1 La réflexion sur la distribution spatiale des activités économiques permet de cerner
d’une manière globale la configuration du secteur industriel et les phénomènes sociaux
(urbanisation, exurbanisation, chômage, exode rural, etc.) induits. Elle paraît, dans ce
sens, un véritable outil d’analyse de la politique d’industrialisation du pays. Par
exemple, la polarisation économique (Libreville, Port-Gentil/Gamba, Mounana)1
n’a pas
permis de diversifier largement le secteur industriel gabonais. Cette situation a non
seulement entraîné un déséquilibre socio-économique entre les neuf provinces, mais
elle a aussi ralenti le processus de développement du pays (fig. 1). L’une des
conséquences majeures est l’absence d’un tissu industriel performant à même de
juguler les disparités spatiales justifiant la non-satisfaction des besoins nationaux.
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Figure 1 – Synergie entre voies de communication et activités économiques au Gabon (extrait de :
Atlas de l’Afrique. Gabon, p. 56-59)
Les choix politiques en matière d’industrialisation
2 L’analyse critique du processus industriel enclenché au Gabon décrit des structures
industrielles en proie à une gestion approximative, à la sous‑production et à la
concurrence des produits importés d’une part, et indique la nécessité d’une
spécialisation et d’une adaptation des productions aux besoins réels de la population. Il
faut sortir de l’idéologie selon laquelle les plaquages industriel et technologique
seraient la solution à une industrialisation adéquate et efficiente des pays en
développement. Si le transfert massif de technologies dominantes utilisées dans les
pays industrialisés, vers l’Afrique principalement, a permis le lancement du processus
industriel, il a néanmoins produit des « éléphants blancs ». Ce furent parfois des échecs
coûteux pour les pays africains. À ce niveau, nous suggérons que le Gabon et même
d’autres pays africains adoptent des technologies appropriées aux environnements
économique, social et culturel spécifiques. Ceci pour deux raisons essentielles.
Premièrement, il n’est pas évident de s’approprier une technologie de pointe sans y
être préparé et formé. Deuxièmement, le transfert de savoir et de technologie tout
azimut justifierait le constat d’échec de certaines expériences industrielles, notamment
au Gabon (usine de cellulose à Kango, d’urée et d’ammoniaque à Port-Gentil, de piles à
Franceville, etc.).
3 En effet, les multiples projets industriels engagés au Gabon par l’État et le secteur privé
montrent la volonté des pouvoirs publics de diversifier le secteur productif,
essentiellement basé sur la production pétrolière, avec 77 % des exportations totales,
45 % du PIB et 60 % des recettes budgétaires (Ropivia, 2004, p. 56-57). Dans cette
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optique, notre analyse envisage le problème du choix politique tant du point de vue
général que sectoriel, dans la mesure où les efforts de diversification sont restés vains
malgré l’énorme potentiel agro-industriel du Gabon. De ce fait la problématique de la
diversification industrielle est indispensable, afin de proposer une réorganisation
spatiale dans la gestion et l’exploitation des ressources naturelles, en tenant compte du
contexte international, mais surtout des besoins spécifiques du pays.
4 Ainsi, les choix politiques relatifs aux ressources exploitables ne sauraient être isolés de
l’environnement international qui caractérise les relations entre les économies de
marché, mais tenir plutôt compte des capacités de mise en valeur des ressources dont
dispose le Gabon. L’économie gabonaise, qui évolue dans une dynamique des économies
les plus avancées, ne saurait ignorer la concurrence des cours des matières premières
et son système de production mondial.
5 Par ailleurs, la production et l’exportation des matières premières placent le secteur
industriel gabonais dans une logique d’offre dont il découle une inadaptation des
technologies industrielles appropriées mais également une restriction des choix
industriels qui correspondent aux besoins nationaux réels. Aussi proposons-nous une
redéfinition des priorités industrielles et l’intégration des choix internationaux, par le
jeu des partenariats économiques. Cette réorganisation (fig. 1) exige que le Gabon pense
son développement socio-économique en termes de diversification et de performance
sectorielles. En d’autres termes, les choix politiques doivent permettre au secteur
industriel d’échapper ou de sortir de l’impasse d’une spatialisation industrielle dont
profiteraient uniquement les pays industrialisés. Néanmoins, cette redéfinition des
nouveaux objectifs en matière industrielle, suppose pour l’État et les opérateurs
économiques d’une part, la maîtrise des outils de production, et la mobilisation des
ressources financières, d’autre part.
