éprouvait des difficultés à procréer car, à chaque fois qu’elle avait une grossesse, celle-ci n’arrivait pas à terme. Tout le monde commençait à croire qu’elle était stérile. Elle passait son temps à se plaindre, en brousse comme dans la cour du village. Elle avait l’habitude de dire: «Ah! Je ne suis pas une femme digne, je suis incapable d’honorer mes parents en mettant au monde leurs homonymes. Pourtant, je ne suis pas stérile! Je refuse de le croire et je ne dois pas baisser les bras, Fumu—Nzambi2 va m’aider à procréer. »

Ma-Bwang se plaignait tellement, qu‘un jour, au détour d’une lisière, elle fit la rencontre de l’escargot qui lui dit : « Cesse de te plaindre et pause ton cœur l - Qui parle là ? Demanda la femme. - C'est moi l’escargot, je suis à côté de la termitière. Je te conseille d'être courageuse et patiente comme moi. - Je ne suis pas un escargot! Répondit la dame. - Hé ! Tu es une femme naïve, passe ton chemin, tu feras une rencontre heureuse, répondit l’escargot d'un ton narquois. »
La rencontre avec l‘escargot l'avait perturbée. Elle n’avait pas dormi de la nuit. Un jour, elle rencontra un mubum1 avec lequel elle eut un fils. Le père mourut encore quelques jours avant la naissance de l'enfant. Un matin, dès le premier chant de perdrix, Ma-Bwang donna naissance à un petit garçon qui reçut le nom de Mbik2 (Mbiku). Ma—Bwang était tellement contente qu'elle montrait son divingu3 à tout le monde. Elle remercia Nzambi en ces termes : « dibotf di néni Fumu-Nzambi, merci beaucoup notre Créateur, tu m’as donné un fils. » Cette mère se rendait partout avec son enfant dans les bras ou au dos. L'enfant tétait le sein de sa mère sans repos. A chaque fois qu’une personne donnait à boire à Ma—Bwang, elle refusait de consommer pour protéger le lait maternel disait—elle. Le petit refusait de se laisser porter par d'autres personnes que sa mère. Il était en bonne santé et ne tombait pas souvent malade comme les autres petits, surtout au moment où les épidémies se déclaraient dans le village. Un jour, au milieu d'une nuit silencieuse, Ma-Bwang fit un rêve, dans lequel elle se disputait l'enfant avec son défunt mari. Quelques jours après, l‘enfant mourut subitement dans un sommeil profond. Elle alla consulter bangang (les tradipraticiens) pour ressusciter son enfant. Aucun praticien ne put la contenter. Alors,Alors, lorsque son fils fut enterré, Ma—Bwang se rendit au cimetière ; et « a ké bwagn » se mit à pleurer de toutes les larmes de son corps sur la tombe de son fils, pour demander à Fumu-Nzambi de ramener l’esprit de ce dernier parmi les Hommes. Elle tenta de communiquer «a ma kol ngongu » avec Fumu-Nzambi mais elle n’eut que le silence comme réponse. Lorsque Mbik alla retrouver ses Ancêtres, sa mère pria, implore la mère universelle (la Terre) et alla chercher partout le moindre petit signe: dans la forêt, au niveau des chutes, sur les collines, tout en communiquant avec les autres êtres de l'univers pour trouver le chemin de l’au-delà. Comme cette tournée se solde encore par le silence, la femme revint sur la tombe de son fils pour vibrer jour et nuit avec les esprits. Ce comportement inhabituel étonna plus d'un passant, et certains villageois disaient au passage, d’un ton railleur: « Hé 1 On n’a jamais vu ça l Regardez—lai Elle ne veut pas accepter la disparition de son enfant. Elle pleure Pour rien. » Ma-Bwang refusait tout type d'aide, par exemple, elle ne voulait pas s'alimenter. Sa seule nourriture était les larmes et la salive. Malgré les efforts des autres membres de la communauté, Ma-Bwang fut retrouvée le corps raide et glacé sur la tombe de son fils. Sa mort fit école auprès des initiés et des profanes. Les femmes de tous les villages adoptèrent le Fleur comme moyen permettant de faire face à la mort. Depuis ce temps-là, des groupes de femmes se lamentent comme cette pleureuse. Si son fils était ressuscité, les Hommes n'auraient pas peur de la mort. Le chant pathétique suivant fut entonné en sa mémoire : - Gloire à toi brave mère, « yélé mamo » - Gloire à toi vaillante mère, « yélé mamo » - Gloire à toi valeureuse mère sacrée, « yélé Ma-Bwang » - Gloire à la mère protectrice des enfants, « yélé nguji ban » - Gloire à toi indomptable mère, ils risquent de tuer encore des enfants, « yélé bo bok » - Gloire à toi brave mère, je mourrai moi aussi comme les autres petits, « yélé nu tu » - La boucle est bouclée ou le lien est établi, « tsurur...mbwè »

A la fin du récit, le conteur dit: «cet enseignement du passé est—il encore valable ? » Et l’assistance répond en chœur : « il est bien en vigueur de nos jours ! Matsinè...a ramé l »

1 Mubum est une personne ressuscitée
. 2 Mbik est un nom de circonstance (solitude) manquer ses ancêtres. 3 Divingu désigne l'enfant unique.

A) Écriture et registres de la tragédie

  • le registre pathétique (du grec « pathos » : ce qu’on éprouve, d’où « passion ») se caractérise par :
    • l’expression de la souffrance et du malheur
    • des lamentations et plaintes lyriques
    • une « tristesse majestueuse » (Racine)
    • la volonté d’apitoyer le public
    • le vocabulaire de la compassion
    • des supplications religieuses
  • le registre tragique se caractérise par :
    • l’expression de la mort inéluctable
    • l’expression de contradictions insolubles
    • la lucidité des héros tragiques qui s’expriment de façon morale et qui mêlent impuissance et colère
  • procédés d’écriture :
    • thèmes récurrents : champs lexicaux de la souffrance, de la mort certaine, de l’amour, du doute, du choix
    • nombreuses figures de style : hyperbole, répétition, accumulation, antithèse, litote, euphémisme, comparaison, métaphore
    • ponctuation expressive : modalités de phrases exclamatives et interrogatives
    • apostrophes et invocations qui prennent à témoins les faiseurs du fatum
    • vers solennels et lourds
    • registre de langue soutenu

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