Aug 3, 2023

Métaphysique

JEAN MARTIAL DIVOUNGUY: Nine nzal udjab nane be nenguilili o ypunu ''métaphysique ''? Si on faisait un tour de force en le traduisant avec des expressions comme : « savoir qui dépasse la sensibilité »

"Ce qui n'a jamais été vu" ou "ce qui ne s'entend pas" ou tout simplement "ce qui n'est pas". Comment voyez-vous la traduction de ce mot métaphysique ?

FRANCK MAVIOGA: C'est d'abord quoi la Métaphysique ?

JEAN MARTIAL DIVOUNGUY: La métaphysique est l'une des branches traditionnelles de la philosophie. On peut définir la métaphysique comme cette discipline prenant pour objet ce qui dépasse la réalité sensible, physique : Dieu, l'âme, la mort, l'immortalité. Dieu existe-t-il ?, ou le temps est-il infini ? sont deux questions métaphysiques, par exemple.

FRANCK MAVIOGA
Jean Divounguy La Métaphysique est un terme inventé par Aristote. Après avoir rangé tous les livres de Physique (en rapport avec phusis, la nature), Aristote décida de placer tous les livres qui traitaient des questions ésotériques sur l'étagère au-dessus des livres de Physique. D'où le terme "méta ta phusica" ou métaphysique. Ces livres concernent la PHILOSOPHIE PREMIÈRE qui est subdivisée en ONTOLOGIE (science de l'être en tant qu'être) et en THÉOLOGIE (science qui traite de Dieu et de tout ce qui relève de sa nature. Pour la petite histoire, la conception transcendante et séparée de Dieu chez les musulmans relève de la lecture d'Aristote). Voilà pour la restitution sémantique et philologique du terme "Métaphysique". Après ce préalable (il faut toujours partir de la définition des termes du débat), le débat est ouvert.

JEAN DIVOUNGUY Franck Mavioga J'aimerais aussi savoir ce que nos chers linguistes de la maison pensent sur ce sujet, et partant rendre hommage à notre très célèbre Mikala Roger, qui nous a quitté il n'y a pas très longtemps, paix à son âmE

FRANCK MAVIOGAJean Divounguy Je suis philosophe de formation, pas linguiste

JEAN DIVOUNGUY;  La discussion tourne autour de la traduction du mot métaphysique, la contribution de chacun est la bienvenue, même de la tante qui est à Moabi.

JEAN DIVOUNGUY Recherche rationnelle ayant pour objet la connaissance de l'être (esprit, nature, Dieu, matière…), des causes de l'univers et des principes premiers de la connaissance.

FRANCK MAVIOGA: Jean Divounguy Attention à ces définitions trop générales qui n'intègrent pas les critiques formulées contre la Métaphysique ancienne. Notamment celles de KANT et HEIDELBERG. Pour KANT, la Métaphysique est "une roue qui tourne à vide". Car son discours ne peut être contrôlé rationnellement. "Tout concept sans intuition sensible (qui ne s'appuie pas sur la réalité concrète) est vide, et toute intuition sensible sans concept(Entendement) est aveugle", nous dit KANT. HEIDELBERG, quant à lui, déplore que la Métaphysique ne soit plutôt qu'une physique dont la préoccupation centrale, celle de l'être, est tombée en oubli à partir même d'ARISTOTE. En effet, en décrivant l'être à partir de ses catégories (substance immanente et accidents), ARISTOTE a réifié, hypostasié l'Être. Dès lors, si l'objet de la Métaphysique est une hypostase, une réalité descriptible, c'est que la Métaphysique est finalement une Physique. La Métaphysique, dans sa détermination parmenidienne en particulier et dans son approche pré-socratique en général est recherche des premiers principes et des premières causes de la Nature. Ici l'objet de la Métaphysique c'est l'Être comme cause et principe premiers.

JEAN DIVOUNGUY;   Franck Mavioga diboti. mais le débat reste comment dit on métaphysique en ypunu?

FRANCK MAVIOGA: Jean Divounguy Les anciens punu nommaient-ils la Métaphysique ? Se préoccupaient-ils des premières causes et des premiers principes par une activité rationnelle consciente et personnelle de type philosophique ? Il faut éviter des transpositions arbitraires.

JEAN DIVOUNGUY: Franck Mavioga Que savions nous mon chèr ?Rien non plus ne dit qu' Ils ne s'en préoccupaient pas.

FRANCK MAVIOGA:  Jean Divounguy Ce qui est certain c'est l'absence de traces de cette prétendue "Métaphysique". Tout ce que nous pouvons faire c'est de conjecturer sur un objet hypothétique.