6 Ainsi, une meilleure distribution spatiale des activités économiques est‑elle un facteur
de développement durable et harmonieux, dans la mesure où elle mettra forcément en
parallèle politique d’aménagement du territoire et politique d’emploi. À cet égard, une
nouvelle orientation de la politique industrielle du Gabon n’est pas seulement la clef du
développement, mais demeure le facteur essentiel d’une construction spatiale. En effet
la prise en compte des potentiels économique et énergétique des neuf provinces
présente assurément un enjeu important pour ce « riche » pays d’Afrique centrale.
7 En outre, redéfinir la carte économique du Gabon revient à résoudre un déséquilibre
socio-économique issu de la tripolarisation du territoire national qui, du reste, a
montré ses limites. Ce dernier aspect nécessite la relance et la maîtrise des multiples
opportunités de développement par le pays.
Les localisation des ressources naturelles et
diversification des activités économiques
8 L’adoption des choix industriels appropriés ne pourra atteindre les résultats escomptés
qu’à la condition que le Gabon engage une deuxième tentative de diversification et de
redéploiement industriels2
. Elle suppose un engagement des pouvoirs publics, des
opérateurs économiques et des scientifiques afin d’apporter des solutions adéquates
aux problèmes socio‑économiques soulevés par l’industrialisation du pays. Nous
pouvons évoquer entre autres disparités engendrées par la tripolarisation du territoire
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national, l’entassement des populations et des infrastructures dans les pôles d’activités
majeurs (Libreville, Port-Gentil/Gamba) et dans une moindre mesure à Mounana. Par
exemple, Libreville et Port-Gentil exercent une forte attraction sur les populations des
autres villes. On compte deux personnes sur trois vivants dans les villes du littoral
(Omadamba Ombanda, 2004, p. 28‑29). Nous notons également l’évolution à la hausse du
taux de population urbaine, passé de moins 30 % en 1960 à 73 % en 1993, et qui serait
voisin de 80 % aujourd’hui (Mboutsou, 2004, p. 24-27). Il est certain que le choix
d’implantation des entreprises industrielles et l’urbanisation qui en découle, expliquent
en partie les disparités que nous constatons sur le plan national.
9 Il est également évident que cette disparité au niveau de la structuration du territoire
affecte le rendement de l’économie nationale et plonge les villes de l’intérieur dans une
production atone puisqu’elles sont dépourvues autant d’unités de transformation, de
main-d’œuvre que des circuits de distribution. Eu égard à ce qui précède, les choix qui
seront adoptés permettront d’asseoir un tissu industriel à taille moyenne, mais dont on
peut espérer une efficacité certaine. Ce tissu industriel sera conforme à la structure
plus ou moins monopolistique de chaque secteur d’activités, à la disponibilité des
ressources (humaines et financières), et à la maîtrise des techniques de production.
C’est à ce niveau que l’exploitation de toutes les ressources va favoriser, ou du moins
celles qui peuvent l’être à court ou moyen terme, le maillage du territoire en unités de
production, d’où la nécessité de proposer des alternatives susceptibles de soutenir les
choix gouvernementaux et leur réalisation.
10 Ainsi, l’observation que nous faisons du processus industriel montre que si la
localisation des potentiels minier et énergétique a été faite, les possibilités de les
exploiter a toujours fait défaut. En effet, le processus d’industrialisation requiert la
mise en place des moyens considérables aussi bien pour la détection des ressources
(surtout non renouvelables), que pour leur exploitation. Cela suppose, après constat,
que la localisation et surtout l’exploitation des ressources soient motivées par la
rentabilité qu’on en tirerait, et que ce processus concerne autant les ressources
agricoles, halieutique que minérales. Cette nouvelle stratégie d’exploitation et de
production des ressources minières, agricoles et halieutique débouchera sur une
différenciation des niveaux d’industrialisation en fonction des produits, des
investissements, du coût de fabrication et de la main-d’œuvre. Par exemple, pour faire
face au manque de main-d’œuvre qualifiée, l’État devra mettre l’accent sur la formation
professionnelle, en tenant compte des besoins réels des opérateurs économiques, de la
demande du secteur industriel, et surtout cela permettra de récupérer tous ceux qui
sont ou ont été en échec scolaire.
