Système de Parenté : clan et lignage
Si l’on en croit Martine Segalen, on retiendra que la parenté constitue un système de «repérage social» qui s’effectue par la terminologie. Cette dernière sert àdésigner l’univers des parents que la consanguinité, l’alliance (ou dans certains cas l’adoption) nous donnent. De plus, la terminologie de la parenté est un système de classement des parents qui désigne les conduites d’évitement, de respect, deplaisanterie que l’on peut avoir avec ces types de parents. Chez les Mbédé par exemple, la parenté est appelée Omoï ; Inguagha chez les Nzébi. Elle désigne le lien qui unit tous ceux qui sont issus d'un ancêtre commun, masculin ou féminin. Toutes les personnes qui reconnaissent cette appartenance à un même ancêtre sont entre elles, des parents.
On distingue parmi celles-ci, les parents paternels, d'unepart, et parents maternels, d'autre part. Ainsi, chaque peuple reconnait sur le plan biologique une étendue de liens qui sont constitués par les connexions généalogiques tandis que, sur le plan social, il reconnait l'existence de quelques catégories principales de parents. A première vue leur système de parenté paraît à la fois simple et complexe. De tout temps, la parenté dans nos sociétés gabonaises a toujours été ce que nous traduisons littéralement « maison des pères et maison des mères ». Cette structuration du groupe passe par ce que l’on appelle le clan et le lignage. Selon Marc Augé, le clan paternel (patriclan), ou maternel (matriclan), d'un(e) ancêtre commun(e) légendaire ou mythique rassemble tous ceux qui se considèrent, en vertu d'une relation généalogique présumée et indémontrable, comme les descendants en ligne directe. Le clan rassemble tous les membres, vivants ou morts tous issus d'un ancêtre commun masculin ou féminin. Chaque membre est donc issu de plusieurs clans. Mais du fait de l’absence de supports écrits qui devaient renseigner sur ses clans, nous nous contentons actuellement de ne retenir que huit (8) essentiels (quatre du côté maternel et quatre du côté paternel) par lesquels l’homme s’insère dans la société. Bien que dans certaines régions on se limite à quatre (4), dont deux du côté maternel et deux du côté paternel. Mais, en général, leur tradition parle de cinq clans, le cinquième étant celui de l’enfant qui, en fait, chez les matrilinéaires, n’est autre que celui de sa mère.
Le clan se caractérise par un certain nombre d’éléments à savoir : le nom, le siège, la devise, le totem, les interdits. Le nom du clan est généralement le nom de l'ancêtre éponyme premier, précédé d'unpréfixe qui indique la succession, et suivi du nom du siège. Le siège d'un clan est souvent le premier village créé et habité par le premier chef de clan, l'ancêtre qui serait parmi les premiers émigrés et installés sur le territoire actuel. Certains de ces villages ont disparu mais les clans qui leur sont tributaires demeurent avec des représentants dispersés dans les territoires. Le nom est le siège du premier ancêtre que les membres du clan évoquent ou scandent lors des circonstances solennelles. Lenom du clan constitue une devise qu'il invoque lorsqu'il est confronté à une situation difficile. Il l'évoque aussi pour annoncer son identité dans toute affaire où il est impliqué, par exemple, lors des fêtes, des sorties ou retraits de deuil, des mariages et des palabres. L'individu a aussi le droit d'user de la devise de son clan à titre d'exclamation en public pour exprimer la surprise ou l'étonnement, pour invoquer l'esprit du premier parent en vue de retrouver ses sens et regrouper ses forces dansune situation difficile. Chaque clan a un totem et est représenté par un animal, par un reptile, ou par un arbre (une plante). Dans son caractère individuel, le totem est l’être le plus intime, le plus sacré de la personne qui ne doit point être livré. Il témoigne du pouvoir et de la puissance de son protecteur. En relation avec le totem, certains interdits alimentaires touchent des poissons, animaux et plantes considérés comme faisant partie du totem du clan. L'interdit alimentaire frappe l'ensemble des membres du clan: femmes, hommes et enfants.