JEAN DIVOUNGUY: Franck Mavioga Nous n'allons pas remettre sur la table le sempiternel problème de philosophie occidentale contre l' ethnophilosophie. Les mitsogho par exemple avaient des connaissances systématiques très élaborées qui incluaient la métaphysique, l'épistémologie et l'axiologie etc... C'est ainsi que les différentes branches de leurs sciences philosophiques se nommaient : maganga ma gébando ; maganga ma go tsina; maganga ma go tsenge; maganga ma Nzambe Kana; maganga ma go mbεgo maganga ma ge tsika biboto, maganga ma ge tsika payi. Nous aussi on avait pour nous.

FRANCK MAVIOGA: Jean Divounguy Malheureusement le débat demeure tant que la confusion entre philosophie et anthropologie ou ethnologie persistera. La philosophie a une langue, celle des concepts. Or les concepts sont grecs. C'est donc une absurdité d'envisager une éventuelle philosophie Punu avec des concepts grecs.

JEAN DIVOUNGUY:  Mavioga Franck Cela devient un mimétisme chez les intellectuels gabonais quant aux faits de repousser un peu les difficultés,faire un kilomètre de route c'est difficile, valoriser nos savoirs traditionnels c'est difficile, pourtant cet exercice semble facile, chez nos intellectuels d'Afrique de l'Ouest. Je cite M. Savadogo : "chacune de nos langues a son génie propre qui permet des comparaisons conceptuelles et pose des problèmes d'un grand intérêt philosophique : par exemple en mooré, du mot « goma » qui signifie, mots, parler, mots, et langue et le mot « bãngre » qui désigne le savoir, la science et le savoir, il est possible de dégager un lien entre la grammaire "gom-wνgb-bãngre", "savoir de l'art de tisser les mots", la logique "gom-tιrlem-bãngre", "savoir parler droit " et la linguistique "ru ̃ni-gom-bãngre", "la connaissance des langues du monde". L'exemple du traitement du thème de la métaphysique chez les mooré, celui de la combinaison entre les deux mots mooré « goma » et « bãngre » permet d'entrevoir comment le travail d'invention d'un langage philosophique à travers des séances de cours est possible." Reply 29w Aristide Mikala Amaroo Jean Divounguy je pense que le problème ici est le terme "métaphysique" que tu emploies qui cause problème. C'est un terme qui a toute une histoire qui n'a rien à voir avec notre vécu. Je comprends bien ce que tu veux savoir. Mais est-ce que la transposition est-elle possible ? C'est ce que Franck Mavioga essaie de te faire comprendre. Car chez nous, on fait trop de transposition qui sont souvent maladroite lorsqu'il s'agit de certains points à aborder. L'explication est : l'aliénation culturelle. On veut parler de notre culture dans une langue étrangère à cette culture. C'est une épreuve compliquée. Car il y aura confusion des termes qui n'ont pas le même sens, la même histoire, et qui ne sont pas interchangeables. C'est souvent par abus qu'on le fait.

ARISTIDE MIKALA AMAROO: Ce que je peux dire c'est que pour toute connaissance, le punu utilise le verbe "u djiabe". Dans l'expression "u djiabe di'agwu, u djiabe di mbatsi", cela généralise le savoir. Tout ce qui constitue la connaissance du vécu des punu et des autres. Maintenant, il y a des termes qui renvoient à des concepts selon l'angle de vu du punu ou bantou en général. Mais qui ne sont pas forcément transposables avec l'angle de vue des autres.
Pour la question posée, les punu ont des termes pour désigner le monde monde matériel et immatériel. Lorsqu'on parle de "muni" comme dans l'expression "na muni" (que l'on traduit généralement en français par AUJOURD'HUI) désigne le monde physique. En Gisire ça se dit "mwangulu". Mais il y a aussi "kane" qui fait allusion à un monde extérieur. Dans l'expression "diténgu ma pale kane", on comprend que diténgu est sorti de son monde immatériel pour apparaître au monde matériel. On peut ainsi dire qu'il y a un extérieur et un intérieur. D'ailleurs pour ce qui est de intérieur, lorsque l'on veut parler d'initiation au monde invisible, on utilise le verbe "u kôte". Exemple : "u kôte bwiti", "u kôte mabantsi". Cet intérieur est appelé "ndimbi". Sans oublier le terme "dikolu". L'expression "kumbule dikolu" est un exemple qui nous édifie sur ce qu'on entend par "dikolu".
Ce n'est que mon observation. Je ne suis pas un initié pour savoir avec justesse ce que chacun des termes renvoie ou encore connaître les termes

ALAIN MOUTSINGA:  Bonjour. Je pense qu'on peut oser une autre approche de connaissance. Est ce que la métaphysique en Punu (qui existe forcement) est vue comme en occident enchâssée dans la philosophie ou bien c'est la philosophie même. Car si on demande sa signification en puni nous ne faisons que traduire des mots et comme l'équivalence exacte n'existe pas nous passerons à côté.