11 En effet, l’enquête Budget Consommation de 1994 estimait à 30 % la population urbaine,
de moins de 26 ans, concernée par le chômage. Ce chiffre atteignait 46 % à Moanda et
38 % à Port-Gentil, alors que ces villes sont des foyers d’activités. En outre, ces chiffres
donnent une autre indication qui est liée à l’ampleur du phénomène, et que les secteurs
pétrolier et minier ne peuvent pas à eux seuls résorber. Ceci d’autant plus que les
recettes pétrolières engrangées durant les Douze Glorieuses (1974-1985) n’ont pas
permis de rationner la politique économique (Ropivia, 2004). Mais, nous y ajoutons qu’il
s’agit davantage de gestionnaires ou de responsables ayant confondu gestion publique
et gestion privée.
12 C’est pourquoi il nous semble opportun, d’une part, de proposer et de soutenir une
réflexion sur la spatialisation des activités économiques et, d’autre part, de souligner
Les Cahiers d’Outre-Mer, 256 | Octobre-Décembre 2011
que le Gabon doit s’engager dans une direction radicalement opposée à celle ayant
conduit au schéma industriel actuel.
Les activités économiques susceptibles d’être
financées dans chaque province
13 Les besoins en équipements collectifs sont si considérables que les conditions adéquates
pour créer des emplois dans le secteur productif et engager les conditions d’un
développement cohérent et durable se font attendre. Il en résulte des déséquilibres
spatiaux qui s’accentuent chaque jour davantage. Nous proposons donc qu’il soit établi
un répertoire des potentiels minier et agricole de chaque province, à l’instar du
SYSMIN (8e FED). Ce programme a permis au Gabon de bénéficier d’une enveloppe de
35 millions €, soit environ 23 milliards de Francs cfa (Fcfa), afin de diversifier
l’économie nationale et de lutter contre la pauvreté (Convention de financement
n° 6590/GA). En outre, ce programme (du 31 juillet 2004 au 31 décembre 2010) prend en
compte le renforcement des capacités des institutions sectorielles, la protection
environnementale des zones minières et/ou agricoles, y compris les actions sociales en
faveur des populations locales. Cette initiative peut être appliquée à d’autres secteurs
de l’économie gabonaise tels que la pêche, l’élevage, l’économie forestière et
l’agriculture. La diversification de l’économie nationale et des types de productions est
urgente dans la mesure où la situation socio-économique du Gabon, déjà alarmante,
aggrave encore un peu plus les maux dont souffrent les populations, et dont les
remèdes tardent.
14 C’est à ce niveau, après identification des ressources et des activités à financer, que la
diversification permettra de passer d’une économie dominée par l’extraction et
l’exportation des matières premières, brutes ou partiellement transformées, à un
système d’économie de marché, basé sur la transformation locale des matières
premières en produits finis. Ce changement de mode de production est possible étant
donné que les ressources minières par exemple sont quasiment inexploitées et
constituent à ce jour un gros potentiel économique. Cela assure au Gabon des
possibilités de développement et de diversification industrielle, encore qu’il lui faille,
d’une part, la volonté de se déterminer par rapport à la dépendance que représente la
demande des pays industrialisés, et d’autre part, les moyens financiers nécessaires pour
engager une mutation d’envergure.
15 Dès lors que ces étapes seront exécutées, et que l’exploitation des ressources au niveau
national sera enclenchée, on passera d’un système triangulaire de production
(Libreville, Port-Gentil/Gamba, Mounana) à un système englobant plus équilibré qui
insère l’ensemble des provinces dans un circuit national de production et de
distribution des biens et services. Il est nécessaire que le pays opère une mutation
radicale par rapport au système actuel de production du fait que l’économie de rente
révèle ses limites suite, non seulement, à la variation du cours de certaines matières
premières, mais également à la nécessité de construire un tissu industriel compétitif et
productif aux plans national, régional et continental. Dans ce contexte, nous prônons
une économie qui doit être soutenue par le renforcement des nouveaux secteurs
d’activités en plus des secteurs traditionnels tels que l’agro-alimentaire, l’industrie du
bois, etc.