Le clan renseigne sur l'origine des personnes, des familles. Il apparaît pour ses descendants, comme un lieu de sécurité, non seulement parce qu'il détermine, réglemente la constitution des groupements, l'accession à l'héritage et l'exercice du pouvoir, veille au respect de l'exogamie, mais aussi parce qu'il crée et entretient un champ de forces où vivants et mânes des ancêtres sont liés et à l'intérieur duquell'individu est censé trouver équilibre, santé et protection. Il apparaît aussi comme un lieu d'insécurité parce que l'appartenance à certains clans prédispose à la sorcelleriehéréditaire « Dikoundou » chez les Punu du Gabon. Note :L'appartenance au clan peu également prédisposé aux maladies dues à la consommation de certains aliments interdits aux membres du clan (poissons, viande de certains animaux, de certains serpents). Ces poissons et animaux étaientconsidérés comme éléments de la puissance du premier parent. On pense encore que Joseph Itoua, L’institution traditionnelle Otwere chez les Mbosi OléeS au Congo-Brazzaville.
Il faut dire que la symbolique du totem, spécialement sous la forme animale, se trouve en Afrique noire sous diverses formes. Il y a de totem du groupe ou du clan et le totem de l’individu. Le totem du groupe est le signe médiatique symbolisant l’unité du groupe et de lui découle beaucoup de principes moraux et sociaux (contes, proverbes, dictons) qui président à la vie, à la survie et à l’harmonie. L’animal constitue ainsi laréférence symbolique des structures et des institutions, de telle sorte qu’on l’identifie augroupe même.l'ancêtre s'est réincarné dans cet animal sacralisé dont on ne peut consommer la
chair. Nous avons illustré cela à travers la présentation de certains clans chez deux peuples du sud-est :
Madame X est du clan Issagha.
Le siège est Djima.
Le totem est le perroquet.
L’interdit est de ne jamais tuer et manger le perroquet.
La devise est « Mè moukasse a Issagha !!!» pour dire « Moi, j’appartiens au clan
Issagha !!! »
Le juron est « eh, Bichi Issagha eh !! » pour dire « les membres du clan Issagha » ou « eh
Issagha chia tatah !!! » pour dire « le clan Issagha de mon père »115
Ici, il faut dire que celle qui jure n’invoque pas uniquement les vivants, mais aussi les
défunts, les aïeux. Tatah qui signifie père ici peut, selon les circonstances être
remplacé par les noms des ancêtres ou des parents défunts.
Monsieur Y est du clan Bavonda.
Le siège est Koumbi.
Le totem est l’araignée.
L’interdit est de ne jamais tuer l’araignée au risque d’avoir les troubles de la vue.
La devise fait référence à un rat de forêt dont le nom serait identique à celui du clan :
« Mouvonda ». La particularité de ce rat est qu’il est très propre et lors de ses
déplacements s’il arrive que sa queue se salisse en touchant les selles, il l’a coupe.
Pour revenir à la devise du clan Bavonda, cela se dit « Mè Mouvonda, mè téle na tchibi,
mè kéchi moukéla !!! » pour dire « J’appartiens au clan Bavonda, quand je touche les selles,
je me coupe la queue !!! ».
Propos recueillis auprès de Georges Mboyi, membre du clan Issagha.
Le juron est « eh Bichi Bavondé eh !!! » pour dire « les membres du clan Bavonda » ou
« eh Bavonda ba bote mamé eh !!! » pour dire « les membres du clan Bavonda qui ont naquit
ma mère »116.
Ici, l’auteur évoque de façon générale tous les membres du clan Bavonda afin qu’ils réagissent au travers de sa mère. D’après Patrick Tort et Paul Désalmand, notons que le lignage est le groupe d’individus liés par les liens du sang et suivant une règle de filiation unilinéaire ; il comprend exclusivement les personnes capables de fait d’établir leur relation généalogique avec un ancêtre commun ; un lignage est donc l’ensemble desdescendants unilinéaires d’un ancêtre ou d’une ancêtre commun(e) connu(e).
A partir de cette définition entendons par là qu’il s’agit de la famille étendue. C’est donc le groupe des parents considérés comme proches de l’individu et qui lui assurent son attachement à un clan. Ainsi, la parenté est organisée en plusieurs lignées qui constituent pour lui la représentation des clans auxquels il appartient. Plusieurs lignées ou lignages composent un clan. Dans un clan, un individu peut enreconnaître huit (8) au moins.
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