ARISTIDE MIKALA AMAROO: Alain Moutsinga c'est exactement ce qu'il convient de faire.

JEAN DIVOUNGUY: , Aristide Mikala Amaroo A mon sens il faudra d'abord définir la notion du concept et partir de la réalité qu'il existe bien une différence entre "universaux de forme" et "universaux de substance". Les universels de forme sont internes au langage, indissociables de son fonctionnement, propres au langage en tant que langage ; tandis que les universaux de substance touchent la relation du langage au monde, les significations que les langues définissent, les contenus qu'elles portent.
Je suis d'accord qu'on propose d'abord la définition du concept, ce que j'ai fais dans les post précédents et ensuite relever la différence entre les « concepts naturels » (les concepts de la langue ordinaire, la liberté, la beauté. ..) et les "artéfacts conceptuels" (les concepts scientifiques ou techniques, le logarithme, la déflation...).

JEAN DIVOUNGUY: Métaphysique désigne communément ce qui est « au-delà du physique », c’est-à-dire ce qui n’est pas accessible à nos sens, ce qui se trouve au-delà du monde sensible.

JEAN DIVOUNGUY;  Alain Moutsinga : La métaphysique n'est pas une discipline de la philosophie chez les punu comme en Occident, mais plutôt une sorte de philosophie, ou une manière de philosopher sur les questions fondamentales de la vie comme la question de Dieu, des ancêtres, des âmes , de la souffrance, bien-être, le monde des morts, lire la thèse
Mugulu : aspects psychopathologiques / Sébastien Mamaboundou-Mounguengui (1985). Selon ma pensée la métaphysique chez les punu se situerait à la limite de la physique, la philosophie et de la thérapie. La métaphysique chez les punu serait une sorte de jeux qui consiste à gagner en connaissance de la réalité véritable, en amour et en sagesse.

ALAIN MOUTSINGA: Jean Divounguy je suis tout à fait d'accord. Je ne soulignais que le fait d'une éventuelle traduction du français au punu du terme métaphysique qui n'apporte rien en réalité. Dans "bukulu" on peut comme dans un mot valise mettre de la métaphysique. Bukulu bu yatsi une branche qui ne traite essentiellement que des lignages . Bukulu bu ndawu etc qui aura aussi son pendant pour expliquer l'origine et le pourquoi de chaque chose mais dans la stricte cosmogonie punu

JEAN DIVOUNGUY:  Alain Moutsinga La linguistique nous ouvre plusieurs pistes par exemple le carré comme un parallélogramme à côtés égaux et à angles droits. Les définitions sont de la forme «On appellera carréle parallélogramme qui...» . Là où les concepts naturels se satisfont de l'approximation et du flou (une pièce peut être dite carrée même si elle ne l'est qu'à peu près), les artéfacts conceptuels ne tolèrent aucune marge : ils s'imposent avec la rigueur des sciences et des techniques. Du fait même de son caractère explicite, l'artéfact conceptuel se prête à la généralisation universelle ; il peut s'étendre à toutes les langues où le besoin s'en manifeste ; il est compatible avec toutes les langues. A mon humble avis il ne sagirait pas de traduire ce concept non pas sous la forme de l'artéfact mais sous la forme de concepts naturels. comme le dit M. Savadogo : "chacune de nos langues à son génie propre qui permet des comparaisons conceptuelles et pose des problèmes d'un grand intérêt philosophique : par exemple en mooré, du mot « goma » qui signifie, mots, parler, mots , et langue et le mot « bãngre » qui désigne le savoir, la science et le savoir, il est possible de libérer un lien entre la grammaire "gom-wνgb-bãngre", "savoir de l'art de tisser les mots", la logique "gom-tιrlem-bãngre", "savoir parler droit" et la linguistique "ru ̃ni-gom-bãngre", "la connaissance des langues du monde". L'exemple du traitement du thème de la métaphysique chez les mooré, Celui de la combinaison entre les deux mots mooré « goma » et « bãngre » permet d'entrevoir commenter le travail d'invention d'un langage philosophique à travers des séances de cours est possible."

No comments :

Post a Comment