Les Cahiers d’Outre-Mer, 256 | Octobre-Décembre 2011
16 C’est dans ce cadre que
la diversification de l’économie nationale dont on parle tant depuis plusieurs
années devient véritablement un impératif pour l’État. (Bignoumba, 2004).
17 Pour cette raison, la première tentative de diversification qui a eu lieu dans les années
1980 doit servir de cadre de référence pour une seconde diversification. Cependant, elle
devra tenir compte cette fois-ci du potentiel énergétique de chaque province et de leur
spécificité en termes économique, géographique, voire démographique. Ce processus
aura le mérite de rationner et de mieux gérer les ressources dites non renouvelables,
d’effectuer les meilleurs investissements donc de rentabiliser au mieux les finances
publiques, et d’autre part, d’encadrer les flux des populations vers tous les pôles de
production. À ces atouts directs, il convient d’adjoindre la création d’emplois (direct ou
indirect), ce qui aura un impact au plan social, notamment sur la résolution du
chômage. En effet, la diversification du système de production sous-entend la mise en
place d’un équipement collectif au service des populations locales. Ainsi, nous
établissons un lien entre activités productives, aménagement du territoire et politique
d’emploi. En résolvant l’un, on apporte implicitement des réponses aux déséquilibres
spatiaux engendrés par un système de production triangulaire.
18 En somme, la réorganisation spatiale des activités productives, proposée dans cette
analyse spatiale, permettra d’alléger les finances publiques et de promouvoir le secteur
privé, dans la mesure où l’économie gabonaise n’est pas encore sur le chemin de la
croissance pour enfin impulser le développement du pays. Le Gabon doit
nécessairement tirer profit de ses potentiels énergétique, minier, agricole et
halieutique pour retrouver l’équilibre économique. En fait, les échecs de certains
projets industriels sont à chercher dans le faux-semblant des politiques industrielles
engagées par les pouvoirs publics étant donné qu’elles ont fluctué entre l’amateurisme,
le renoncement, et l’approximation dans la conduite des projets de développement en
général. En effet,
pendant que l’économie s’enfonçait dans la crise, le discours politique appelait à la
rigueur et au sursaut national pour redresser l’économie, mais n’était nullement
accompagné d’une véritable politique de restructuration, insufflée à partir des
politiques d’ajustement structurel. (Meye, 2007).
19 Ne les considérons pas comme une panacée face aux difficultés du pays, tant elles ont
aussi leurs cohortes d’inconvénients (compression d’effectifs, fermeture d’usines, etc.)
mais comme des solutions opportunes, spécifiques à des situations précises.
20 Ainsi, suite à cette absence de diversification des activités productives, la situation
économique est allée de mal en pis. Car si le pays s’est engagé dans un processus
d’industrialisation sans conviction ni stratégies appropriées, il devra maintenant
envisager une mutation conceptuelle de sa politique industrielle, en mettant l’accent
sur la transformation des matières premières en produits finis ou semi-finis. Cette
impulsion donnera un nouveau sens à la production industrielle gabonaise.
21 À cet égard, nous suggérons une nouvelle orientation des choix industriels, qui
offriront de nouvelles possibilités et de nouveaux débouchés aux produits nationaux.
En d’autres termes, il est question d’enclencher des dynamiques économique, sociale et
spatiale pour relancer l’économie nationale. En d’autres termes, il est question pour le
Gabon d’entamer sa conversion afin de devenir un pays producteur au lieu de demeurer
un pays fournisseur de matières premières. Le Gabon doit réinventer sa politique
industrielle afin, d’une part, de s’inscrire dans un nouveau créneau de production et,
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d’autre part, de cerner les nouveaux enjeux mondiaux à venir pour, selon A.L. Meye
(2007), se situer aux premières loges de la recomposition économique mondiale dans les
prochaines années. Pour cela, nous devrons nécessairement prendre en compte
d’autres facteurs déterminants tels que la taille du marché local, le pouvoir d’achat des
ménages, et les coûts de production des produits, dans la mesure où ils influent plus ou
moins dans la consolidation du secteur économique.
L’établissement d’un chronogramme à court, moyen et
long termes
22 Les situations économique et sociale étant préoccupantes, il est important d’instaurer
un programme de réalisation des projets de développement, mais également d’imposer
aux responsables un résultat, fut-il mitigé. Cette disposition permettra de suivre les
différentes phases du projet. Par exemple, pour la création d’une exploitation agricole,
on surveillera les phases d’étude, d’exécution des travaux, c’est-à-dire de la
construction des locaux, des clôtures, l’achat des semences et des engrais, du
recrutement de la main‑d’œuvre jusqu’au fonctionnement effectif de la structure. Mais,
on devra aussi s’intéresser à la recherche scientifique. L’innovation et la recherche
scientifique restent de loin les chevilles d’une diversification économique, d’une part,
en tant que possibilités de renouvellement du savoir, en offrant des choix multiples de
développement et, d’autre part, en tant que soutien à un domaine clé qui est celui de
l’agriculture par l’expérimentation de nouvelles espèces cultivables, par l’amélioration
des rendements et de leur qualité. En effet, le rendement escompté tient compte de la
maîtrise de tous ces éléments, qui font maintenant partie des facteurs de production.
23 Concernant l’emploi, ce point nécessite la mise en place d’un programme de formation.
Cela permettra de scinder les besoins en main-d’œuvre ; d’un côté qualifiée, et de
l’autre celle non qualifiée. C’est à ce niveau que la formation dans les domaines de
l’agriculture, de la pêche ou de l’artisanat, est une ouverture vers de nouvelles activités
productrices de biens et services, aussi bien dans la vente, la transformation, le
conditionnement, la distribution que dans le service après vente. C’est également, un
moyen de diversifier les flux et les circuits de distribution en incluant l’ensemble des
provinces. Actuellement, en raison de leurs poids démographique et économique,
quatre provinces (Estuaire, Ogooué-Maritime, Woleu-Ntem et Haut-Ogooué) sur neuf
participent véritablement au renforcement économique du pays, pendant que les cinq
autres (Ngounié, Nyanga, Ogooué-Lolo, Ogooué-Ivindo, Moyen‑Ogooué) n’y participent
que modestement. C’est pourquoi le maillage du territoire par des voies de
communication modernes entraînera de facto l’implantation de nouvelles activités
(mise en exploitation de fer de Bélinga) ou la reprise de certaines d’entre elles (cas de la
marbrerie de Tchibanga) dans les zones rurales. Soulignons que ces zones ont été
jusque-là écartées dans la formation du Produit Intérieur Brut (PIB) pour plusieurs
raisons, dont l’insuffisance et la qualité moyenne des infrastructures et un exode rural
excessif vers les principaux sites économiques. Ces deux faits vident les villes, réduisant
ainsi toute possibilité de développement du pays.
24 Mais au-delà, nous soutenons que ces deux raisons ont plus que d’autres conditionné et
orienté les choix gouvernementaux quant aux ressources à exploiter. L’accessibilité à
un site minier, agricole ou de pêche étant prise en compte dans l’implantation d’une
unité de production, le manque d’infrastructures et des équipements collectifs est
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pénalisant pour certaines provinces du Gabon. À cet égard, le respect de la
programmation et de la planification des besoins est un gage de réussite des actions à
mener dans le sens d’une réorganisation de tous les secteurs de l’économie nationale. À
cet effet, un secteur, le transport, a retenu notre attention à cause de sa forte
implication dans le déroulement des activités économiques, voire dans le
fonctionnement quotidien du territoire.
Le rôle du secteur des transports dans le processus de
diversification et de réorganisation des activités
productrices
25 La branche transport représente moins de 30 % du PIB (MPPDAT, 2001) : ce pourcentage
est insignifiant au regard des besoins nationaux insatisfaits en la matière. Ce
pourcentage indique aussi que le territoire n’est que partiellement couvert par les flux
commerciaux et des efforts sont à fournir dans ce domaine. Cependant, nous savons
que le secteur des transports intègre une double nécessité dans l’économie nationale, à
savoir :
permettre les échanges de flux interprovinciaux et la participation des neuf provinces à
l’activité économique. Il s’agit le plus souvent des flux des produits nationaux et des
importations à redistribuer sur l’ensemble du territoire. Ces flux auraient été plus
considérables si l’état général du réseau routier le permettait. L’état approximatif des routes
nationales voire des axes urbains constitue une entrave à la circulation des biens et des
individus. Cette situation est considérée, à juste titre, de goulot d’étranglement de
l’économie gabonaise. En effet, si en période sèche, il est facile de transporter des
marchandises d’un point à un autre du territoire, en saison des pluies, certains axes routiers
sont impraticables, retardant ainsi les livraisons3
. Les axes Libreville/Kango (Estuaire) et
Fougamou/Mouila (Ngounié) pour ne citer que ceux-là, sont assez édifiants.
favoriser la diversification de la production et donc de l’économie par l’exportation des
produits nationaux, surtout agricoles et halieutiques. L’amélioration des conditions de
circulation est un gage d’une consolidation du tissu industriel dans la mesure où l’état des
voies de communication ne sera plus un frein à l’installation d’opérateurs économiques hors
des zones traditionnelles d’activités.
26 À cet égard, le secteur des transports se révèle être un levier efficace et indispensable à
la création de la valeur ajoutée. Ainsi, le rôle de soutien qu’assume le secteur des
transports au développement socio-économique d’un pays considéré est indéniable. Par
ailleurs, l’effort consenti dans le domaine des transports ayant toujours été porté sur
l’accroissement des échanges extérieurs (port minéralier, ports à bois et ports
marchands de Libreville et Port-Gentil), il est temps d’encourager la construction
d’infrastructures à caractère régional (cabotage ou transport fluvial, concrétisation de
la plate-forme ferroviaire à Franceville, réseau routier régional). Il en est de même du
Transgabonais dont on envisagerait l’extension et la connexion avec les voies du
Cameroun et du Congo. L’interconnexion de toutes les voies de communication
permettra la fluidité des communications. Le Gabon et les autres États ont la possibilité
et la capacité, y compris les moyens, de promouvoir une politique des transports
ambitieuse visant à mettre en place un ensemble cohérent d’infrastructures, dans le
but d’accroître, d’une part, les échanges et, d’autre part, d’amorcer un véritable
développement. À cet effet, P. Nguema Engo (1997) dans ses travaux, montre et analyse
•
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l’implication des transports dans le renforcement des relations intercommunautaires,
commerciales et financières dans les zones transfrontalières, notamment entre le
Cameroun, le Gabon et la Guinée équatoriale (ou zone des trois frontières).
27 Le dynamisme socio-économique de cette zone est une résultante d’abord de
l’amélioration des conditions de circulation, donc de l’intensification des flux
commerciaux et de passagers, ensuite des liens linguistiques de part et d’autre des
frontières, ce qui favoriserait les contacts, et enfin d’une intégration régionale réussie.
Le transport terrestre y tient un rôle important et même principal. Dès lors, il
conviendra de définir une stratégie nouvelle pour le développement socio-économique,
du moins dans les secteurs prioritaires de l’économie.
28 Cette option va accroître l’impact des opérations de développement, tout en rompant
l’isolement partiel ou total de certaines populations. Elles accéderont, par des voies de
communication praticables, aux services et aux biens dont elles sont privées. Ce
manque de liaisons entre les principales villes du Gabon et leur arrière-pays est un
obstacle à l’implantation des activités productrices, à la circulation des biens, des
services, mais aussi des personnes et des liquidités. Par contre, lorsque les voies de
communication seront fiables, des entrepreneurs investiront à l’intérieur du pays, car
ils auront des accès permanents avec les centres de décisions, et ne seront plus
menacés par des délais de livraison trop longs ou par des accidents dus au mauvais état
des routes (nationales). De même, les transporteurs augmenteront la part du trafic
désormais confié à la route, devenue plus fiable, sûre et surtout moins coûteuse.
29 Cette nouvelle gestion spatiale permet, à court et à long termes, une meilleure
utilisation des moyens de transport (inter modalité des moyens et des modes de
transport) et une réelle intégration des zones enclavées dans les circuits de production
et de distribution des biens et services. C’est aussi une manière de juguler le chômage
car les zones enclavées proposeront des produits dès lors qu’elles seront en contact
avec les pôles régionaux, et donc capables d’offrir une qualité satisfaisante du cadre de
vie aux populations suite à une nette augmentation des revenus.
Propositions ou cadre structurel d’une réorganisation
spatiale des activités productives
30 La distribution spatiale des activités économiques nécessite une profonde réforme du
mode de gestion de l’espace national dans tous les domaines de production, mais
essentiellement dans les secteurs agricole, artisanal, industriel et celui des transports.
Cela suppose et concerne l’implantation des unités agricoles, la création des usines de
fabrication de produits nationaux et la construction des infrastructures et équipements
collectifs.
31 Pour cela, on pourrait envisager la réforme des fonds structurels au nom de la cohésion
socio-économique, qui sera inscrite dans la Loi de finance. Ce fonds de cohésion socioéconomique, calqué sur le modèle proposé par Jacques Delors (2004, p. 302-303),
comportera trois volets :
le premier volet, le Fonds Économique pour le Développement Provincial (FEDEP) s’occupera
du développement régional ;
•
Les Cahiers d’Outre-Mer, 256 | Octobre-Décembre 2011
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le second volet, le Fonds d’Actions Sociales (FAS) financera l’insertion et l’accompagnement
des demandeurs d’emploi, qualifiés ou non. Ce fonds permettra à ceux qui sont en situation
d’échec de se réorienter et de participer à l’effort national ;
le troisième volet, le Fonds de Développement Agricole et Artisanal (FDAA) assurera la
promotion et le développement des secteurs agricole et artisanal.
32 Ainsi, ce fonds de cohésion économique et social ne se traduira plus par la politique du
saupoudrage, mais par des actions concertées dans les domaines précis et prioritaires.
En d’autres termes, il envisagera une programmation pluriannuelle des besoins et une
coordination au niveau des administrations de tutelle (Finances, Planification,
Agriculture, PMI/PME, Aménagement du Territoire, Intérieur et Décentralisation,
Enseignement général, Professionnel et Travaux Publics). En outre, ce fonds apportera
des aides technique et financière aux provinces en retard (Ogooué-Lolo, MoyenOgooué, Ngounié, Woleu‑Ntem), celles qui sont en déclin (Ogooué-Ivindo, Nyanga) et
confortera les acquis de L’Estuaire, du Haut Ogooué et de l’Ogooué Maritime. Ce
processus englobant, prône le développement rural pour amoindrir les déséquilibres
entre pôles majeurs (Libreville, Port-Gentil/Gamba, Mounana) et les pôles secondaires
constitués principalement de Oyem/Bitam, Lamabaréné, Mouila.
33 À cet égard, la résorption des déséquilibres socio-économiques entre les neuf provinces
dépend d’un certain nombre d’actions à réaliser telles que la construction de voies de
communication, d’équipements collectifs (hôpitaux, écoles, lycées et collèges,
électrification, adduction d’eau, etc.), la réorganisation du secteur agricole, la création
de PMI/PME, la promotion du secteur privé et la diversification du secteur industriel.
C’est à ce stade que l’application de la Loi 15/96 sur la décentralisation intervient car
elle permet aux collectivités locales (Conseils municipaux et départementaux)
d’engager des véritables travaux de développement, de s’engager pleinement dans le
processus d’harmonisation des énergies, donc d’être le promoteur du développement,
dans un partenariat État-promoteurs économiques. Cette synergie des partenaires au
développement et de l’État aboutira non seulement à la consolidation des programmes
d’équipement mais également à un développement harmonieux et durable du territoire
national.
*
34
La mondialisation des échanges, des biens et services entraîne la fragilité des
économies de rente et donc les moins concurrentielles, basées sur la vente des matières
premières et marquées par la fluctuation de leurs cours. À ce propos, l’économie
gabonaise qui s’inscrit dans ce contexte, est non seulement moins concurrentielle, donc
fragile, mais doit en même temps faire face à une hausse alarmante du taux de chômage
(21 %) depuis 1996 et au manque de diversification du secteur industriel. Ces deux faits
ont indiscutablement un impact négatif sur les activités économiques aussi bien au
niveau de la main‑d’œuvre que de la maîtrise des facteurs de production, mais surtout
du marché des matières premières. Ce handicap à terme hypothèque le processus de
développement et limite le Gabon au rôle de fournisseur des matières premières.
35 C’est pourquoi, nous soutenons une diversification du secteur industriel gabonais. Cela
aura le mérite de proposer des produits nationaux sur les marchés extérieurs, d’une
part, et de consolider l’économie nationale par des revenus issus de nouveaux produits
hormis ceux engendrés de la vente des produits traditionnels et pétrole, bois et
•
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manganèse, d’autre part. La diversification des activités productives suppose également
la prise en compte des spécificités de chaque province et la mise en place d’un fonds de
cohésion socio-économique qui soutiendra chaque province dans le processus de
développement. En effet, il ne peut pas y avoir de réel développement national sans
développement conjoint de l’ensemble des provinces, comme il ne peut pas y avoir de
développement sans participation et adhésion des populations aux projets de
développement.
36 C’est dans ce contexte que la prise en compte de tous ces paramètres est essentielle et
représente un gage de développement pour le Gabon. Cependant, notre analyse, comme
toutes celles qui ont été faites sur ce thème, sera vaine tant que la volonté des
dirigeants politiques et administratifs ne sera pas pleinement engagée.
BIBLIOGRAPHIE
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NOTES
1. Moanda n’est pas pris en compte depuis la fermeture de la COMUF, en 1999, suite à la
dépréciation de l’uranium sur le marché international.
2. M.-L. Ropivia (2004) évoque une première tentative de diversification inachevée qui a eu lieu
entre le milieu et la fin des années 1980. Cependant, elle a permis la diversification, grâce aux
ressources générées par le pétrole, dans quatre groupe d’activités (agro-industrie ; industrie,
extraction et fabrication ; transport, informatique, recherche, énergie ; bâtiment, loisir,
hôtellerie).
3. Les pluies torrentielles accentuent les difficultés de transport à l’intérieur du pays, ce qui
constitue un handicap pour le réseau routier de février à mai. C’est la grande saison des pluies ou
d’hivernage.
RÉSUMÉS
La spatialisation des activités économiques est un outil d’analyse et de compréhension, d’une
part, du processus industriel et, d’autre part, des faits socio-économiques qui en découlent. Ainsi,
la mise en relation des pôles d’activités majeurs (Libreville, Port‑Gentil/Gamba et Mounana), et
des pôles secondaires essentiellement agricoles (Oyem et Bitam) ou forestiers (Mouila,
Lambaréné et Lastoursville), présente un manque de diversification des secteurs productifs
(industriels ou non). En d’autres termes, le Gabon n’a pas su anticiper la construction d’un tissu
industriel performant, capable d’enclencher le développement du pays, mais également offrir des
alternatives aux industries pétrolière et minière. C’est pourquoi la présente réflexion se propose
de repenser la gestion spatiale des ressources naturelles afin de proposer un processus global
d’industrialisation du Gabon.
Management and exploitation of natural resources in Gabon : towards a spatial
reorganization of interest-bearing activities
The spatialization of economic activities is a tool for analysis and understanding of, on the one
hand, the industrial process and, on the other hand, the socioeconomic facts which follow. Thus,
relating major poles of activities (Libreville, Port-Gentil/Gamba and Mounana), and secondary
poles above all agricultural (Oyem, and Bitam) or pertaining to a forest (Mouila, Lambaréné, and
Lastoursville), displays a lack of diversification of productive sectors (industrial or not). In other
words, Gabon could not anticipate the building of a high-performance industrial sector, capable
to start the development of the country, but also to provide alternatives for the mining and oil
Les Cahiers d’Outre-Mer, 256 | Octobre-Décembre 2011
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industry. That’s why this reflection aims at rethinking the spatial management of natural
resources in order to propose a global process of industrialization in Gabon.
INDEX
Keywords : distribution, economic activities, Gabon, industrial diversification, production,
transportation
Mots-clés : activités économiques, distribution, diversification industrielle, Gabon, production,
transport
AUTEUR
COUDEL-KOUMBA
Docteur en Géographie, Assistant au Département de Géographie, CERGEP, Faculté des Lettres et
Sciences Humaines, Université Omar Bongo, Libreville
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Aug 11, 2023
La gestion et l’exploitation des ressources naturelles au Gabon : vers une réorganisation spatiale des activités productives Coudel-Koumba
Labels:
Architecture...planification
I'm a developer designer -UX, Human Activist, entrepreneur, Blogger, writer, and business mentor. Founder of Gabonatura. I love culture, and environmental justice. Promote education in Africa.
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